Libye : menaces sur le patrimoine archéologique
Pendant la guerre, quelques balles ont bien atteint des colonnes sur le site antique de Sabratha (70 km à l’ouest de Tripoli). Une collection de 8000 pièces de monnaies d’or, d’argent et de bronze, remontant à Alexandre le Grand, a disparu d’une banque de Benghazi. Mais pour le reste, aucune destruction ni pillage de grande ampleur n’ont été signalés.
Motif : les Libyens respectent leur patrimoine. Pour eux, les sites antiques représentent souvent «une fierté nationale, un pan de leur histoire», constate Le Figaro Magazine. En 2011, on a ainsi vu des habitants de Shahat, la ville voisine de Cylène, site grec inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco, se relayer dans le musée local pour empêcher les vols pendant la nuit.
Le régime Kadhafi n’accordait de visas qu’au compte-gouttes pour «préserver» la population et son patrimoine de la «contagion occidentale». «Le fait d'avoir toujours refusé un tourisme de masse, a joué de façon décisive dans la protection des sites. Dans un pays très touristique, tout le monde cherche à profiter (de la situation). Cela développe les fouilles clandestines, les trafics, les dégradations des sites. Rien de tout cela en Libye, ou alors, c'est exceptionnel!», explique Vincent Michel, directeur de la mission archéologique française sur place (cité par Le Figaro Magazine).
On ne peut que s’en réjouir. Car le patrimoine archéologique libyen (sur lesquels Français et Britanniques se sont déjà servis entre les XVIe et XIXe siècles…) est extraordinaire, entre restes préhistoriques, carthaginois, grecs, romains, byzantins, arabes. Exemple, la cité de Leptis Magna, avec sa voie à colonnes de marbres, son Forum, son arc de Septime Sévère, ses thermes, son amphithéâtre, son hippodrome, son port… «Aucune autre cité romaine n’a conservé de tels vestiges», explique, éblouie, la journaliste du Monde Florence Beaugé, qui l’a visitée en 2008. Sans parler d’un site de l’époque islamique comme Ghadamès, la «perle du désert». Un exemple exceptionnel d’habitat traditionnel, dont «les rues se présentent comme des couloirs étroits, obscurs et quasi souterrains», à la frontière avec l’Algérie, inscrit comme Leptis Magna au Patrimoine mondial.
Pour autant, les trésors anciens restent encore largement inconnus : «quelque 70 % du passé de la Libye seraient (…) encore enfouis sous les sables», rapporte Florence Beaugé. Ce qui ne peut qu’aiguiser l’appétit des scientifiques. Mais aussi des pilleurs…
Menaces
Aujourd’hui, ce patrimoine est menacé. Particulièrement dans la région désertique de Fezzan (sud-oeust), riche en hydrocarbures, et qui abrite nombre de restes importants.
Cette région a en effet «vu défiler un nombre croissant de touristes désireux de visiter les sites archéologiques ou d’aventuriers amoureux des déplacements dans le désert», observe dans le journal Libya Herald Mustafa J. Salem, du département de géologie de l’université de Tripoli. Certains d’entre eux n’hésitent pas à sortir illégalement du pays des objets antiques. Mais un plus grand nombre de restes archéologiques est endommagé par leurs véhicules.
Dans le même temps, l’activité pétrolière a entraîné l’ouverture de nouvelles pistes et de nouveaux sentiers. Ce qui permet d’accéder désormais à des zones encore inaccessibles il y a une vingtaine d’années. Conclusion de l’universitaire libyen: «Une menace imminente pèse sur des trésors d’une grande importance pour la Libye et le monde entier. Il est indispensable de les sauver pour la postérité».
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