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Ethiopie: des élections trop parfaites
La coalition au pouvoir en Ethiopie a sans doute raflé 100% des sièges lors des législatives du 24 mai 2015. Un résultat à faire pâlir de jalousie n’importe quel régime démocratique. Mais ce régime autoritaire, qui peut se targuer d’accueillir des investissements du monde entier, est très largement toléré en raison de son rôle stabilisateur dans la corne de l’Afrique.
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Seule l'ampleur de la victoire du Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), coalition de quatre formations représentant les principaux peuples du pays, était inconnue avant le scrutin, le premier qui se tenait après la mort de Meles Zenawi, homme fort du pays pendant plus de 20 ans. On sait aujourd’hui que sa victoire est totale.
L'EPRDF, qui dirige l'Ethiopie depuis la chute en 1991 du régime militaro-marxiste de Mengistu Haile Mariam, fait donc mieux que lors des législatives de 2010, où deux sièges avaient échappé à la coalition et ses alliés: l'un remporté par un député se réclamant de l'opposition – qui ne s'est pas représenté – et l'autre par un indépendant.
Yilkal Getnet, président du parti Semayawi (Parti bleu), une des principales formations d'opposition, a estimé que «la principale leçon pour les Ethiopiens et la communauté internationale est que l'EPRDF n'a pas intérêt à créér un système multipartite en Ethiopie. La politique dictatoriale a été mise au jour.»
Les critiques d’Amnesty International
Ces élections sont en tout cas une victoire pour le Premier ministre Hailemariam Desalegn, qui a succédé à Meles Zenawi. Il devrait être reconduit à la tête du deuxième pays le plus peuplé d'Afrique (94 millions d'habitants) derrière le Nigeria.
Le résultat sans appel confirme les critiques des ONG de défense des droits de l’Homme sur la nature autoritaire du régime. Amnesty a mis en cause le pouvoir éthiopien: «La campagne électorale a été caractérisée par une offensive contre les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Cette offensive a porté atteinte au droit de participer librement et sans crainte aux affaires publiques, car le gouvernement a sévi contre toutes les forces dissidentes légitimes», a déclaré Muthoni Wanyeki, directrice régionale pour l’Afrique de l'Est, la Corne de l’Afrique et les Grands lacs à Amnesty International.
Dans un récent rapport, publié en mai 2015, Amnesty ajoute: «Les autorités éthiopiennes ont incarcéré de très nombreux journalistes, blogueurs, manifestants et membres de partis politiques d’opposition enregistrés en bonne et due forme. Elles ont également recouru à des mesures de harcèlement et des lois répressives contre les médias indépendants et la société civile.»
Les promesses d'ouverture politique de Hailemariam Desalegn sont en grande partie restées lettre morte, selon les partis d'opposition, qui ont accusé les forces de sécurité d'avoir harcelé leurs candidats empêchés de faire campagne. De nombreux journalistes ont été jetés en prison ces dernières années en vertu d'une loi antiterroriste controversée, aux contours flous et utilisée, selon les défenseurs des droits de l'Homme, pour faire taire les critiques.
Washington s'est dit préoccupé par les «restrictions» imposées à la société civile, aux médias et aux partis d'opposition et l'UE a dénoncé prudemment les arrestations de journalistes et de responsables d'opposition, ainsi que la fermeture de médias.
Une économie en plein développement
Le succès électoral peut aussi tenir à l’ampleur de la croissance que connaît le pays. «Le Fonds monétaire international (FMI) classe l’Ethiopie parmi les cinq économies les plus dynamiques au monde. Après une décennie d’expansion continue (durant laquelle le PIB réel a augmenté de 10,8% par an en moyenne), le pays a affiché en 2013/2014, pour la onzième année consécutive, une forte croissance, estimée à 10,3%», note le site spécialisé africaneconomicoutlook.
Le pays accueille désormais de nombreuses entreprises étrangères, devenant un nouvel atelier de produits dans le textile ou l'habillement, notamment. Mais le pays a su aussi développer ses infrastructures, comme dans l’énergie.
Si les grands équilibres macro-économiques sont au vert, le pays connaît un important déficit commercial (passé de 8,4 milliards USD à 10,5 milliards USD). Un déficit comblé par l’importance des flux de capitaux vers le pays. L'Ethiopie reste cependant un pays pauvre, avec de grandes inégalités. «Le PIB par habitant n'est encore en 2013 que de 1300 dollars, un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté», note Le Point.
La Chine fait partie des gros investisseurs présents en Ethiopie. Pékin investit ainsi dans de nombreux domaines, attiré par l'importance du marché intérieur et le faible coût de la main d'œuvre. La Chine construit par exemple une zone économique aux portes de la capitale Addis-Abeba qui devrait à terme créer 50.000 emplois. «L’Ethiopie ressemble à la Chine d’il y a trente ans», raconte son patron, Huajian Zhang.
Un pôle de stabilité
Devenu un rouage de la mondialisation, l'Ethiopie est considérée par les Occidentaux – Etats-Unis en tête – comme un allié crédible dans la lutte contre l'extrémisme islamiste dans la Corne de l'Afrique.
En Somalie voisine, le pays fournit plus de 4.000 soldats à la Force de l'Union africaine (Amisom) qui y combat les islamistes shebabs se revendiquant d'al-Qaïda. Addis Abeba, qui abrite le siège de l'Union africaine, sera une des deux étapes de la tournée est-africaine du président américain Barack Obama, qui se rendra en juillet également au Kenya.
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