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Depuis deux mois, 18 marins venus de Sicile sont détenus pour pêche illégale en Libye

Ce nouvel incident entre pêcheurs italiens et gardes-côtes libyens remet en lumière le long conflit de la pêche entre les deux pays.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
C'est depuis le port sicilien de Mazara del Vallo que les bateaux étaient partis pêcher la crevette au large de la Libye. Depuis le 1er septembre 2020, 18 marins sont détenus à Benghazi pour pêche illégale. (ANDREAS SOLARO / AFP)

La scène s'est déroulée le 1er septembre 2020. Neuf bateaux partis de Sicile, du port de Mazara del vallo, entamaient leur campagne de pêche à la crevette rouge, au large des côtes libyennes. Soudain, des patrouilleurs libyens sont arrivés et ont arraisonné deux chalutiers, l'Antaride et le Medinea, au prétexte de pêche dans les eaux territoriales de la Libye. Les autres bateaux ont pu fuir.

Depuis, les deux équipages, soit huit Italiens, six Tunisiens, deux Indonésiens et deux Sénégalais, sont détenus à Benghazi. Ils se trouvent donc dans la zone contrôlée par les hommes du maréchal Haftar.

"Nous suivons tous les jours la santé des pêcheurs. Ils vont bien. Ils ne sont pas détenus dans une prison mais dans une structure indépendante, ils n'ont pas de contacts avec les prisonniers, ils sont bien traités", a déclaré Luigi Di Maio, le ministre italien des Affaires étrangères.

Tirs de sommation

Cet incident remet en lumière le contentieux qui existe depuis des années entre les deux pays sur les zones de pêche. Depuis que les Siciliens sont descendus plein Sud, abandonnant leurs rivages ravagés par la surpêche. Au large de la Libye, ils traquent la crevette rouge, très recherchée, dont le prix tourne autour de 50 euros le kilo chez le poissonnier italien. Ils partent pour des campagnes d'une trentaine de jours et ramènent une trentaine de tonnes de crevettes par bateau chaque année.

Or, les Libyens les accusent de pénétrer dans leurs eaux territoriales et depuis des années leur font la guerre, au sens propre, parfois à coups de tirs de sommation jusque dans la coque. Pourtant, les pêcheurs italiens ne s'aventurent pas, assurent-ils, à moins de 12 milles (environ 20 km) des côtes libyennes, la limite des eaux territoriales reconnue par les instances internationales.

Les eaux territoriales en question

Mais en 2005, Mouammar Kadhafi a proclamé que sa zone de pêche protégée s'étendait à 74 milles nautiques (près de 140 km) de la côte, au mépris des règles internationales. La guerre civile en Libye n'a rien arrangé, la dimension militaire de zones de sécurité s'ajoutant à ces contraintes économiques. L'Italie qui, auparavant, envoyait des navires protéger sa flottille de pêche a, selon les pêcheurs, abandonné son soutien. La présence de navires de guerre étrangers dans la zone pouvant être interprétée comme une participation au conflit.

Les familles des pêcheurs détenus multiplient les manifestations, comme le 27 octobre 2020 à Mazara del Vallo, pour réclamer la libération des 18 marins pêcheurs. (ANDREAS SOLARO / AFP)

Selon le gouvernement local sicilien, citant l'Observatoire de la pêche en Méditerranée basé à Mazara, 300 pêcheurs siciliens ont été faits prisonniers dans cette bataille pour les droits de pêche au cours des dernières décennies, 150 bateaux ont été confisqués et le préjudice se monte à plus de 100 millions d'euros.

Monnaie d'échange

Pour les marins de l'Antaride et du Medinea, c'est désormais une longue tractation qui s'est engagée. Selon les médias italiens, le maréchal Haftar veut échanger les pêcheurs emprisonnés contre quatre Libyens arrêtés en 2015 en Italie et condamnés à 30 ans de prison pour trafic d'êtres humains. Les familles, elles, multiplient les manifestations. Car à ce jour, elles n'ont eu aucune nouvelle directe des équipages.

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