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Le franc CFA, un obstacle au développement des pays africains ? Le débat est ouvert

Bruno Le Maire a indiqué que la France était ouverte à "une réforme ambitieuse" du franc CFA. Avantages et inconvénients de cette monnaie adossée aujourd'hui à l'euro.

Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié
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Des billets de francs CFA, la monnaie notamment au Niger. (ISSOUF SANOGO / AFP)

Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, a assuré le 11 octobre 2019 que la France était ouverte à "une réforme ambitieuse" du franc CFA, tout en soulignant qu'il revenait aux Etats membres d'en décider. L’arrimage monétaire du franc CFA à l’euro a permis aux pays d’Afrique centrale d'un côté et de l’Ouest de l'autre d’avoir une monnaie distincte et une inflation d’une rare stabilité sur le continent. Mais les critiques sont vives contre cette Zone franc qui prive les pays africains d’une réelle souveraineté monétaire.

Le franc CFA dispose d’une parité fixe avec l’euro. Cela signifie que sa valeur évolue en fonction de celle de la monnaie européenne. Lorsque l’euro se déprécie face au dollar, le franc CFA baisse également. L’euro étant une devise extrêmement forte, les pays de la Zone franc CFA souffrent de leur monnaie trop surévaluée. Le contraire de ce qui se passait quand le franc français connaissait de nombreuses dévaluations.

Une monnaie pour les classes moyennes ?

"Le franc CFA, accroché à l’Euro par une parité fixe, est une monnaie qui donne l’impression d’être riche, explique l’ancien ministre du Plan du Togo Kako Nubukpo. Cela fait baisser le coût des importations, mais plutôt que produire par vous-même, vous avez alors tendance à importer ce que les autres produisent", précise l’économiste togolais.

Etre lié à une monnaie internationale par une parité fixe (le franc hier et l’euro aujourd’hui) intéresse principalement les investisseurs étrangers, qui peuvent rapatrier leurs profits, et les classes moyennes urbaines qui bénéficient d’importations à moindre coût. "C’est comme si on avait tranché en faveur des importateurs de champagne aux dépens des exportateurs de coton", affirmait déjà en 1994 un haut dirigeant du FMI.

C’est la monnaie des élites et des classes moyennes urbaines qui peuvent protéger leur épargne en la plaçant dans la zone euro. Le problème, c’est que 65% de la population est encore rurale et a besoin d’une monnaie en phase avec ses revenus.

En 1994, le gouvernement français de l’époque avait accepté de diviser par deux la valeur du franc CFA. Il en avait résulté une baisse immédiate du pouvoir d’achat des citadins (les voitures importées ont vu leur prix doubler) et une relance des productions locales, comme le cacao et le café. Mais le manque de réformes structurelles des économies africaines n’a pas tardé à gommer les effets bénéfiques de la dévaluation.

Les avantages du CFA

Le franc CFA est un atout en matière d’intégration régionale (échanges facilités) et de stabilité monétaire. Il confère aux pays qui l’ont adopté, grâce à sa parité fixe avec l’euro, une crédibilité internationale que n’ont pas d’autres pays de la région, comme le naira nigérian ou le cedi ghanéen dont les taux de change fluctuent en permanence.

Paris s’engage à assurer la convertibilité du franc CFA avec l’euro, en contrepartie du dépôt de 50% des avoirs en devises sur un compte ouvert auprès du Trésor français. Les planches à billets étant sous contrôle de la Banque de France, la Zone franc est toujours restée dans les normes européennes : une inflation en dessous des 3% et une dette inférieure à 70% du PIB. En revanche, aucun pays de la Zone franc n’est en mesure de créer de la monnaie selon ses besoins, ce qui peut ralentir leur économie… ou leur endettement, diront certains.

Certains économistes africains proposent de faire évoluer le franc CFA en unifiant les deux francs CFA, celui de l’Afrique de l’Ouest et celui de l’Afrique centrale, aujourd’hui non convertibles. Ils veulent également l’arrimer non plus à l’euro, mais à un panier de monnaie (euro, dollar, yuan, etc.).

Dans son discours de Dakar de 2012, le président français François Hollande proposait aux dirigeants africains de réfléchir à une gestion plus active des réserves de change déposées au Trésor français. Avec des politiques monétaires moins orthodoxes, les pays de la Zone franc pourraient espérer combler une partie de leurs déficits de croissance par rapport au pays de l’Afrique anglophone qui, sans monnaie commune, semblent avoir des économies plus performantes.

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