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Burkina Faso : Human Rights Watch accuse les forces de sécurité d'un massacre collectif de 31 personnes

Selon l'ONG Human Rights Watch, les exécutions ont eu lieu dans la localité de Djibo, au nord du pays.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Un groupe de l'armée du Burkina Faso patrouille dans la région du Soum au nord du pays, lors d'une opération conjointe avec l'armée française le 9 novembre 2019. (MICHELE CATTANI / AFP)

La scène s'est déroulée le 9 avril dernier dans la ville de Djibo, 20 000 habitants, à 200 km au nord de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. Selon l'ONG Human Rights Watch, 31 hommes y ont été arrêtés et exécutés sur le champ par les forces de sécurité. D'après les témoins, les individus impliqués appartiendraient au Groupement des Forces antiterroristes (GFAT) qui possède une base dans la ville.

Descente ciblée ?

Vers 10h, les paramilitaires ont commencé à sillonner la localité à bord de plusieurs véhicules, dont un blindé. Le convoi s'est ainsi arrêté devant une clinique pour effectuer un contrôle d'identité. Puis à un point d'eau où, selon des témoins, trois éleveurs ont été embarqués. Et ainsi de suite, les soldats recherchant visiblement des éleveurs peuls. Aucun des hommes arrêtés n'était armé. "Environ dix camionnettes et de nombreuses motos ont roulé dans les rues en arrêtant tous les Peuls qui ne pouvaient pas se cacher... chez eux, au puits, sur la route, devant leurs magasins", a décrit un commerçant.

Vers 13h, les premiers coups de feu ont commencé à retentir. Bien plus tard, lorsque le calme est revenu, les habitants sont partis à la recherche des hommes arrêtés. Ils ont retrouvé leurs corps près du cimetière à quatre kilomètres de la ville. Une exécution sommaire de 31 personnes dont on ignore encore les motifs. Les hommes arrêtés n'ont même pas été interrogés.

Représailles, intimidation ?

La ville de Djibo est au cœur du brasier et la violence y est régulière. Le 3 novembre 2019, le maire de la ville a été assassiné avec trois autres personnes lors d'une embuscade sur la route, en se rendant à Ouagadougou. La gendarmerie de la ville est régulièrement prise pour cible. La dernière attaque remonte au 31 décembre dernier. Mais ce 9 avril, l'intervention des GFAT ne répondait pas à une attaque terroriste.

Au-delà de Djibo, c'est toute la région du Soum, au nord du Burkina, qui est en proie au terrorisme. La région est frontalière à la fois du Mali à l'Ouest et du Niger à l'Est. La population dit être prise entre deux feux. D'un côté, les militaires qui les soupçonnent de sympathiser avec les terroristes. De l'autre, des jihadistes qui les accusent d'être de mauvais musulmans. Les témoins de la rafle de Djibo affirment que seuls les Peuls étaient traqués. Ces éleveurs semi-nomades constitueraient le cœur du recrutement des terroristes.

Même si elle emploie le conditionnel, l'accusation de crime de guerre est selon l'ONG bien documentée. "Human Rights Watch a mené des entretiens avec 17 personnes ayant connaissance des tueries du 9 avril, dont 12 témoins des arrestations, puis de l'enterrement des corps. Les témoins ont établi une liste des victimes, toutes peules, et fourni des cartes indiquant où les hommes ont été exécutés, puis inhumés", explique Human Rights Watch dans son communiqué. L'ONG réclame que le pouvoir de Ouagadougou ouvre une enquête et suspende de leurs fonctions les chefs des unités incriminées.

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