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Un regard sur le passé de l'Algérie à l'Institut du monde arabe de Tourcoing

Article rédigé par franceinfo Afrique
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Introduite par la colonisation, la photographie a toujours accompagné ce pays. "Cette exposition n’est cependant pas une histoire de l’Algérie par l’image. Elle vise à mettre en évidence certains des regards qui se sont appliqués ensemble ou successivement à ce pays", précise l'IMA qui présente une centaine de clichés jusqu'au 13 juillet 2019.

  "C’est par le biais de la conquête coloniale que la photographie arrive en Algérie, l’une et l’autre se développant au même moment. Elle restera un outil à l’usage des Européens jusqu’à l’indépendance du pays. (…) Les premiers photographes débarquent en Algérie dès les années 1830 alors que le daguerréotype vient tout juste d’être mis au point en France par Louis Daguerre. Des sociétés photographiques naissent : Etienne et Antonin Neurdein constituent des catalogues d’images avant même l’époque de la carte postale illustrée. (…) A l’impératif commercial s’ajoute une vision du monde empreinte de théories raciales, qui laisse libre cours aux fantasmes, à la légitimation de la 'mission civilisatrice' de la France et des conquêtes coloniales de Napoléon III", explique l'IMA-Tourcoing. (PHOTOTHEQUE DE L’IMA, PARIS / NEURDEIN FRERES, PHOTOTHEQUE DE L’IMA, PARIS)
Jules Gervais-Courtellemont est né près de Fontainebleau en 1863. Il passe son adolescence en Algérie. Il y développe une passion pour l’Orient qui va jusqu’à sa conversion à l’islam. "Il s’initie à la pratique photographique en Algérie à partir de 1880, s’installe comme imprimeur-photographe et fonde en 1890 L’Algérie artistique et pittoresque, pour témoigner d’une civilisation qu’il ressent sur le déclin. Il fait figure de pionnier dans l’usage de l’illustration photographique. Dès 1907, il est l’un des premiers à adopter le procédé de photographie en couleurs tout juste commercialisé par les frères Lumière (l’autochrome). Toute l’œuvre de Gervais-Courtellemont porte la réalité paradoxale d’un intérêt sincère pour son environnement qu’il ne peut toutefois s’empêcher de transmettre selon les clichés orientalistes de son époque." (PHOTOTHEQUE DE L’IMA, PARIS)
  "Tout juste nommée responsable du nouveau département Afrique blanche et Levant au musée ethnographique du Trocadéro, ancêtre du Musée de l’Homme, l'ethnologue Thérèse Rivière accompagnée de sa jeune collègue Germaine Tillion part en 1935 dans l’est algérien, sur le massif de l’Aurès où vivent alors 60 000 Berbères chaouia. (…) Elles s’immergent dans la population locale, comme en témoignent leurs clichés. Thérèse Rivière privilégie l’usage du Leica, favorisant des prises de vue plus rapides,  ouvertes aux hasards des mouvements dans le champ. Cette empathie s’affirme particulièrement en direction des femmes dans leur activité quotidienne. (…) Ses photos relatent les grands rendez- vous de l’année : pèlerinage, marché annuel, mariages, premiers labours, transhumance entre le désert et la montagne, mais traduisent aussi un vrai regard de photographe qui dans des raccourcis et des plongées surprenants saisit les moments de rencontre et de repos d’une vie très codifiée." (DROITS RESERVES, PARIS, MUSEE DU QUAI BRANLY - JACQUES CHIRAC, DIST. RMN-GRAND PALAIS - SERVICE PRESSE / IMA-TOURCOING)
  "Enfouies pendant quatre décennies dans des cartons, les photos de Pierre Bourdieu (1930-2002) prises pendant ses recherches ethnologiques et sociologiques en Algérie (1957 et 1961) au moment même de la guerre de Libération, témoignent d’un voyage initiatique et d’une conversion biographique profonde se trouvant à l’origine d’une trajectoire scientifique et intellectuelle extraordinaire. (…) Adversaire résolu du colonialisme français et de l’oppression militaire, Pierre Bourdieu faisait de ses recherches une œuvre radicalement politique et engagée : il voulait témoigner de tout ce qu’il observait, il voulait comprendre un monde social déboussolé et traversé de contradictions et d’anachronismes." (FONDATION BOURDIEU, ST. GALL. COURTESY CAMERA AUSTRIA, GRAZ.)
