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Guinée-Bissau: le cajou, cette noix oléagineuse qui sauve l’agriculture
Cultivée sur 12% du territoire national, la noix de cajou est le principal poste d’exportation de la Guinée-Bissau. Les autorités s’efforcent de développer la production, très lucrative. Beaucoup plus lucrative, actuellement, que la bauxite, même si le pays possède entre un tiers et la moitié des réserves mondiales de ce minerai…
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En janvier 2017, une tonne de bauxite était vendue 39 dollars. Contre 1500 dollars la tonne de noix de cajou, qu’on appelle aussi parfois noix d’anarcade, très appréciée… à l’apéritif, mais aussi en cuisine (elle est décrite comme la «nouvelle amande») et dans l’industrie du cosmétique. Dans ce contexte, la demande mondiale est en constante augmentation. Et les prix grimpent en flèche.
Rien d’étonnant, dans ce contexte, que les autorités guinéennes cherchent à promouvoir une culture introduite dans le pays au cours des années 40. Une culture rémunératrice à la fois pour les paysans locaux et les recettes fiscales de l’Etat: en 2017, celui-ci espère en tirer près de 130 millions d’euros, la moitié du budget public d’un pays classé parmi les derniers à l’Indice de développement humain (IDH) de l’ONU.
Production en hausse
La culture de la noix de cajou à des fins commerciales n’a débuté que dans les années 90. Depuis, les pouvoirs publics ont multiplié les actions pour la stimuler, rapporte La Tribune. Ils ont ainsi créé une Agence nationale de la promotion rurale et du conseil agricole (Anproca) pour améliorer la productivité des paysans. Et en 2016, ils ont décidé «de réhabiliter (en plantations) 400.000 hectares d’anciennes carrières» de bauxite, signale le journal économique français.
Une politique qui semble payer: en 2017, la production à exporter devrait atteindre 200.000 tonnes, en hausse de plus de 6%, selon l’Agence nationale du cajou. Dans ce contexte, la Guinée-Bissau est devenue le troisième producteur africain, derrière la Côte-d’Ivoire et la Tanzanie. A elle seule, l’Afrique fournit la moitié des noix mondiales.
Rémunération des producteurs en très nette augmentation
Problème: ces dernières années, malgré une demande mondiale de cajou en constante augmentation, les paysans bissau-guinéens devaient se contenter de prix peu rémunérateurs. Leur production s’écoulant dans des circuits commerciaux dominés par des étrangers, en particulier indiens.
En mai 2017, alors que les cours mondiaux s'annoncent exceptionnels, les autorités de Guinée-Bissau constatent que le cajou est vendu dans le pays deux fois moins cher que dans la région sénégalaise voisine de Casamance. Là, il se négocie jusqu'à 1000 francs CFA (environ 1,5 euro).
Soupçonnant une possible contrebande, le président José Mario Vaz suspend alors pendant quelques semaines la commercialisation pour assainir le marché. Il lève par ailleurs l'interdiction de la présence d'étrangers dans ce négoce, interdiction récente qui visait à favoriser les opérateurs locaux.
Conséquence de ces deux décisions, les acheteurs, notamment indiens, chinois et mauritaniens, se bousculent à nouveau en Guinée-Bissau, y faisant grimper le prix (de vente du kilo de cajou) jusqu'à 1500 francs CFA (environ 2,3 euros).
Les revenus des producteurs devraient ainsi bondir de quelque 50% par rapport à 2016, à environ 60 millions d'euros, selon les cabinets d'experts. «Jamais, de mémoire de Bissau-Guinéen, le prix au producteur n'a atteint ce niveau, nous tenons à vous en remercier», déclarait récemment un responsable du monde rural, cité par l’AFP, lors d’une rencontre avec le chef de l'Etat, José Mário Vaz. Ce dernier a exhorté les producteurs à en profiter pour se constituer une épargne. «Pour garantir un meilleur futur à vos enfants, je vous conseille de déposer une partie de votre argent dans les banques agréées», a-t-il dit.
Comment améliorer la transformation du produit brut?
Aujourd’hui, alors que le pays peut s’enorgueillir de ce succès, la principale difficulté à laquelle est confrontée l’activité reste la transformation du produit brut. La production de la noix oléagineuse, qui est essentiellement exportée brut vers l'Inde ou d'autres pays asiatiques, comme la Chine et le Vietnam, pourrait rapporter davantage à l'économie de Guinée-Bissau si la transformation avait lieu à domicile, estiment les spécialistes.
Mais à peine 10% de la production est transformée sur place en «cacahuètes» (noix de cajou grillées), bonbons ou biscuits, par une dizaine d'unités familiales. Lesquelles les vendent dans le pays ou l'exportent au Portugal, l'ancienne puissance coloniale.
«Aujourd'hui, l'Afrique a ouvert les yeux sur le potentiel que revêt la noix de cajou, sur la richesse que nous avons et que nous produisons et dont nous ne tirons aucun bénéfice», affirmait il y a un an à Bissau la présidente de l'Alliance africaine du cajou (ACA), Georgette Taraf. Tout en appelant à renoncer au modèle du tout-exportation.
Créée en 2006, l’ACA dit regrouper des «entreprises africaines et internationales intéressées par la promotion d’une industrie africaine du cajou compétitive à l’échelle mondiale». «Plus de 2.5 millions d’agriculteurs africains cultivent actuellement environ 57% de la production (…) mondiale. Au cours de la décennie écoulée, les petits exploitants africains ont plus que doublé la production. Bien que demeurant faible en Afrique, le processus de transformation est en hausse, passant de 35.000 à 105.700 (tonnes) entre 2006 et 2015», précise l’ACA sur son site.
Reste à espérer que l’embellie du marché se maintienne: en avril 2016, un expert estimait, dans Jeune Afrique, que cette embellie n’allait pas «durer». C'est là tout le problème des monoproductions…
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