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Dans le nord du Mali, "la peur est toujours là"

Alors que la rébellion tient la moitié nord du pays, les Maliens interrogés par FTVi veulent encore croire à un règlement pacifique de la crise. Mais divergent sur la méthode.

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des habitants de Bamako (Mali) font des provisions de carburant après l'embargo décrété par la Cédéao, le 3 avril 2012. (ISSOUF SANOGO / AFP)

Il y aurait pourtant de quoi perdre espoir. Profitant de l'instabilité provoquée par le coup d'Etat militaire du 22 mars, les séparatistes du nord du Mali ont trouvé dans le mouvement salafiste armé Ansar Dine des alliés de circonstance pour prendre la main sur la moitié du pays. Ceux-ci se dirigeraient même vers la capitale, Bamako. Un embargo total a été mis en place dans le pays lundi 2 avril par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) afin de pousser la junte militaire à rendre le pouvoir aux civils. L'Union africaine est allée dans le même sens mardi en adoptant des sanctions contre l'armée et contre les rebelles.

Pourtant, alors même que la question d'une intervention internationale se pose de manière pressante, tant à la Cédéao qu'aux Nations unies, les Maliens veulent continuer à croire à une résolution pacifique du conflit. Tous ceux interrogés par FTVi n'avaient que les mots "dialogue", "diplomatie" et "solution à l'amiable" à la bouche.

Avec les islamistes, "on va dans l'impasse"

"Les islamistes d'Ansar Dine ? Bien sûr, ça nous fait peur !" reconnaît Soumaïla Camara. Ce trentenaire, diplômé en droit des affaires et travaillant dans la négociation, ne veut pas entendre parler de l'instauration de la charia chère aux salafistes présents dans le Nord. "Au Mali, personne n'est exclu de la vie politique en raison de sa religion. Avec eux, on va dans l'impasse !" assure-t-il. Et la présence à leurs côtés de membres d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) renforce son inquiétude. "Ceux-ci ne se basent pas sur le Coran mais sur les armes", soupire-t-il.

Si Soumaïla Camara ne veut pas entendre parler des islamistes, il estime que les autres rebelles du Nord, les indépendantistes du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), ont droit à un autre traitement. "Avec eux, il faut dialoguer et rétablir un consensus national", pense-t-il, regrettant que le gouvernement n'ait pas pris cette initiative avant que le groupe ne se radicalise.

Pour résoudre la crise, ce Bamakois ne compte pas sur la Cédéao, qui a pris "une mauvaise décision en décrétant l'embargo sur le pays". Il n'a d'ailleurs pas fait de provisions particulières depuis sa mise en place, lundi. Lui compte plutôt sur la junte. "L'armée doit rester à la tête d'un nouveau gouvernement d'union nationale. Il devra assurer la mise en place de nouvelles élections et dialoguer avec le Nord pour résoudre la crise."

"Ça risque d'être violent lorsqu'il faudra reprendre Tombouctou"

Le diagnostic est identique pour Assoumané Maïga, qui habite Bamako mais dont la famille se trouve dans le Nord, à Tombouctou, récemment tombée aux mains des islamistes. Lui qui se destine à une carrière de fonctionnaire a aussi "peur de l'avancée des rebelles". "Ma famille me dit que les salafistes se veulent rassurants avec la population, confie-t-il, mais ils constituent un vrai danger. Ils ne sont pas comme le MNLA avec qui on peut encore dialoguer (...). Avec eux, ça risque d'être violent lorsqu'il faudra reprendre Tombouctou."

A la différence de Soumaïla Camara, Assoumané Maïga ne fonde pas ses espoirs dans l'armée, mais dans la Constitution malienne, formellement rétablie lundi. Il appelle de ses vœux un gouvernement civil pour organiser un scrutin. Quant au blocus décidé par la Cédéao, il s'y résigne en attendant que la junte quitte le pouvoir. Il assure avoir fait quelques provisions en vivres et en carburant, au cas où la situation durerait.

Une "solution à l'amiable"

Et dans le Nord ? Un responsable associatif habitant Tombouctou, et qui préfère garder l'anonymat, assure préférer la présence des islamistes à celle des Touareg du MNLA. "La peur est toujours là, mais est moins présente qu'avec les indépendantistes, qui ont cassé tout le matériel dont je disposais, se lamente-t-il. Cette situation aurait pu être évitée si on avait envoyé davantage de soldats dans le nord du Mali pour garantir l'unité nationale."

Et d'appeler le gouvernement à trouver un moyen de résoudre "ces tensions qui ne peuvent plus durer". Comment ? Sa réponse est rapide : "Avec une solution à l'amiable." Forcément.

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