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Le président chinois en Afrique: la presse du continent enthousiaste et réaliste

Le président chinois Xi Jinping a entamé le 21 juillet 2018 au Sénégal une tournée qui l’a conduit le lendemain au Rwanda. Il doit ensuite se rendre en Afrique du Sud et à l’île Maurice. Il s’agit de la première tournée africaine d’un dirigeant chinois depuis celle de son prédécesseur Hu Jintao en 2009. Commentaires de la presse africaine. Entre enthousiasme et esprit critique.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le dirigeant chinois Xi Jinping avec la Garde d'honneur au palais présidentiel à Dakar le 21 juillet 2018. ( REUTERS/Mikal McAllister)

Les relations entre les deux continents sont très antérieures à la colonisation européenne. Et ont peut-être commencé dès le IIIe siècle de notre ère. Par le passé, les Chinois appréciaient particulièrement… les girafes. Ils voyaient en elles un emblème de la vertu et de l’harmonie.

Au XXIe siècle, «la Chine (est) toujours plus présente sur le sol africain», note France 24. Le site de la chaîne internationale française précise que «plus de 3000 entreprises chinoises y sont implantées et (qu’) en 2016 les investissements chinois dépassaient les 43 milliards de dollars».

«Les partenaires hérités du système colonial en sont tout groggy. Et du côté africain, on semble se frotter les mains. D’autant que le yen chinois offre l’alternative qui permet de se soustraire tant soit peu de l’étau du club de Paris ou des institutions de Breton Woods», commente le site guinéen ledjely.com.

«Avenir radieux»
«C’est mon quatrième déplacement en Afrique en tant que président chinois. Chaque fois que je viens en Afrique, je peux mesurer le grand dynamisme de ce continent. Je peux ressentir profondément l’aspiration des peuples africains à une vie meilleure. J’ai le vif sentiment que ce continent recèle un énorme potentiel de développement et qu’il est promis à un avenir radieux», a déclaré le président chinois à la suite de son entretien avec son homologue sénégalais, Macky Sall, selon des propos rapportés par le site seneplus.com.

Avec la visite au Rwanda de son président, «la Chine cherche à renforcer ses liens» avec Kigali, commente le journal anglophone The New Times (presse officielle). Lequel précise que «la Chine est l’une des plus importantes sources d’investissements directs (dans le pays, NDLR), la plupart faits dans les secteurs manufacturier (notamment textile, NDLR) et immobilier». Il rappelle que l’ex-Empire du milieu «accueille 1300 Rwandais, notamment des étudiants».

Xi Jinping aux côté de son homologue rwandais, Paul Kagamé, à l'aéroport de Kigali, le 23 juillet 2018. Les deux dirigeants sont suivis de leurs épouses, Peng Liyuan et Jeannette Kagamé. (AFP - LI XUEREN / XINHUA)

«Qui dit mieux ? N’est-ce pas que nous sommes à mille lieux de ces qualificatifs condescendants, voire insultants, de ''pays de merde'' (propos sur les pays africains et Haïti prêtés à Donald Trump) où on n’arriverait à rien (…), écrit L’Observateur, quotidien le plus lu au Burkina Faso.

«Quand l’Amérique et l’Europe ont les yeux rivés sur les grands principes de la démocratie et des droits humains, la Chine ne pense qu’import-export, investissements, infrastructures, en somme, business et business, s’interdisant d’ingérence dans les affaires intérieures des Etats africains. (…) (Pékin), dans ses relations avec les pays africains, a le mérite de la franchise débarrassée du complexe de supériorité de nation donneuse de leçons de bonne gouvernance et de civilisation», ajoute le journal. Quand les Occidentaux, «trop souvent», ferment «les yeux sur leur propres principes pour des intérêts bassement économiques et stratégiques».

«Communauté de destin»
L’Amérique du Nord et l’Europe sont ainsi visées au premier chef. Mais cela n’empêche pas Le Quotidien à Dakar de citer Amnesty International pour qui «Macky Sall doit aborder la question des droits humains en Chine et sur la scène internationale».

Autre journal sénégalais, SudQuotidien, se montre, lui, très enthousiaste face à la visite de Xi Jinping à Dakar. Pour ne pas dire dithyrambique…. «La Chine, le Sénégal et tous les autres pays africains partagent depuis toujours un destin commun. Nous avons connu les mêmes sorts historiques. Nous avons devant nous les mêmes missions de développement. Et nous avons les mêmes aspirations à une vie meilleure. A nous d’œuvrer la main dans la main pour bâtir une communauté de destin Chine-Afrique encore plus solide en vue du développement commun et de la prospérité partagée.»

D’autres journaux se montrent plus réalistes.

«Gagnant-gagnant», ou pas ?
«Sur le continent africain, on devrait se rappeler que les Etats n’ont que des intérêts. Et que les sentiments et les émotions n’y ont pas leur place», commente de son côté ledjely.com. «L’Afrique devrait notamment réaliser que, comme avec les partenaires occidentaux, elle demeure dans un rôle exclusif de pourvoyeur de ressources naturelles. En Guinée, c’est essentiellement la bauxite qui attire la Chine, tandis qu’au Sénégal, c’est surtout l’arachide et qu’au Nigeria et en Angola, c’est le pétrole. (…) On devrait (…) mettre l’occasion à profit pour envisager la diversification de l’économie du continent.» Sans «perdre de vue la dimension endettement qui sous-tend cette coopération qu’on chante tant aujourd’hui».

Travailleurs chinois et nigériens sur le chantier d'une université à Niamey (Niger) le 22 février 2016. (REUTERS/Joe Penney)

De son côté, L’Observateur, qui titre Le nouvel empereur sur ''ses'' terres africaines, prend lui aussi ses distances face à la visite du représentant de Pékin: «Des observateurs africains reprochent (à la Chine) de ne pas accorder la place qu’il faut aux compétences locales sur les chantiers de travaux publics qu’elle exécute sur le continent. De fait, il n’est pas rare de n’y trouver que des Chinois, des ingénieurs aux manœuvres. Or le développement de l’Afrique passe aussi par des investissements générateurs d’emplois pour les jeunes.» Et de conclure: Si «les autorités chinoises et leurs homologues africains pouvaient inscrire cela dans les clauses des nombreux contrats qu’ils signent, les relations sino-africaines seraient davantage marquées du sceau gagnant-gagnant.»

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