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Au Sénégal, Bargny lutte contre la dégradation de son environnement

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour

Le littoral de Bargny sur la côte sénégalaise souffre de nombreuses catastrophes environnementales. 

Déchets plastique, construction d’usines polluantes, réchauffement climatique, érosion des côtes, expropriations, perte des ressources naturelles…Bargny doit faire face à d’innombrable problèmes. Les habitants, principalement des pêcheurs, voient leur vie menacée.

13 photos de John Wessels datées de juin à août 2020, illustrent ce propos.

  

Le trafic maritime et les usagers des plages sont les principaux pollueurs de la côte sénégalaise envahie par des monceaux de déchets plastique. Si en 2015, le pays a fait voter une loi pour interdire les sacs plastiques, depuis rien n’a véritablement changé. Pour y remédier, des jeunes réunis au tour de l’association "Club de Réflexion et d’Actions Citoyennes" ont lancé le programme "plage zéro déchets", une journée de nettoyage de plage le long du littoral à Bargny, en août 2020.  Car si pour certains "L'Afrique est la poubelle du monde ! Bargny est la poubelle du Sénégal."    (JOHN WESSELS / AFP)
Mais Bargny à 35 km de Dakar, est confrontée à d’innombrables autres problèmes. Depuis 1948, l’air est pollué de poussières toxiques liées à la création d’une cimenterie. Cette usine, l'une des plus grandes d'Afrique de l'Ouest, appartient à Sococim Industries une filiale du groupe français Vicat. A coup d’explosifs, le calcaire est extrait de la carrière et 250 000 tonnes de charbon sont utilisées chaque année pour cuire le ciment. Depuis sa création, la production est passée de 40 000 à 3,5 millions de tonnes par an. (JOHN WESSELS / AFP)
Selon le Global Carbon Project, une organisation internationale chargée de mesurer et de comprendre les cycles du dioxyde de carbone dans l’atmosphère, les cimenteries font partie des industries aux émissions de CO2 les plus importantes après le charbon, le pétrole et le gaz. Pourtant à Bargny, aucune étude épidémiologique n’a été réalisée.    (JOHN WESSELS / AFP)
"La poussière nous détruit. Quand tu vas en mer, c'est la même chose. Le vent fait entrer la poussière dans tes yeux pour ensuite se déposer dans le fond de l'océan. Quand tu plonges, le sol est devenu comme une dalle de ciment. Les poissons qui mangeaient à même le sol ne peuvent plus le faire" déclarent des pêcheurs dans le web-documentaire, "Bargny, ici commence l'émergence".     (JOHN WESSELS / AFP)
Mais depuis plus de dix ans, la vie des 70 000 habitants est empoisonnée aussi par une autre infrastructure, une centrale électrique au charbon. Dès l’annonce du projet en 2008, la population s’est battue pour ne pas voir cet édifice se réaliser car la centrale a été construite sur un terrain octroyé en 2006 par le maire de l'époque, pour reloger les 1400 familles de pêcheurs victimes de l’érosion côtière. Bargny est l’une des quatre régions du Sénégal les plus touchées par la montée des eaux.          (JOHN WESSELS / AFP)
  "L'érosion a commencé dans les années 1980. Au début, la cause était une mauvaise gestion des côtes plus au nord, près de Dakar. Mais depuis le début des années 2000, le taux s'est aggravé. Les ondes de tempête sont devenues plus violentes et plus fréquentes. L'ouragan Fred en 2015 a été particulièrement grave. Entre les surtensions et l'élévation du niveau de la mer - qui va considérablement s'accélérer dans les décennies à venir, disent désormais les scientifiques - Bargny perd actuellement trois à quatre mètres de côte chaque année" précise Daouda Gueye, l’un des premiers opposants au projet de la centrale, cité par La Croix.  (JOHN WESSELS / AFP)
En 2009, quand le président de la République du Sénégal Abdoulaye Wade (2000-2012) est élu, il décrète cette zone "d'utilité publique" et la centrale doit assurer 12% des besoins du Sénégal d'ici 2052. Le gouvernement sénégalais, la Senelec (Société nationale d’électricité du Sénégal) et la société suédoise Nykomb Synergetics, signent une convention d’achat d’énergie. Le ministère de l’urbanisme délivre le permis de construire. Mais pour beaucoup, ce projet présenté comme un facteur de développement pour le Sénégal, a été fait à l’encontre des populations.      (JOHN WESSELS / AFP)
