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Hyperandrogénie : des athlètes africaines pénalisées pour "trop de testostérone"

Caster Semenya, Francine Niyonsaba et Margaret Wambui prennent les trois premières places du 800 m aux Jeux olympiques de Rio en 2016. Les trois femmes sont hyperandrogènes. Elles présentent un taux anormalement élevé de testostérone qui leur confère un avantage physique substantiel. Il y a débat et aujourd’hui la fédération a fixé un taux maximal pour concourir. 

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
La Burundaise Francine Niyonsaba, médaille d'argent, la Sud-Africaine Caster Semenya, médaille d'or, et la Kényane Margaret Nyairera Wambui, médaille de bronze, sur le podium du 800 m aux Jeux olympiques de Rio le 20 août 2016. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Sans rentrer dans les détails, ces hormones mâles en grande quantité apportent un plus sur les distances de 800 à 1500 mètres en course à pied. "Les hormones androgènes améliorent les performances, notamment en termes de force, de puissance et de rapidité, ce qui peut conférer un avantage lors d’une compétition sportive", explique Anaïs Bohuon professeure à l’UFR Staps de l’université Paris-Sud. Ainsi, la championne olympique sud-africaine Caster Semenya présente un taux de testostérone cinq fois plus élevé que la norme pour une femme. Une anomalie naturelle qui ne doit rien au dopage.

Le cas de Francine Niyonsaba, est impressionnant. En 2012, à 20 ans, lors de sa première année d’athlétisme chez les pro, la Burundaise termine au second rang mondial dans sa spécialité du 800 m. Lors des JO de Londres, elle impressionne, avant de se blesser dans la finale que tout le monde lui pensait acquise.

Francine Niyonsaba a mis du temps à révéler son hyperandrogénie, qu'elle a reconnue enfin en avril 2019. "Je sais que les gens parlent dans mon dos, mais cela ne m'arrêtera pas. Je n'ai pas demandé à naître ainsi. Qui suis-je donc ? Dieu m'a faite ainsi, j'aime qui je suis", explique-t-elle à la Deutsch Welle.

Plus motivée que jamais, elle termine deuxième aux JO de Rio, puis décroche l’or aux Mondiaux de Birmingham deux ans plus tard.

"Don de dieu"

Mais ce "don de dieu", comme le présente Francine Nyonsaba, commence à agacer. Le trio ravageur de Rio laisse les adversaires perplexes. L’IAAF, l’instance sportive internationale, impose désormais une limite maximale de trois fois la norme, quitte à faire baisser le taux avec un traitement pour pouvoir participer à une compétition.

La décision a été en partie retoquée par le tribunal arbitral du sport (TAS). Mais il y aura bien un règlement spécifique pour les athlètes hyperandrogènes, même s’il est reconnu "discriminatoire", car il s’agit "de préserver l'intégrité de l'athlétisme féminin dans le cadre de certaines disciplines", écrit le TAS.


De l’avis de nombreux observateurs, se servir du taux de testostérone pour fixer la frontière entre sexe masculin et sexe féminin est contestable. De même que d’imposer aux athlètes qui présentent de l’hyperandrogénie de "normaliser" leurs taux hormonaux. Selon Anaïs Bohuon, la différence de taux de testostérone est parfois plus importante entre deux hommes qu’entre un homme et une femme et se servir de ce taux est aussi peu pertinent que les autres tests.

L’Afrique du Sud a fait appel du jugement du TAS. Car imposer à Caster Semenya d’abaisser son taux de testostérone revient à raboter ce qui contribue à sa supériorité sur la piste. Or, il ne s’agit en aucun cas de dopage. C’est un atout comme d’autres ont des foulées extraordinaires (Marie-Jo Pérec) ou un rythme cardiaque très bas (Bernard Hinault). Et cette hyperandrogénie ne se substitue en rien à un entraînement intensif.

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