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Avec "Mémoires contemporaines d’un continent", l’artiste togolais Sadikou Oukpedjo crée une œuvre au-delà des contingences terrestres

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour

Chez Sadikou Oukpedjo, mutants, dieux inconnus et créatures mystérieuses muent, se transforment, se métamorphosent pour créer une nouvelle mythologie intemporelle.

Sculpteur, dessinateur, peintre, Sadikou Oukpedjo est un artiste dont les œuvres poétiques interrogent les mythes passés, l’histoire contemporaine, les légendes du futur. Son art est une exploration métaphysique qui plonge au cœur de l'inconscient universel de l'humanité.

Mémoires contemporaines d’un continent, sa nouvelle exposition, est visible à la galerie Cécile Fakhoury à Paris jusqu’au 18 juin 2022.

Né en 1970 à Kétao au Togo, Sadikou Oukpedjo a d’abord pratiqué la sculpture. Mais après avoir intégré l’atelier du célèbre artiste Paul Ahyi (1930-2010) à Lomé en 1998, il multiplie les expérimentations. Papier de ciment, pastels, craies, pigments, céramique…  lui ouvrent de nouveaux champs artistiques. Après un long séjour à Bamako au Mali, il s’installe définitivement en 2013 à Abidjan en Côte d’Ivoire. Artiste pluridisciplinaire, il a été exposé dans plusieurs foires d’art contemporain et ses œuvres ont rejoint aujourd’hui des prestigieuses collections privées et publiques.    (SADIKOU OUKPEDJO)
Dans ses toiles, Sadikou Oukpedjo tel un alchimiste mélange les matières (charbon, pierre, pigments bruts, encaustiques...) pour offrir une peinture en mutation, protéiforme, évolutive. Il cherche et trouve l’inspiration dans l’harmonie des choses. "Tous ces éléments qui rentrent en pratique dans ma phase créative me parlent et me rappellent que je ne suis ni supérieur ni inférieur à eux, puisqu’il leur arrive de me résister et de m’amener à la négociation", déclare l’artiste.    (SADIKOU OUKPEDJO)
Dans certaines de ses œuvres, la violence du monde contemporain et de ses rapports de force est explorée. "Sadikou dresse un constat critique d’un continent africain sous emprise d’intérêts étrangers, dépossédé de ses richesses et de ses pouvoirs, comme aveugle à cette domination, impuissant", précise la galerie. Son propos se veut alors une critique des bassesses humaines de ceux qui exploitent misère et détresse. Pour Sadikou Oukpedjo, l’argent, le capitalisme, le consumérisme entraînent abus de pouvoir, inégalités sociales et conflits religieux.    (SADIKOU OUKPEDJO)
"Nous sommes devenus prisonniers de nos propres intérêts. On débouche sur l’animalisation de l’homme en en faisant un esclave. L’humain cherche à se convaincre qu’il est supérieur aux autres êtres sur Terre. C’est ce qui crée des conflits. Je condamne les compétitions et les examens à l’école, car ça déshumanise l’humanité. La mythologie a échoué, et abouti à la divinité." Pour l’artiste, Dieu a été pris en otage par le capitalisme. L’église, les religions, les lieux de culte sont devenus comme des marchés.    (SADIKOU OUKPEDJO)
En explorant les rapports que l’homme entretient avec son animalité, il interroge notre conscience face à la cruauté des rapports humains. Si sa critique se veut parfois caustique, elle n’est jamais dénuée de tendresse. Chez lui, les êtres sont souvent hybrides, produits de deux entités qui cohabitent et s’affrontent. Ces créatures étranges mi-hommes mi-dieux qui peuplent ses toiles racontent l’ambiguïté des rapports humains où joie et tristesse se confondent. Mais ces antagonismes sont toujours porteurs d’espoir.  (SADIKOU OUKPEDJO)
Les figures mi-humaines mi-animales de Sadikou Oukpedjo "s’inscrivent dans une longue série de mythes et de croyances, allant des divinités égyptiennes aux rites chamaniques. Ses personnages interrogent les notions d’origine et d’héritage pour les peuples africains. Les contes, la cosmogonie, les rites, la sorcellerie, sont autant de tentatives et d’outils créés par l’homme afin de trouver sa place dans le monde et apprendre à se connaître", précise la galerie. L’hybridité est pour lui est un chemin d’élévation.  (SADIKOU OUKPEDJO)
En retrait de l’agitation du monde, souvent dans des postures introspectives, les personnages de ses toiles sont le plus souvent représentés comme de "doux colosses". Les corps y sont musclés, tel des athlètes sortis d’une nouvelle épopée. Une force silencieuse habitée d’une puissance magique imprègne alors ses toiles. "L’invisible et sa puissance, l’inconnu et le caché apparaissent comme un fil rouge, s’inscrivant dans l’exploration de la conscience humaine comme une même quête qui traverse l’évolution de ses recherches plastiques", déclare la galerie.    (SADIKOU OUKPEDJO)
Mais "l’humanité a besoin de créer de nouveau contes pour aboutir à des dieux plus doux. N’est-il pas paradoxal qu’un dieu puisse baser son règne sur la peur et l’exploitation ?", questionne l’artiste. Dépasser la séduction, dépasser l’effroi, sortir de l’inertie et faire de l’espace pictural un lieu d’invention de nouvelles mythologies, un lieu poétique, telle est l’ambition de Sadikou Oukpedjo.   (SADIKOU OUKPEDJO)

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