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Génocide rwandais : la France représentée par son ambassadeur aux cérémonies

Après des déclarations du président Paul Kagame, Paris a décidé d'annuler la participation de Christiane Taubira aux commémorations du 20e anniversaire du génocide rwandais.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 3 min
Un soldat français dans le camp de réfugiés de Kivumu, dans l'ouest du Rwanda, le 12 juillet 1994, à l'époque du génocide. (PASCAL GUYOT / AFP)

Officiellement réconciliés en 2010, la France et le Rwanda se déchirent à nouveau. Paris a décidé, samedi 5 avril, d'annuler sa participation aux commémorations du 20e anniversaire du génocide des Tutsis au Rwanda, après une nouvelle charge de Paul Kagame. La France, qui devait être représentée par la ministre de la Justice, Christiane Taubira, le sera simplement par son ambassadeur.

Dans une interview accordée au magazine Jeune Afrique, le président accuse une fois de plus les autorités françaises d'avoir "participé" aux massacres qui ont fait 800 000 morts en 1994. Francetv info fait le point sur cette nouvelle accusation.

Quelles sont les accusations de Paul Kagame ?

Au cœur du contentieux entre Paris et Kigali se trouve la question du soutien de la France et de son armée au régime hutu rwandais, coupable du génocide contre la minorité tutsi. Dans une interview parue dimanche, veille du 20e anniversaire, le président rwandais dénonce le "rôle direct" de Paris "dans la préparation politique du génocide", et "la participation de [la France] à son exécution même".

Il accuse également les soldats français de l'opération militaro-humanitaire Turquoise, déployée en juin 1994 sous mandat de l'ONU dans le sud du pays, d'avoir été "complices, certes", mais aussi "acteurs" des massacres qui se sont déroulés entre avril et juin 1994. Il reprend en ce sens les conclusions de la commission d'enquête rwandaise sur le rôle supposé de la France dans le génocide.

En août 2008, cette commission avait accusé les plus hauts responsables français de l'époque - à savoir le Premier ministre Edouard Balladur, le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé et le secrétaire général de l'Elysée Hubert Védrine - de "complicité dans la préparation et l’exécution du génocide", rappelle Libération (article payant). Kigali évoquait également des preuves de l'implication de l'armée française dans des exactions contre des civils, précise le quotidien.

La ministre des Affaires étrangères rwandaise, Louise Mushikiwabo, a soutenu son président, dimanche. La France doit "regarder la vérité en face", a-t-elle martelé, ajoutant que Kigali ne pouvait pas oublier l'histoire pour s'entendre avec Paris.

Que répond la France ?

Sans répondre directement à ces accusations, le Quai d'Orsay estime que les déclarations du président Kagame "sont en contradiction avec le processus de dialogue et de réconciliation engagé depuis plusieurs années". Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères au moment du génocide, appelle désormais François Hollande "à défendre l'honneur de la France".

Sur son blog, il dénonce des accusations "honteuses". "Il est rigoureusement faux que la France ait aidé en quelque manière les auteurs du génocide à préparer leur forfait, écrit Alain Juppé. Il est rigoureusement faux que la France n’ait pas dénoncé le déclenchement du génocide en le qualifiant en ces termes mêmes. (...) On ne peut tolérer la véritable entreprise de falsification historique qui veut faire porter à la France la culpabilité du génocide."

Quelles sont les relations entre les deux pays ?

Les relations entre Paris et Kigali avaient été rompues entre 2006 et 2009. A l'époque, le Rwanda avait riposté au lancement par le juge Jean-Louis Bruguière de mandats d’arrêt contre plusieurs proches de Paul Kagame, rappelle Libération. Il agissait dans le cadre de l'enquête sur l'attentat contre l'avion du président Juvénal Habyarimana, en avril 1994, qui a marqué le début du génocide : nul ne sait avec certitude qui en est à l'origine, explique Le Monde (article payant).

Les relations entre Paris et Kigali semblaient depuis s'être apaisées, surtout depuis la condamnation en mars de Pascal Simbikangwa, premier Rwandais jugé en France pour génocide, à vingt-cinq ans de prison. Mais la tension n'est jamais loin. "La question de la responsabilité française dans le génocide est un instrument politique dont se sert le gouvernement de Kagame, explique un diplomate français à Mediapart (article abonnés). Quand il y a une difficulté, la question franco-rwandaise revient toujours sur le tapis."

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