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La morna, "âme du Cap-Vert", inscrite sur la liste du patrimoine immatériel de l'humanité

Musique née sur l’île de Boa Vista et popularisée dans la ville de Mindelo, sur l’île de São Vicente, la morna rime langoureusement avec Cap-Vert

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La chanteuse cap-verdienne Cesaria Evora, lors d'un concert durant le Nancy Jazz Pulsations, en 2006.   (POL EMILE/SIPA)

La morna, musique cap-verdienne, dont la chanteuse Cesaria Evora disparue en 2011 fut l'ambassadrice, a été inscrite sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel le 11 décembre 2019, lors de la réunion du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel qui se tient à Bogota, en Colombie.

Le Cap-Vert célèbre "l'inscription de son âme à l'âme de l'humanité"

"Aujourd'hui, mon pays célèbre. Mon petit pays, formé de dix îles au milieu de l'Atlantique, (qui  compte) un demi-million d'habitants et un million (de ressortissants) dans le monde entier. Mon pays célèbre l'inscription de son âme à l'âme de l'humanité", a déclaré le ministre cap-verdien de la Culture, Abraão Vincente, pour saluer l'évènement. 

La morna est une pratique musicale et chorégraphique traditionnelle "qui intègre des instruments de musique, des chants, de la poésie et de la danse. Elle peut être chantée ou bien interprétée à l’aide d’instruments seuls, principalement des instruments à cordes. Les paroles, empreintes de poésie, sont parfois improvisées ; elles peuvent être autobiographiques ou aborder des thèmes tels que l’amour, le départ, l’immigration, la séparation, les retrouvailles, la nostalgie, l'océan et la patrie. Autrefois, les paroles pouvaient être écrites en portugais, mais désormais, elles sont surtout rédigées en créole cap-verdien", explique-t-on dans le formulaire de candidature déposé par le Cap-Vert.

Les compositeurs Betu, Antero Simas, Nhelas Spencer et Teté Alhinho ; les poètes Jorge Tavares et Silva Roque ; les chanteurs Homero Fonseca, Djila Lobo, Ze Luis, Tej de Saia, Saozinha Fonseca, Titina Rodrigues, Gardenia Benros et Celina Pereira ; les musiciens Augusto Cego, Paulino Vieira, Humbertona, Bau, Moises Evora, Nho Da Cruz, Olimpio Varela et Manel Caloti ; et enfin, les luthiers Aniceto Gomes et Piduca sont les grands noms associés à cette musique, restée intacte depuis un siècle.

Une affaire de femmes  

"Les plus anciennes traces de la morna proviennent de l’île de Boa Vista où elle était essentiellement composée par des femmes, sur un ton satirique. A la fin du dix-neuvième siècle, (le poète) Eugénio Tavares a introduit des thèmes encore présents aujourd’hui." Mindelo, sur l’île de São Vicente, devient l'épicentre de cette musique dans les années 20-30. Elle se popularise, jouée dans les bars et les quartiers marginalisés de la ville. 

"Sur cette même île, B. Leza, compositeur, et Luis Rendall, musicien, ont introduit le chant à mi-voix, sous l’influence brésilienne, ainsi que les accords de transition qui caractérisent la morna. C’est également à Mindelo qu’a débuté l’internationalisation de la morna grâce aux chanteurs Bana et Cesaria Evora (native de la ville)". 

La morna appartient à tous les Cap-Verdiens et les accompagne de leur naissance à leur mort. Cependant, les femmes ont toujours joué un rôle primordial dans son évolution, des origines à sa conquête du monde. "Bien que la morna soit transmise par les hommes et les femmes dans le cadre familial, les femmes se démarquent à cet égard en raison de leur fréquent statut de mères monoparentales."

Aujourd'hui, une seule menace pèse véritablement sur la morna : son volet chorégraphique est "actuellement en déclin". Notamment du fait de la disparition des luthiers. Le violon étant l'un des instruments à cordes utilisé pour interpréter ce genre musical dont la guitare s'est imposée comme "l'instrument de prédilection". A l'origine, une guitare à dix cordes qui sera  remplacée "au cours du XXe siècle par le cavaquinho (ukulélé), sous l’influence brésilienne". Aujourd'hui, le piano, les percussions et la contrebasse font partie de la famille instrumentale de la morna, l'âme du peuple cap-verdien, comme l'a rappelé à maintes reprises le ministre de la Culture.

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