L’élection en 2012 de Macky Sall n'a pas changé la donne. Il a appelé à une économie modernisée d'ici 2035 avec un programme baptisé Emerging Sénégal. Il a promis des changements dans la politique énergétique mais a poursuivi les investissements étrangers dans le pétrole et l'énergie solaire et, dans une moindre mesure, dans le charbon. A cette époque, le charbon commence à avoir mauvaise presse et les investissements internationaux diminuent. Mais à Bargny, où les contrats sont déjà signés, l'administration de Sall ne remet pas en cause le projet.      (JOHN WESSELS / AFP)
Les habitants se regroupent et les dirigeants des communautés locales forment une organisation, RAPEN (réseau d'associations pour la protection de l'environnement et de la nature). Ils tentent d'empêcher la mise en service de la centrale aux cris de : "Bargny suffoque, Bargny veut vivre sans la centrale électrique! ". Ils tentent une action en justice internationale et en 2016, déposent une plainte auprès des bailleurs de fonds, arguant que la centrale existe "au mépris total des règles du code de l'environnement du Sénégal.   (JOHN WESSELS / AFP)
"La nouvelle Constitution sénégalaise, votée en 2016, garantit à tous les citoyens le droit à un environnement sain. Le code de l’environnement précise que les installations de catégorie 1 telles que les centrales à charbon doivent être situées à plus de 500 mètres d’un cours d’eau, d’une habitation, d’un lieu d’activité économique, d’un dispensaire ou d’un lieu recevant du public. Mais cette loi a été violée, puisque le lieu de transformation du poisson, une école et un dispensaire se trouvent à moins de 500 mètres de l’enceinte de la centrale" précise le site Les Observateurs, de France 24.      (JOHN WESSELS / AFP)
Mais malgré tous ces recours, la construction s'est poursuivie et la Banque africaine de développement a déclaré après examen que l'usine est conforme au code environnemental du Sénégal. En 2018, la centrale a été mise en route. Depuis la colère gronde parmi les habitants car 80 % des Bargnois, majoritairement lébous sont traditionnellement des pêcheurs. 150 pirogues font travailler une quarantaine de personnes quotidiennement. Avec le déversement des eaux de la centrale dans la mer leur métier est véritablement en danger.       (JOHN WESSELS / AFP)
 De plus, près de 1 000 femmes travaillent à côté du site de la centrale, en plein air, dans un site où elles sèchent les poissons. Elles se retrouvent en première ligne et sont en guerre depuis des années contre le "monstre", comme les habitants ont surnommé la centrale précise La Croix. Si l’atmosphère est saturée par les émanations des feux utilisés pour fumer les poissons, les nuages gris, gorgés de particules dangereuses à haute dose, rejetés par "le monstre " est une véritable bombe sanitaire à retardement. Beaucoup d’entre elles souffrent problèmes respiratoires.     (JOHN WESSELS / AFP)
En décembre 2019, l’annonce de la fermeture de la centrale enflamme les réseaux sociaux mais c’est une…fausse nouvelle. Aujourd’hui, les habitants de Bragny pensent que le changement climatique et l’érosion des côtes ont détruit leur passé et la centrale électrique, leur avenir. "Nous avons toujours dû changer nos vies. Mais changer tant de choses est fondamental pendant que la mèche du temps brûle aux deux extrémités - c'est quelque chose de différent. Ce qui se passe à Bargny est une sorte d'injustice existentielle, autrefois rare mais de plus en plus courante : une perte des lieux et des environnements que nous utilisons pour maintenir nos valeurs stables. L'avenir continue et nous continuons à y vivre. Mais d'une manière plus profonde, plus rien n'a de sens" déclare Daouda Gueye sur The Nation.    (JOHN WESSELS / AFP)

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