  "Appelé en Algérie de mars 1960 à février 1962, le jeune Marc Garanger, né en 1935, réalise à la demande des autorités françaises des portraits forcés de 2000 femmes dévoilées. Car l’armée française veut attribuer des cartes d’identité aux autochtones déplacés de force dans des 'villages de regroupement', ayant pour but de contrôler leurs mouvements et de couper les indépendantistes de leur base populaire. (…) Pour cadrer ses portraits, il s’inspire des photographies des Indiens d’Amérique d’Edward Sheriff Curtis." (MARC GARANGER, MUSEE NICEPHORE NIEPCE, VILLE DE CHALON-SUR-SAONE)
"Mohamed Kouaci (1922-1996) offre le seul regard algérien sur la période de l’indépendance. Il est considéré comme l’un des pionniers de la photographie algérienne. Né à Blida, il émigre en France en 1948 pour travailler en tant que tourneur sur métaux. Il se rapproche alors de l’Union générale des étudiants musulmans algériens et devient militant de l’indépendance. Il se passionne alors pour la photographie qu’il apprend seul en autodidacte et à travers de nombreux cours du soir, mais aussi à l’occasion de rencontres avec des photographes de l’époque. En 1958, il rejoint le FLN basé à Tunis et devient responsable du service photographique du ministère de l’Information du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), ayant sous sa responsabilité l’organe de presse du FLN, El Moudjahid. (…) Dès les premières heures de l’indépendance, Mohamed Kouaci regagne l’Algérie et poursuit son travail de portraitiste du peuple en documentant d’une façon saisissante les premières heures de cette liberté nouvelle. Il s’installe comme photographe indépendant à Alger dans les années 1970." (FONDS MOHAMED KOUACI)
  "Membre de la prestigieuse agence Magnum qu’il a rejointe dès 1953 à l’invitation d’Henri Cartier-Bresson et Robert Capa, le jeune Marc Riboud (1933-2016) parcourt le monde du Moyen à l’Extrême-Orient et réalise des reportages témoignant du nouvel ordre mondial né des suites de la Seconde guerre mondiale. En 1960, il se rend en Algérie pour la première fois et couvre la semaine des barricades érigées par les partisans de l’Algérie française et du Général Massu. Il y retourne ensuite régulièrement et va saisir, au cours de l’année 1962, les moments décisifs de l’accession du peuple algérien à l’indépendance. Il est alors l’un des rares photographes présents sur le terrain, parfois le seul à avoir capturé avec autant de vérité la puissance populaire de l’indépendance en 1962. Outre la qualité photographique de son travail, ses images constituent encore aujourd’hui une source documentaire unique." (MARC RIBOUD)
En 1993, Bruno Boudjelal (né en 1961) part sur les traces de ses origines paternelles en Algérie. Cette découverte sera le point de départ de 10 ans d’explorations très personnelles qui l’amènent, entre carnet de voyage et témoignage, à assumer la subjectivité de son point de vue. "En mai 1993, (…) c’était la première fois que je foulais la terre où était né mon père et dont je ne savais rien jusque-là. En effet, mon père est algérien et ma mère est française, mais mon origine algérienne m’a toujours été cachée et jusqu’il y a seize ans, je n’avais jamais rencontré ma famille paternelle. (…) Cette première prise de contact – malgré l’émotion des retrouvailles – se fit cependant dans des conditions difficiles liées à l’actualité de ce pays… C’est donc tout naturellement qu’à la quête d’identité s’est ajouté le regard documentaire posé sur l’Algérie que je découvrais alors et commençais à photographier." (BRUNO BOUDJELAL / AGENCE VU)

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