Plantes médicinales africaines : "un patrimoine millénaire en voie de disparition"
En Afrique, 80% des populations se soignent encore avec des plantes médicinales. Mais jusqu'à quand ? Un chercheur béninois a confié ses vives inquiétudes à franceinfo Afrique.
Il fait partie des scientifiques africains qui défendent bec et ongles les bienfaits de la médecine non conventionnelle. Spécialiste des risques et catastrophes, Brice Enagnon Sohou porte plusieurs casquettes. Il est géographe, chimiste et environnementaliste. Il s’intéresse depuis peu aux plantes médicinales du Bénin et d'Afrique tropicale en général. Le chercheur béninois tire la sonnette d’alarme. On assiste à l’extinction d’un patrimoine millénaire, affirme-t-il.
"Il y a des espèces qui sont très utilisées en phytothérapie, qui sont très convoitées et qui sont en train de disparaître. Victimes d'herbicides, de surexploitation et de déforestation. Personne ne pense aujourd’hui à les protéger et à les produire pour assurer leur utilisation sur le long terme", déplore-t-il.
Plusieurs plantes médicinales ont fait leur preuve
Brice Enagnon Sohou a du mal à comprendre le peu d’intérêt que les autorités apportent à ce secteur vital pour la santé des populations africaines dépourvues de moyens pour se faire soigner dans les hôpitaux rares et mal équipés. Et l’on sait que seuls quelques privilégiés peuvent être évacués pour des soins à l’étranger, rappelle-t-il.
Il y a des plantes connues pour traiter certaines maladies comme le diabète, l'hypertension artérielle, même les troubles de virilité chez les hommes ou les problèmes de fertilité. Ces espèces ont été expérimentées sur des humains depuis des siècles
Dr Brice Enagnon Sohou, chimiste et environnementalisteà franceinfo Afrique
Depuis plusieurs générations, raconte-t-il à franceinfo Afrique, nos ancêtres consommaient quotidiennement des tisanes qui leur permettaient d’éliminer par les urines et par les selles tout ce qu’ils accumulaient comme déchets dans leurs corps. Et rarement ils tombaient malades, constate-t-il. Il appelle les gouvernements africains à encourager résolument tout ce qui peut contribuer à développer ce secteur. Pour que la médecine non conventionnelle sorte enfin de l’ombre. "Aujourd’hui en Afrique, combien de pays africains disposent de lois qui protègent les espèces végétales ? Il faut un plan continental. Il faut communiquer sur le sujet. Il faut une base de données géographique sur ces espèces à l’échelle du continent", plaide-t-il.
"Sévir contre les charlatans avides de magie noire"
Brice Enagnon Sohou pointe du doigt ceux qu’il qualifie de "gangsters". Ces charlatans prêts à tout pour se remplir les poches. Il est grand temps que les autorités sévissent contre ces prétendus guérisseurs qui mélangent l’occultisme, la magie noire à la phytothérapie, martèle-t-il.
"Ils salissent l’image de la médecine non conventionnelle. Ils sont prêts à mélanger du sable avec de l’eau et prétendre qu’ils peuvent soigner votre cancer. Ils sont prêts à proposer toutes sortes de tisanes pour vous bloquer les reins plus tard en provoquant une insuffisance rénale. Ils n'hésitent pas à utiliser les excréments de chiens… Ce sont de véritables criminels", accuse Brice Enagnon Sohou.
Sortir la médecine tradionnelle de l'ombre
"Vos cheveux chutent ? Vos ongles se cassent ? Vous souffrez d’une insuffisance rénale, de ménopause précoce ou d'infertilité ? Des remèdes existent et sont parfois à portée de main." L’étude des plantes médicinales peut aboutir à la mise au point de médicaments précieux, assure le chercheur béninois. "Dans les plantes, il existe des principes actifs. Il suffit d’extraire scientifiquement ces principes actifs et de les reproduire en reconditionnant la molécule sous des formes appropriées pour un usage grand public".
Mais tout cela ne sera possible, explique-t-il, que si les Africains arrivent à mettre en place une politique publique qui préserve les plantes médicinales. Un véritable plan d’action continental qui permettrait enfin de sortir la médecine traditionnelle de l'ombre.
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