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Les dérives autoritaires du président gambien Yahya Jammeh

Le président gambien, qui tient son petit pays d’une main de fer, y a tué dans l’œuf toute forme de contestation. Sa dernière décision : faire exécuter en septembre 2012 tous les condamnés à mort.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le président gambien, Yahya Jammeh, en visite à Addis Abeba, en Ethiopie, le 15 juillet 2012. (PHOTO/SIMON MAINA)

Leader de l'Alliance patriotique pour la réorientation et la construction, 46 ans dont 17 au pouvoir, il se maintient au pouvoir par la terreur. Yahya Jammeh a été porté à la tête de l’Etat par un putsch en 1994, puis élu pour la première fois en 1996 et réélu trois fois, en 2001, 2006 et 2011.

Dérive autoritaire et paranoïa l’ont conduit au fil des ans à construire tout un système sécuritaire. D’une garde présidentielle noyautée par des membres de l’ethnie minoritaire Diola (8% de la population), à laquelle il appartient, jusqu’à une redoutée police secrète, la NIA, qui terrorise à Banjul, la capitale.

La peine capitale remise au goût du jour
Si Yahya Jammeh est critiqué pour sa politique répressive envers les défenseurs des droits de l’Homme et de la liberté d’expression, il y a quelques raisons pour cela. Et ce n’est pas la cinquantaine de condamnés à mort, parmi lesquels d'anciens responsables sécuritaires accusés de complot, réel ou supposé, qui diront le contraire.

Pourtant, la Gambie a été l'un des premiers pays à dénoncer la peine de mort en 1981, avant que Yahya Jammeh ne la rétablisse en 1995 pour les meurtres et les cas de trahison. Aujourd’hui, d’autres chefs d’accusation ont été rajoutés comme la possession de drogue ou le trafic humain. La dernière exécution remonte à 2007.

 

Banjul, capitale gambienne, le 25 novembre 2011. Des militaires saluent la victoire de Yahya Jammeh à la présidentielle. (AFP PHOTO/ SEYLLOU  )
 

 

En règle général, le banditisme, le trafic de drogue ou sa consommation illicite, l'homosexualité, le terrorisme, les activités subversives contre l'Etat ou le peuple, entre autres «crimes», ne seront pas tolérés, a prévenu le chef de l’Etat.

Sa méthode: «Tirer d'abord et interroger après». Un blanc-seing qu’il donne aux policiers le 23 mai 2012 avant d’encourager les diplomates en poste à Banjul à dire aux criminels de leurs pays de rester chez eux, «car s'ils viennent en Gambie, c'est qu'ils cherchent des problèmes».

Disparitions et meurtres en nombre
Ses détracteurs l’accusent de mener une chasse aux sorcières chez les opposants, les intellectuels et les journalistes qui, à l’instar de Deyda Hydara, cofondateur du journal The Point, réputé critique envers le pouvoir, y ont laissé la vie. D’autres ont disparu sans laisser de trace, comme Chief Ebrima Manneh du quotidien pro-gouvernemental Daily Observer.

D’autres encore, comme Amadou Scattred Janneh, un ancien ministre de la Communication, enlevé puis retenu quelque temps au secret est, lui, réapparu. Mais pour un procès sommaire où il a écopé d’une peine de travaux forcés à vie pour «trahison».

Premier lieu de disparition de sinistre réputation : la prison de Miles 2 où sont envoyés ceux qui représentent une menace pour le régime. Et ils sont légion.

Les journalistes payent un lourd tribut
Dans un rapport de 2011, Amnesty International estimait que «des centaines de personnes ont disparu, ont été assassinées ou torturées» sous le régime Jammeh en toute impunité. Un an auparavant, l’organisation avait comptabilisé le départ précipité de 29 journalistes de Gambie, dont une majorité entre 2009 et 2010.

Fin 2011, l’ancien militaire mégalomane, qui se targue de soigner le sida, s'en était pris aux journalistes : «Si quelqu'un attend de moi que je laisse 1% de la population détruire 99% de la population, il se trompe d'endroit», avait-il asséné.


Le droit d'informer n'est pas sans danger

AFPTV, le 7 décembre 2011

 

Autre crispation du dirigeant, l’homosexualité, passible en principe de 14 ans de prison. En avril 2009, il jetait l’opprobre sur les homosexuels, leur demandant de quitter de quitter le pays et promettant de «couper la tête» de tout homosexuel qui serait découvert. En avril 2012, 19 hommes ont été arrêtés pour cette raison.

Quant aux hauts fonctionnaires, ils n’échappent pas aux foudres du satrape : douze d’entre eux ont été incarcérés en juin suivant pour crime économique. Ils sont accusés d’avoir fait perdre à l’Etat quelque 50,4 millions d'euros.

Jammeh vante son bilan économique
Quoi qu’il en soit, Yahya Jammeh se «fout de ce que les autres disent». Il prétend ne vouloir que le développement de son pays et met en avant son bilan économique.

Avec un taux de croissance de 5,5% en 2011 et la construction d'infrastructures modernes, de routes, d’écoles et d’hôpitaux, l’économie de l’ancienne colonie britannique enclavée dans le Sénégal va plutôt bien, portée notamment par le tourisme, l’agriculture, l’industrie et les services.

Un point qu’il ne manque pas de rappeler aux quelque 1,7 millions de Gambiens, bien qu’une majorité vive encore avec moins de 2 dollars par jour.

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