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Centrafrique : "Ici, des horreurs sont commises à visage découvert"

La situation à Bangui est très instable, "la haine est forte" et tout peut s'enflammer d'une minute à l'autre. Témoignage de deux grands reporters de France 2 présents sur place. 

Article rédigé par Hervé Brusini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des pillards dans les rues de Bangui (Centrafrique), le mardi 10 décembre. (FRED DUFOUR / AFP)

Quelle est la situation à Bangui ? Deux soldats français ont été tués, lundi 9 décembre, alors que l'armée française venait d'entrer en action pour désarmer les milices qui s'affrontent en Centrafrique. Entre les ex-rebelles musulmans de la Séléka et les miliciens chrétiens anti-balaka, tout peut s'enflammer rapidement. Les violences ont fait quelque 400 morts la semaine dernière rien que dans la capitale centrafricaine. 

Sur place, Martine Laroche-Joubert et Gérard Grizbecgrands reporters de France 2, expliquent que la situation n'a cessé de se dégrader dans les rues de Bangui, depuis qu'ils sont arrivés en fin de semaine dernière. 

Francetv info : Dans quelles conditions travaillez-vous ? 

Gérard Grizbec : La situation est toujours instable. Mardi, nous sommes passés aux abords de l'aéroport et tout allait bien. Trois minutes plus tard, des émeutiers s'en prenaient à un magasin. Au même endroit, la violence partait comme une torche allumée.

Par ailleurs, il est parfaitement impossible d'identifier à qui on a affaire. Il n'y a pas de ligne de front à Bangui : les coups peuvent venir de n'importe où. Par exemple, on croise de nombreux Africains en uniforme dans les rues de Bangui, mais qui sont-ils réellement ? Appartiennent-ils à la Fomac, la Force d'Afrique centrale en Centrafrique ? Avec ces soldats-là, qui sont tchadiens, camerounais, congolais, guinéens ou gabonais, nous n'avons aucun problème. Mais ceux que l'on croise peuvent très bien être des rebelles musulmans de l'ex-Séléka qui peuvent nous tirer dessus à tout moment. C'est la confusion la plus totale. 

Pouvez-vous vous déplacer partout ? 

Martine Laroche-Joubert : On sait par nos fixeurs (les guides que nous rémunérons) dans quelles zones nous pouvons nous rendre et celles où les risques sont considérables. Par exemple, ici à Bangui, nous savons qu'il vaut mieux éviter un quartier où des journalistes ont été caillassés mardi. Nous nous déplaçons rarement seuls. Mardi, nous étions avec une équipe de la télévision chinoise. S'il arrive un pépin, ceux qui restent mobiles peuvent prévenir les secours.

Gérard Grizbec : Les détails logistiques peuvent rendre les choses encore un peu plus périlleuses. A Bangui, il est presque impossible de se procurer de l'essence. Ne comptez pas davantage pouvoir louer un taxi. Donc nous nous déplaçons en voiture, avec casque et gilet pare-balles. 

La présence de journalistes n'a-t-elle pas une influence sur les événements ?

Martine Laroche-Joubert : Nous avons récemment filmé le pillage d’une boutique. Channel 4 était d’abord passé par là le matin tôt. Mais le pillage a continué. Et il était toujours en cours quand nous nous y sommes rendus.

Gérard Grizbec : Quand nous filmons un acte de violence extrême, que ce soit un pillage ou un lynchage, les gens se fichent que nous soyons là ou pas. Ils pillent ou ils se vengent. La haine est si forte que des horreurs sont proférées ou commises à visage découvert. Et peu importe si on est filmé ou pas.

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