Véronique Beya Mputu: «Faire les bons choix» après le film «Félicité»
«Félicité» a remporté l'Ours d'argent à la Berlinale en 2017, l'Etalon d'or du Yennenga au Fespaco la même année, et a été présélectionné pour représenter le Sénégal aux Oscars 2018. Avec le recul, qu’est-ce que cela fait de commencer sa carrière d’actrice avec un succès?
C’est réjouissant mais je reste partagée. Les sages disent souvent qu’il faut commencer petit. Quand on démarre avec un succès, il faut pouvoir rester à la hauteur. C’est un défi qui me fait un peu peur. Mais c’est un honneur d’avoir pu travailler sur ce film, avec Alain Gomis. C’est avec lui que j’ai appris à être une actrice: il m’a formée.
Alain Gomis vous a initiée à un métier que votre famille, notamment votre sœur, ne souhaitait pas que vous embrassiez. Vous avez un peu bravé les vôtres pour vous lancer dans la comédie. Cela vous met-il une pression supplémentaire, celle de justifier le fait que vous avez fait le bon choix?
Ma sœur a maintenant compris que c’était mon destin, qu’elle ne pouvait pas l’entraver. Une destinée, c’est du ressort de Dieu. Aujourd’hui, j’ai tracé ma vie et elle s’en réjouit. Je suis également heureuse d’avoir fait ce qu’elle m’a dit de faire parce que, grâce à elle, j’ai pu faire des études.
Que pensez-vous de votre nouveau secteur d’activité, de ce milieu du cinéma que vous avez découvert?
Le terrain est très glissant. On y est comme sur un fil. Le moindre faux pas peut vous faire tomber. Il y des gens bizarres et des gens bien. D’autres vous applaudissent pour vous hurler dessus après, certains vous aident à aller de l’avant ou, a contrario, vous enfoncent. Tout cela peut faire peur mais ce n’est pas le cas pour moi parce que je suis entourée de gens bienveillants. C’est une grâce. Le reste ne me concerne pas. Chacun sa vie!
Après «Félicité», vous avez certainement reçu de nombreuses propositions...
J’ai reçu beaucoup de propositions et le plus difficile est de faire les bons choix. Dans ce métier, il ne faut pas tout accepter. Même si la tentation est grande quand on reste plusieurs mois ou plusieurs années sans trouver de rôle. Je suis aujourd’hui sur six projets – quatre longs métrages, un court et une série – entre l’Afrique, la France et les Etats-Unis. Ils seront tournés entre fin 2018 et début 2019.
Félicité est un personnage fort et les beaux rôles restent rares. Quels sont vos critères aujourd’hui pour choisir un rôle?
Une certitude: je ne peux pas rester dans la peau de Félicité. Autrement, le rôle risque de me coller trop longtemps à la peau. Je voudrais me découvrir, je voudrais que mes fans me découvrent dans d'autres rôles.
Alain Gomis vous a formée mais vous vous êtes formée aussi…
Je me suis inscrite dans un centre, dans le XIXe arrondissement de Paris. Que ce soit ici ou en Afrique, je participe régulièrement à des ateliers pour m’exercer et améliorer mon jeu.
Qu’avez-vous appris sur le tournage de «Félicité» qui vous accompagnera toujours?
C’est une phrase, comme un slogan, que me répétait Alain Gomis: «Tu peux le faire!» Il y a plusieurs scènes que je ne pensais pas pouvoir faire. Il y a en a une où je devais arrêter de respirer dans l’eau pendant deux-trois minutes. Je lui ai dit: «C'est pas possible. Je n'ai jamais nagé de ma vie. Tu veux ma mort ou quoi? Je ne sais pas nager!» Et lui de me répondre: «Tu peux le faire. D’autres le font.» Lors des répétitions, j’ai eu du mal aussi avec les exercices sportifs. Il n'y a rien d'impossible. «Si tu veux, tu peux»: c'est ce que j'ai compris, c’est la devise qui me reste du tournage de Félicité.
Avec le succès du film, vous êtes passée de l’anonymat à un visage que les gens reconnaissent. Comment gérez-vous cette situation?
Plus on devient célèbre, plus ça devient compliqué. Je ne peux plus faire aujourd’hui ce que je faisais hier parce que plus rien ne passe inaperçu. Il y a les réseaux sociaux... On est obligé de toujours faire attention à son image. Cependant, la chose qui m’importe le plus, c’est de rester moi-même.
Etre connu, je crois que c’est la vie la plus difficile. J'ai une petite fille, qui avait cinq ans à l'époque, pour qui cette célébrité n'a pas été facile quand le film est sorti. Quand les gens me reconnaissaient sur les écrans, ça la faisait pleurer qu'ils disent que c'est moi. Elle disait: «Ce n'est pas ma maman!» Depuis, heureusement, elle s'est habituée.
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