Afrique du Sud : Adelaïde, la ville où il n'a pas plu depuis cinq ans
La sécheresse sévit dans toute l'Afrique australe.
Dans la province du Cap-Oriental, dans le sud-est de l'Afrique du Sud, il n'a pas plus depuis cinq ou six ans. Au moins. Mais d'une manière générale, c'est l'Afrique australe toute entière, où les températures augmentent deux fois plus vite que sur le reste du globe, qui connaît sa pire sécheresse depuis 35 ans, selon l'ONU.
En 2018 déjà, Le Cap, deuxième ville du pays, avait échappé de justesse au "jour zéro", où les robinets devaient être à sec. Des restrictions d'eau drastiques et la pluie lui avaient finalement permis d'échapper à la catastrophe.
Cette année à nouveau, "la situation est terrible" dans cinq des neuf provinces du pays, a reconnu le président Cyril Ramaphosa, cité par l'Agence France Presse (AFP). Avec des conséquences dramatiques pour la population. A commencer par les agriculteurs, les écoliers et les commerçants.
Les grandes difficultés des éleveurs
"On a commencé à abattre notre troupeau pour ne garder que les moutons qui peuvent se reproduire", a expliqué à l'AFP Steve Bothma, éleveur près de la ville d'Adelaïde. Il s'est déjà séparé des deux-tiers de ses 5 000 ovins, même ceux âgés d'à peine un an. "Généralement, je les garde jusqu'à 5 ou 6 ans", ajoute-t-il. "Tout le monde vend son bétail, le marché est saturé". Autre problème : la laine est de très mauvaise qualité, "pleine de poussière et pas solide", explique-t-il. Conséquence, le prix des toisons de ses mérinos, déjà affectés par la fièvre aphteuse dans le nord du pays, s'est effondré : moins 40% en un an.
De leur côté, les petits éleveurs n'en finissent pas de compter leurs carcasses. Alton Snaer a déjà perdu 9 de ses 15 bovins, sa seule richesse. "Je n'en dors plus la nuit." "Si ça continue, on va devoir fermer boutique", prévient Steve Bothma, qui emploie sept ouvriers. Sans espoir, étranglés financièrement, "des fermiers se suicident", explique-t-il en baissant la tête.
Et dans les fermes, les avocatiers qui donnaient 50 fruits par arbre n'en produisent plus qu'une dizaine...
Distributions d'eau par une ONG
Aux alentours d'Adelaïde, les immenses rampes d'arrosage plantées dans des champs arides ont depuis longtemps cessé de fonctionner. Dans la ville, le bétail broute l'herbe brûlée du golf et des vaches osseuses traînent dans les rues. Du jamais vu, selon les habitants de cette ville de 15 000 âmes, en temps normal approvisionnée en eau par un barrage à sec depuis le début de 2019.
La situation est à ce point critique qu'une ONG humanitaire, Gift of the Givers Foundation, vient livrer de l'eau dans le township de Bezuidenhoutville, comme a pu le constater un journaliste de l'AFP. Une distribution qui donne du précieux liquide à des centaines de personnes. "On garde l'eau pour boire et cuisiner", explique Rodney Douglas, en poussant une brouette chargée de bidons. Il n'y en aura pas assez pour se laver ou nettoyer le linge. "Les habits, je les retourne" quand ils sont trop sales, dit-il. "Notre maison sent mauvais. On recycle l'eau usée pour les toilettes", se plaint Assanda Sais, mère de famille sans eau courante depuis trois mois. "Parfois, les instituteurs nous demandent de garder les enfants à la maison". "Il n'y a pas d'eau pour cuisiner, pas d'eau pour les toilettes", confirme le directeur de l'école du township, Douglas Honan.
La situation a également des conséquences désastreuses pour les scolaires. La semaine de cours a été réduite d'une demi-journée. Nombre d'enfants ratent les cours. "Ils doivent aider leurs parents à transporter l'eau, ils ne peuvent pas se laver, ils se plaignent de maux de ventre", raconte une institutrice, Zeenat Gangat, dans le préfabriqué étouffant qui lui sert de salle de classe.
A Adelaide, où le taux de chômage avoisine les 70%, le prix de la sécheresse, conjugué à celui de la crise économique qui sévit dans le pays, est déjà énorme. Les maisons ne se vendent plus. Dans un hôtel à l'architecture coloniale, on en arrive à espérer que toutes les chambres ne soient pas louées en même temps. "Sinon, on met deux semaines pour laver tous les draps", explique sa patronne.
L'incompétence des autorités
Les autorités assurent ravitailler un jour sur deux les quartiers de la ville, via un réservoir raccordé à un pipeline bien trop étroit qui remonte jusqu'à la Fish River, à une cinquantaine de kilomètres de là. Mais la réalité est tout autre... Le réseau de canalisations est en "mauvais état", reconnaît Bornboy Ndyebi, adjoint au maire d'Adelaide. Et les camions-citernes sont en panne, concède Thandekile Mnyimba, à la tête de la municipalité du district d'Amathole qui gère Adelaide.
De son côté, l'opposition accuse la ville, aux mains du Congrès national africain (ANC) qui dirige le pays, de ne pas avoir anticipé cette situation dramatique. "Les autorités locales se sont réveillées quand le niveau de l'eau dans le barrage était de 4%", affirme Ernie Lombard, conseiller municipal de l'Alliance démocratique (DA).
Le président Ramaphosa, qui a succédé en 2018 à Jacob Zuma, empêtré dans des scandales de corruption, le concède: "La mauvaise gestion des ressources en eau et la corruption ne sont pas pour rien dans la situation actuelle. En clair, les effets de la sécheresse ont encore été aggravés par l'incompétence des autorités. "Sans mesure drastique", l'accès à l'eau deviendra "le défi économique le plus important" de l'Afrique du Sud, a prévenu le chef de l'Etat. Un défi qui ne semble pas prêt d'être relevé...
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