Arabie Saoudite: un million d’immigrés africains menacés d’expulsion
Interview de Stéphane Aubouard, Spécialiste du Proche Orient, journaliste à l'Humanité
Stéphane Aubouard vous connaissez bien l’Arabie Saoudite et la Corne de l’Afrique. Est-il vrai que Ryad veut expulser des millions de travailleurs immigrés?
Le 29 mars 2017, l’Arabie Saoudite déclarait officiellement que cinq millions de travailleurs migrants en situation irrégulière devaient quitter le pays volontairement. Une fois le délai de 90 jours passé, les immigrés encore sur le territoire devront payer des amendes avant d’être reconduits de force dans leur pays. La décision émane du Majlis al-Choura, le Conseil consultatif nommé par le roi. Les expulsions ont déjà commencé mais le gros est attendu pour les mois à venir. Parmi eux, un million de travailleurs venus de la Corne de l'Afrique, mais aussi des Egyptiens et des Yémenites. 12.000 d'entre eux sont déjà arrivés en Ethiopie.
Pourquoi une telle décision des autorités saoudiennes?
L’objectif est de dégraisser les effectifs des géants saoudiens du bâtiment, comme Ben Laden Group ou Saudi Oger, affaiblis financièrement depuis la chute du prix du pétrole. Le régime s’évite ainsi une crise interne avec des familles influentes à la tête d’entreprises surpuissantes et véritables Etats dans l’Etat.
Les autorités prônent, de manière très démagogique, une «saoudisation» de l’emploi pour lutter contre le chômage, qui touche aujourd’hui près de 15% de la population. Une surtaxe pouvant atteindre 50% du salaire des travailleurs étrangers sera instaurée a partir du second trimestre 2017. Cela fait suite aux réformes économiques voulues par le vice-prince héritier Mohammed Ben Salmane.
Les autorités saoudiennes renvoient les immigrés pour des raisons de conjoncture économique?
Oui et cette politique n’est pas nouvelle. Entre 2012 et 2015, d’après les chiffres croisés de plusieurs ONG internationales, quelque 4 millions de travailleurs illégaux auraient été renvoyés d’Arabie Saoudite, dont 150.000 Ethiopiens.
Comme il y a trois ans, il n’y aura pas assez d’avions et ce sera par bateau que le retour se fera pour la grande majorité. Djibouti sera un des passages obligés et il faut donc s’attendre à un engorgement sur place. En 2013, il y avait eu des dizaines de morts et de disparus passés complètement inaperçus.
Parmi eux, il y avait aussi des milliers d’Erythréens sans papiers qui se sont fait passer pour des Ethiopiens. Beaucoup d’expulsés de l’époque avaient pris le chemin de la Libye et de l’Europe.
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