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Retrait de la France du Burkina Faso : "Ce sont des relations d'amour-haine ou d'affection déçue", selon le chercheur Michel Galy

Après l'annonce du retrait des troupes françaises du Burkina Faso, des manifestants ont demandé la fin de l'influence politique de la France en Afrique. Pour le chercheur Michel Galy, ce départ sur fond de tensions entre les deux pays est un "semi-échec".
Article rédigé par franceinfo
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Lors d'une manifestation, le 20 janvier dernier, des manifestants ont demandé le départ de l'ambassadeur de la France du Burkina Faso. (OLYMPIA DE MAISMONT / AFP)

Il y a avec le Burkina Faso "des relations d'amour-haine avec la France ou d'affection déçue", a expliqué ce samedi 29 janvier sur franceinfo Michel Galy, chercheur au centre d'études sur les conflits et auteur en 2013 de "La guerre au Mali : comprendre la crise au Sahel et au Sahara : enjeux et zones d'ombres".

Ce samedi 28 janvier, plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, pour soutenir le nouveau régime issu d'un coup d'Etat en septembre 2022. Durant le meeting, ces Burkinabés ont fait part de leur hostilité à la présence française. La France a annoncé ce mercredi 25 janvier qu'elle retirerait ses troupes du Burkina Faso d'ici "un mois".

La junte a dénoncé les accords de défense liant les deux pays. Selon Michel Galy, les Burkinabés n'ont pas "d'appétence particulière avec la Russie". Il estime que si les Russes et "les contingents de Wagner" ne parviennent pas à "contenir les avancées des jihadistes", il y aura "une grande déception".

Est-ce que ce départ programmé de la France du Burkina Faso est un échec à éradiquer le terrorisme ?

Michel Galy : Oui, sans doute. Il y a ce semi-échec en fond. En même temps, il y a à la fois un contexte géopolitique mondial avec l'irruption de la Russie dans notre ancien pré carré. Et puis une similitude avec le Mali. On a fait ce que l'Occident appelait le "containment", l'endiguement, avec, à l'époque, les Soviétiques ou les communistes. On a contenu les avancées des groupes jihadistes, des deux groupes principaux, vers les capitales. Pour autant, depuis que les forces françaises, par exemple au nord du Mali, se sont retirées, ils sont beaucoup plus offensifs. Et la situation, comme l'a reconnu le chef d'État burkinabé, le capitaine Traoré, s'est aggravée récemment. Donc la jeunesse veut aussi des alternatives sans que, pour autant, ils soient sûrs que le retrait des forces spéciales françaises en soit une.

Est-ce que l'on constate que la France perd son influence en Afrique alors d'autres pays, comme la Russie, s'y intéressent ?

Oui, à un moindre coût, la Russie ouvre un autre front par rapport à la guerre en Ukraine, derrière les lignes ennemies, derrière les lignes françaises, en conquérant la Centrafrique, le Mali, le Burkina. Et, même si on n'est pas un adepte de la théorie des dominos, on se demande quel est le pays suivant ? Le Niger qui est une base française, le Tchad, la Côte d'Ivoire ? C'est ce qui inquiète les responsables et les états-majors à Paris. Cela va à la vitesse des réseaux sociaux. Toutes les théories anti-coloniales sur l'armée, la monnaie CFA, les matières premières, qui sont développées depuis trois-quarts de siècle, avec les réseaux sociaux, vont à la vitesse de l'éclair. Elles conquièrent notamment le lumpenprolétariat, qui n'est d'ailleurs pas souvent francophone, comme à Ouagadougou. Et puis surtout, elles se diffusent d'un pays à l'autre à toute vitesse.

Pourquoi ces pays préfèrent traiter avec la Russie ou avec les miliciens de Wagner plutôt qu'avec la France ?

Je crois qu'il n'y a pas d'appétence particulière avec la Russie qu'ils ne connaissent pas, dont ils oublient aussi la période africaine, notamment l'alliance avec l'Éthiopie et l'Angola. Les nouvelles générations ne connaissent pas. Ce sont plutôt des relations d'amour-haine avec la France ou d'affection déçue. Ce sont les forces politiques et militaires françaises qu'ils contestent et pas du tout la population ou les ressortissants français pour l'instant. Mais il est vrai que même pour des chercheurs ou des journalistes, il ne fait pas bon se promener dans un certain nombre de capitales africaines en ce moment. On en est réduit à des espaces hyper surveillés. On applique des règles de sécurité. La liberté d'aller et venir des citoyens français se réduit comme une peau de chagrin.

Est-ce qu'il y a un risque de déception à terme de ces gouvernements vis-à-vis de la Russie comme cela se passe en ce moment contre la France ?

Il est certain que si la situation s'aggrave et si les contingents de Wagner, qui sont connus pour leur violence envers un certain nombre de civils comme par exemple les Peuls au Mali, n'arrivent pas à contenir les avancées des jihadistes vers les capitales en particulier, il risque d'y avoir une grande déception.

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