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Madagascar : l'impossible réconciliation ?

Depuis la crise institutionnelle de 2009, le président de la Transition Andry Rajoelina et l'ex-président en exil, Marc Ravalomanana, ne réussissent pas à trouver un accord pour sortir de l'impasse. Depuis l’indépendance, le pays a connu de nombreuses révoltes populaires qui ont entraîné à chaque fois un changement de dirigeant.
Article rédigé par Jean-Claude Rongeras
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Rencontre entre Rajoelina et Ravalomanana, aux Seychelles, le 24 juillet 2012. (AFP/STRINGER)

La dernière réunion entre les deux protagonistes de la crise malgache, le 8 août 2012 aux Seychelles, fut un face-à-face éclair. Malgré les efforts des médiateurs de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), ils n’ont pu lever les obstacles vis-à-vis de l’organisation d’une présidentielle prévue le 8 mai 2013, qui reste en suspens. Une réconciliation paraît  difficile même si la SADC parle de «discussions cordiales».

Depuis le début de l’année, le pays connaît une période de troubles. Après une série de manifestations, une mutinerie a fait trois morts et quatre blessés, le 22 juillet 2012, à Antananarivo sans que l’en en connaisse précisément la cause.

Deux adversaires qui se connaissent bien
La rivalité entre l’ex-maire d’Antananarivo et l’ex-chef de l’Etat est une vieille affaire. Marc Ravalomanana est accusé de gérer les affaires publiques d’une manière calamiteuse, mêlant notamment intérêts publics et privés. Dans ce contexte, le peuple avait trouvé son héros en la personne d’Andry Rajoelina, ancien disk-jockey, entré dans les affaires, avant d’enlever, à 34 ans, haut-la main, la mairie d’Antananarivo, pour redonner ses lettres de noblesse à la politique.

Des manifestations avaient éclaté le 7 février 2009, pour demander le départ du président sortant. Marc Ravalomanana avait alors fait tirer sur la foule. Bilan : 36 morts. Le 17 mars de la même année, une partie de l’armée renverse le président deux fois élu. Andry Rajoelina accède au pouvoir sans avoir été élu, devenant le président de la Haute Autorité de Transition (Hat). Le fait que Marc Ravalomanana ait été condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité pèse sur la négociation. 

La crise met les entreprises en difficulté

AFP, le 23 novembre 2011

Andry Rajoelina a développé durant ses mandats les zones franches où 100.000 travailleurs malgaches travaillent pour 30 à 40 euros par mois pour de grandes marques de textile. La qualité de la main d’oeuvre et les coûts bas ont permis cet essor économique de petits îlots bénéficiant de la mondialisation. Malgré la crise économique et politique, ce secteur prévoit de doubler les emplois d’ici 5 ans. Même si pour certains observateurs l’instabilité actuelle commence à avoir un impact sur le secteur.

Une économie qui souffre
L’économie de la Grande île est traditionnellement dépendante des aides internationales, qui représentaient quelque 70% du budget, soit 2 milliards d’euros en 2009. Or, elles ont disparu. L’UE a suspendu son aide annuelle de 600 millions d’euros après la prise du pouvoir par Rajoelina. Les Etats-Unis ont, eux, suspendu leur partenariat commercial après qu’en 2009 ce dernier ait mis fin au processus de sortie de crise prévu.   

Le PIB a régressé de 5% en 2009 et a stagné en 2010 et 2011.

Un seul secteur échappe au marasme, l’investissement minier qui, grâce aux concessions, rapporte des devises.

Dans le domaine économique, l’Union européenne n’est pas exempte de reproche. Une ONG britannique l’accuse d’exploiter les ressources de poissons malgaches sans en payer le prix.

Un nouvel élèment : la découverte de pétrole dans le canal de Mozambique, le bras de l’Océan indien, qui sépare Madagascar du continent africain ainsi que d’importantes réserves de gaz. De quoi attirer des investisseurs et d’accroître dans le futur les ressources financières d‘Antananarivo. 

Madagascar (AFP/HEMIS/ASAEL ANTHONY)
 

Dégradation du climat politique
Sur le plan intérieur, la situation se complique. Le pays est divisé en deux camps. Les ministres pro-Ravalomanana boycottent désormais les conseils des ministres.

Quant à la gestion du Président de la Transition, elle s’effectue en dehors de tout classicisme : Andry Rajoelina gouverne par ordonnance. Il a dissous le Parlement et le Sénat. Des journalistes sont arrêtés, les manifestants réclament «la liberté d’expression ». Et des analystes parlent de son isolement croissant dans son palais d’Ambohitsorohitra. Pourtant, si les dépenses et les investissements sont réduits au minimum, il pouvait encore jusqu’à récemment payer les fonctionnaires. Une période qui semble révolue.

Un choix difficile pour les parrains de la SADC
En ce qui concerne l’avenir politique, le dialogue entre les principaux partis politiques ne débouche pas sur des résultats concrets. Le 17 septembre 2011, l’accord (le troisième du genre) pour une feuille de route de fin de crise a été accepté par les deux parties. Mais l’application des décisions n’a pas lieu. Pour Alain Thierry Raharison, secrétaire général de la Commission épiscopale Justice et Paix «les hommes au pouvoir sont affamés… alors qu’ils ne devraient être là que pour expédier les affaires courantes et organiser les élections».

Il semble que la principale préocuppation d’Andry Rajoelina soit de se défaire une bonne fois pour toutes de Marc Ravalomanana qui se trouve en exil en Afrique du Sud. L’ex-président a tenté de rentrer au pays le 21 janvier 2012 mais l’espace aérien a été fermé par les autorités malgaches; l’avion a dû faire demi-tour. Pour le président de la Transition, son rival «ne changera» jamais et « il sera arrêté si il met le pied » sur la Grande île. Pour Marc Ravalomanana, les accusations portées contre lui sont « complètement fausses ». «Le régime putschiste illégal a organisé contre moi un simulacre de tribunal», indique-t-il.

La réconciliation pour assurer le processus électoral en 2013, n’est pas encore à l’ordre du jour. Après la dernière réunion de la SADC, aux Seychelles, Andry Rajoelina a indiqué avoir proposé de se retirer de la course à la présidentielle si Marc Ravalomanana faisait de même. Sans être entendu. Si l’idée d’évincer les deux adversaires pour la présidentielle fait son chemin,  Marc Ravalomanana espère toujours  pouvoir rentrer à Madagascar, sous certaines conditions de sécurité. 

 

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