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Les baobabs de Madagascar: ces colosses mythiques, si imposants et si fragiles

Ils dominent toutes les autres espèces qui partagent leur écosystème. Les baobabs de Madagascar fascinent par leur gigantisme. Ils peuvent atteindre 30 mètres de haut et 1600 ans. Des arbres devenus essentiels pour la survie des populations malgaches mais qui sont menacés par l’activité humaine. Géopolis fait le point avec Pascal Danthu, écologue et spécialiste de biodiversité forestière au Cirad.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min

Pascal Danthu a découvert le baobab en 1995, alors qu’il était en poste au Sénégal. Il a été aussitôt séduit par ce colosse végétal dont six des huit espèces répertoriées dans le monde ont élu domicile à Madagascar.

«La première impression que j’en ai eu, c’est le gigantisme. Des arbres qui font entre 15, 20, 25 mètres de haut. Et puis aussi leur polymorphisme puisque le baobab, c’est un arbre qui peut prendre des aspects très diversifiés, parfois très étranges, très grotesques. Un arbre qu’on voit et qui ne laisse pas indifférent quand on le voit dans son espace naturel.»

Depuis plusieurs années, Pascal Danthu, spécialiste de biodiversité forestière au Cirad, organisme français de recherche agronomique pour le développement, parcourt la Grande Ile avec ses collègues malgaches. Il a travaillé à divers projets concernant les baobabs qui poussent dans les écosystèmes secs, essentiellement sur la côte Ouest de Madagascar.

Là-bas, sur le plateau de Malafaly, une zone très aride où la pluie se fait rare (300 à 500 mm d’eau par an), Pascal Danthu raconte à Géopolis comment les baobabs sont devenus essentiels pour la survie des populations. Elles les utilisent comme des citernes d’eau qui peuvent stocker jusqu’à neuf mètres cubes.

«Il faut bien comprendre que l’eau que les gens utilisent, ce n’est pas l’eau du baobab. Ils utilisent le baobab comme un château d’eau. On monte le long du tronc du Baobab, on creuse une fenêtre dans son écorce, on vide l’intérieur du Baobab pour en faire une citerne qui va recueillir l’eau de pluie», explique Pascal Danthu.

Certains de ces baobabs-citernes ont été creusés parfois il y a plus de 70 ans et continuent à servir plusieurs générations de propriétaires.
«Elles se transmettent de générations en générations. On a rencontré des gens qui ont hérité de baobabs depuis deux à trois générations. Ils se régénèrent et ne meurent pas parce qu’on évide leurs troncs.»

Dans le baobab, presque tout est bon et les usages sont multiples. Il y a d’abord les feuilles. Séchées et transformées en poudre pour l’alimentation, elles sont riches en acides aminés et en vitamines.

Il y a ensuite le fruit, cette grande cabosse dont on extrait non seulement un délicieux breuvage mais aussi une graine oléagineuse qui contient de l’huile en très grande quantité.

«Pour certaines espèces, la teneur en huile est supérieure à ce qu’on trouve dans l’arachide. Les Malgaches en font un usage à la fois de consommation alimentaire mais aussi un usage cosmétique. Aujourd’hui, cet usage cosmétique se répand et se retrouve même dans certains produits cosmétiques en Europe», explique Pascal Danthu.


Le seul «défaut» de ce colosse, c’est le fait de ne pas disposer d’un cœur de bois dur. Une faiblesse qui lui a permis d’échapper pendant des années à la déforestation menée à Madagascar pour libérer des terres agricoles.

«En fait, il n’y a pas de bois au sens de planche dans le cœur du baobab. Quand il meurt, quand il tombe ou quand il est frappé par la foudre ou bousculé par des travaux liés à la construction de maisons ou à l’urbanisation, son bois se délite très rapidement et il passe à l’état de poussière, a constaté Pascal Danthu».

Inutile donc de s’en prendre à un arbre qui ne servira à rien une fois coupé. Résultat, de nombreux baobabs se dressent toujours sur des terrains où la forêt a été éliminée. Mais la menace n’a pas complètement disparue.

«Ces baobabs qui sont aujourd’hui sur des terrains où la forêt a été éliminée sont les derniers marqueurs des forêts anciennes qui ont disparu. Le baobab est resté là mais son environnement a changé. Et donc on pense que même si le baobab est toujours là et a priori indemne, il est quand même menacé par la pratique de culture sur brulis.»

La culture sur brulis, très répandue sur la Grande Ile, s’ajoute à une autre menace plus insidieuse, celle liée au changement climatique qui risque de faire des dégâts, selon Pascal Danthu.

«La modification des conditions écologiques va faire que certaines espèces de baobab vont voir leur habitat naturel se réduire de façon drastique, voire complètement disparaître à l’horizon 2050 ou 2080. En particulier ce sont des espèces qui sont localisées dans l’extrême nord de l’Ile».


Mais Pascal Danthu reste plutôt optimiste. Il pense qu’on peut espérer que ces merveilles de la nature trouveront les ressources pour résister. Et que les espèces les plus courantes qui ont des aires de répartition très larges du nord au sud de Madagascar, mettront en place des systèmes qui vont s’adapter au changement.

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