La ministre française de la Défense, Florence Parly, tente de convaincre Washington de rester au Sahel
A la demande du président Trump, le secrétaire américain à la Défense, Mark Esper, pourrait retirer les forces américaines basées en Afrique.
La ministre française des Armées, Florence Parly, était le 27 janvier 2020 à Washington pour tenter de convaincre son homologue américain Mark Esper de ne pas retirer à la France un soutien crucial dans la lutte que Paris livre depuis près de sept ans aux groupes jihadistes au Sahel.
"Le soutien américain à nos opérations est d'une importance cruciale et sa réduction limiterait gravement l'efficacité de nos opérations contre les terroristes", a déclaré Florence Parly, à l'issue d'une rencontre au Pentagone avec Mark Esper.
L’administration américaine entend "se concentrer sur les menaces constituées par la Chine et la Russie", a déclaré le secrétaire américain à la Défense, Mark Esper. Ce dernier se prépare à retirer les forces américaines situées en Afrique, soit 6 000 à 7 000 experts, qui combattent les groupes jihadistes. Les rapports indiquent que le Pentagone pourrait inclure l'abandon d'une base de drones récemment construite (et qui a coûté110 millions de dollars) au Niger et la fin de l'aide aux forces françaises combattant les groupes islamistes au Mali, au Niger et au Burkina Faso.
Au Sahel, Washington apporte, avec ses bases au Niger, un soutien significatif aux 4 700 soldats français de l'opération Barkhane en matière de logistique, de ravitaillement et surtout de surveillance, avec des drones équipés d'un système d'interception des communications qu'ils sont, à ce jour, les seuls à pouvoir fournir. "Il y a un risque réel de voir Daech reconstituer au Sahel le sanctuaire qu'il a perdu au Proche-Orient", insiste-t-on dans l'entourage de Florence Parly.
"Ramener les boys à la maison"
L'ennui, c'est que la décision américaine, bien que prise au Pentagone, risque d'être influencée par l'agenda électoral d'un Donald Trump avide de prouver qu'il tient sa promesse de ramener des "boys" à la maison. La ministre des Armées devait rencontrer le patron de la NSA (National Security Agency), le général Paul Nakasone, et le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, Robert O'Brien.
Pour Florence Parly, il y a urgence à convaincre le chef d'état-major des armées américaines, le général Mark Milley, ce dernier ayant promis une décision sur le dispositif en zone sahélo-saharienne au plus tard début mars.
Dans les faits, la "réorientation" des moyens déployés par les Etats-Unis en Afrique se fait déjà ressentir sur le terrain. Selon les propos d'un responsable américain recueillis par Reuters, les drones américains ont par exemple déjà cessé de survoler la région du lac Tchad, zone d'influence du groupe nigérian Boko Haram.
Un engagement américain limité à 45 millions de dollars
Un désengagement accru pourrait "plonger dans le noir" les soldats de Barkhane qui combattent plus à l'ouest les groupes affilés à Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et à l'Etat islamique au Grand Sahara (EIGS). Pour tenter de l'éviter, Florence Parly devait brandir un argument massu : avec un budget estimé à environ 45 millions de dollars par an, les Etats-Unis ne fournissent au Sahel qu'un "effort financier limité pour un effet maximal sur le terrain", souligne-t-on au ministère des Armées à Paris.
Quelques voix démocrates et républicaines contestent ce repli voulu par le président Trump : "Une diminution aujourd'hui de notre investissement pourrait entraîner la nécessité pour les États-Unis de réinvestir bien plus demain", les entend-on dire.
En attendant la décision américaine, la France a commencé à anticiper un retrait en décidant d'armer ses drones, qui ont mené leurs premières frappes fin décembre au Mali. Six drones supplémentaires sont attendus au Niger d'ici la fin de l'année, ce qui portera à neuf le nombre de ces appareils.
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