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Burkina Faso : cinq questions sur la prise en otage du président et du Premier ministre par des soldats

Ce coup de force de la garde présidentielle survient à moins d'un mois d'une élection présidentielle cruciale dans le pays.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des manifestants protestent contre la garde présidentielle qui détient le président et son Premier ministre à Ouagadougou (Burkina Faso), le 16 septembre 2015. (JOE PENNEY / REUTERS)

Tentative de coup d'Etat ou mutinerie ? A moins d'un mois d'une élection présidentielle cruciale au Burkina Faso, des militaires retiennent en otage le président intérimaire du pays et son Premier ministre, à Ouagadougou. Leur détention a débuté mercredi 16 septembre en début d'après-midi et se poursuit jeudi 17 septembre. 

1Comment s'est déroulée la prise d'otages ?

La crise s'est nouée, mercredi, lorsque des militaires du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) ont fait "irruption dans la salle du Conseil des ministres à 14h30". Ils "ont pris en otage le président du Faso Michel Kafando, le Premier ministre Isaac Zida" et deux ministres, celui de la Fonction publique, Augustin Loada, et celui de l'Urbanisme, René Bagoro, selon le communiqué du président du Conseil national de la transition (l'Assemblée de transition), Cherif Sy.

Le président Michel Kafando (D) et le Premier ministre Isaac Zida (G), le 21 novembre 2014, à Ouagadougou (Burkina Faso). (SIA KAMBOU / AFP)

Des militaires ont également pénétré dans les locaux de la radio privée Oméga, a rapporté le directeur de la station, Alpha Barry, sur France 24. Ils ont menacé de mort les journalistes s'ils poursuivaient leurs programmes, qui ont donc été interrompus par la station. Les émissions de Radio France Internationale (RFI) ont aussi été coupées. La télévision publique burkinabée, en revanche, diffuse son programme normal. Ses bâtiments sont traditionnellement gardés par le RSP, qui y a renforcé ses positions.

2Quelle est la situation politique au Burkina Faso ?

Depuis la chute de Blaise Compaoré, chassé par la rue en octobre 2014 après 27 ans au pouvoir et aujourd'hui exilé en Côte d'Ivoire, le Burkina Faso est dirigé par des autorités intérimaires. A leur tête, le président Michel Kafando, et son Premier ministre, le lieutenant-colonel Isaac Zida. Elles doivent rendre le pouvoir à l'issue des élections présidentielle et législatives du 11 octobre.

Aucun partisan de l'ancien président Compaoré ne peut se présenter au scrutin, au nom d'une loi électorale très controversée rendant "inéligibles" tous ceux qui ont soutenu un "changement inconstitutionnel". En clair, la tentative de Compaoré de modifier la Constitution pour supprimer la limitation des mandats présidentiels.

"Quand on se comporte de cette manière-là, ces choses [la prise d'otages] arrivent", a estimé sur France 24 Léonce Koné, vice-président du directoire du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l'ancien parti au pouvoir pro-Compaoré.

3Qui sont les preneurs d'otages ?

Ce coup de force est l'œuvre de soldats du Régiment de sécurité présidentielle, la garde prétorienne de l'ex-président Blaise Compaoré. Cette unité de 1 300 hommes est considérée comme la mieux formée de l'armée burkinabée. On ignore toujours les revendications des soldats. Mais des "tentatives de dialogue étaient en cours entre la haute hiérarchie militaire et les éléments du RSP", a assuré le président du Conseil national de la transition.

La garde présidentielle a déjà perturbé la transition politique burkinabée à plusieurs reprises. Fin juin, le RSP avait ainsi exigé la démission du Premier ministre Isaac Zida, également numéro 2 de l'unité. Son tort : avoir demandé publiquement sa dissolution "pure et simple" avant d'y renoncer. Lundi, la Commission nationale de réconciliation et des réformes avait d'ailleurs à son tour recommandé la dissolution du RSP. 

4Quelle est la réaction des habitants de la capitale ?

L'action du RSP a brusquement plongé dans l'incertitude ce pays sahélien enclavé, où les élections du 11 octobre sont censées mettre un terme à la transition.

Avec des sifflets et des vuvuzelas, plusieurs centaines de personnes ont convergé en début de soirée dans le quartier Ouaga2000, vers le palais présidentiel, aux cris de "Libérez Kosyam", le nom de la résidence du chef de l'Etat, ou "A bas les RSP".

Des manifestants protestent contre la garde présidentielle qui détient le président et son Premier ministre à Ouagadougou (Burkina Faso), le 16 septembre 2015. (JOE PENNEY / REUTERS)

En début de soirée, des soldats ont tiré des coups de feu aux abords du palais présidentiel pour disperser ces manifestants, qui ont reflué vers le centre-ville. Un peu plus tard, le siège du CDP, le parti de Compaoré, a été saccagé. 

Sur les réseaux sociaux, le mouvement "Balai citoyen", qui avait été en pointe dans la contestation contre Blaise Compaoré, a appelé à un nouveau rassemblement jeudi matin pour "dire non au coup d'Etat en cours". Les principaux syndicats du pays, dont la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B), ont lancé un appel conjoint "à observer une grève générale sur toute l'étendue du territoire national".

5Comment réagit la communauté internationale ?

L'ONU, l'Union africaine et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ont, tout comme la France, ancienne puissance coloniale, fermement condamné mercredi cette prise d'otages.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a réclamé que le président et son Premier ministre soient "libérés sains et saufs et immédiatement".

Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, "scandalisé", a exigé leur "libération immédiate", ajoutant que "les Nations unies soutiennent fermement les autorités de transition et le président Kafando".

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