Dans le Sinaï, les djihadistes défient le pouvoir égyptien
La dernière agression en date, le 24 octobre 2014, est aussi la plus sanglante de ces douze derniers mois. Ce jour-là, un kamikaze s’est lancé au volant de sa voiture bourrée d’explosifs sur un barrage militaire à proximité d’Al-Arich, station balnéaire et chef-lieu de la province du Nord-Sinaï. Bilan : 30 soldats tués et 29 blessés dont un haut gradé. En réaction, l’état d’urgence a été décrété pour 3 mois sur une partie du nord et du centre de la péninsule du Sinaï.
C’est en effet dans cette région désertique et montagneuse proche à la fois d’Israël et de la bande de Gaza que se produisent la plupart des attaques. Dans leurs revendications, les terroristes affirment agir en représailles à la répression sans merci qui s’est abattue sur les partisans du président déchu Morsi. Plus de 1.400 d’entre eux ont été tués, des centaines condamnés à mort dans des procès expéditifs et 15.000 autres emprisonnés.
Le pouvoir égyptien promet d’appliquer la même fermeté aux djihadistes du Sinaï, considérés comme une «menace existentielle» pour l’Egypte. Mais, même si l’armée annonce régulièrement avoir éliminé des dizaines de terroristes, les attentats perdurent. Il faut dire que ces islamistes n’ont subi pour le moment aucune perte probante. Les observateurs font valoir au contraire qu’ils s’organisent de mieux en mieux, s’équipent en armes et ont l’air de vouloir s’implanter durablement dans la région.
Grâce à leur souplesse de mouvement, ils parviennent à éviter sans difficulté les assauts des forces égyptiennes, mal formées pour ce genre d’opérations. "Chaque nouvelle attaque confirme l’échec de la stratégie du Caire", note Ismaïl Alexandrani, un expert qui connaît bien les groupes islamistes et le Sinaï.
Des terroristes islamistes en terrain conquis
Pour le général à la retraite Mohamed al-Zayat, cité par l’AFP, les tactiques utilisées lors des attentats mettent en lumière «les progrès importants» dans le mode opératoire des djihadistes, qui pourraient s’expliquer par le «retour de certains combattants de Syrie». Les islamistes bénéficient par ailleurs du soutien des populations locales, en majorité des Bédouins en conflit avec les autorités égyptiennes.
Du coup, les groupes terroristes se sentent en terrain conquis dans la partie nord nord-est du Sinaï, qu’elles sont petit à petit en train de transformer en sanctuaire. «Ils installent des barrages, fouillent les voitures des civils et vérifient leur identité» précise M. Alexandrani.
Ansar Beït al-Maqdess (Les Partisans de Jérusalem, en arabe) est la principale formation djihadiste basée à cet endroit. C’est elle qui a revendiqué la plupart des attaques des derniers mois. Ce groupe a récemment exprimé son «soutien» à Daech qui sévit en Irak et en Syrie.
Une zone tampon et le déplacement de populations
Face à cette situation de plus en plus préoccupante, les autorités égyptiennes ont décidé de s'y prendre autrement et de créer une zone tampon à la frontière avec la bande de Gaza palestinienne "pour traiter le problème à la racine". L'Egypte soupçonne des activistes palestiniens de prêter main-forte aux attentats. Large de 500 mètres et longue d'une dizaine de kilomètres, la zone tampon nécessitera la démolition de 800 habitations.
Dans la soirée du 28 octobre, des dizaines de familles avaient commencé à quitter leur domicile de la ville frontalière de Rafah, chargeant des camionnettes avec leur mobilier. Le porte-parole du gouvernement a affirmé que les familles concernées par le plan d'éviction allaient être dédommagées.
Le but, selon Imane Raqab, experte en sécurité, est d'«isoler les terroristes dans des zones sans population, ce qui permet de les prendre pour cible plus facilement et limite les pertes civiles». Une opération qui permettra aussi sans doute de déterminer si le secteur est vraiment devenu un bastion terroriste ou s'il sert seulement de terrain d'opération aux djihadistes.
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