Le 50e anniversaire de l'indépendance algérienne: une fête au goût amer
Le coup d’envoi des festivités, qui doivent durer jusqu’au 5 juillet 2013, a été donné le 4 juillet dernier à Sidi Fredj, près d’Alger, avec une comédie musicale majestueuse, intitulée «Les héros du destin». Le lieu est très symbolique : c’est dans cette ville portuaire que les premières troupes françaises avaient débarqué en 1830 pour occuper le pays. Pour raconter la lutte contre l’occupation française, le spectacle a mobilisé près de 800 artistes, danseurs et chanteurs. Il a été retransmis en direct par la télévision.
Au lendemain du spectacle, le président Abdelaziz Bouteflika s’est rendu au monument des martyrs sur les hauteurs de la capitale. Il s’est recueilli à la mémoire de ceux qui se sont battus contre l’ancienne puissance coloniale. La guerre d’indépendance avait débuté avec l’insurrection dans les Aurès le 1er novembre 1954 pour s’achever le 18 mars 1962 avec la signature des accords d’Evian. Selon Alger, elle a fait 1,5 million de morts côté algérien. Les historiens français parlent plutôt de 250.000 à 400.000 morts.
La fête malgré tout
La fête était donc au rendez-vous. «Pour les Algériens, malgré un taux de chômage de plus de 20 % parmi les jeunes qui constituent les deux-tiers de la population, la joie rayonne ces jours-ci dans les rues illuminées et décorées de centaines de drapeaux et logos du cinquantenaire», rapporte l’Agence France Presse. «Depuis quelques jours, les jeunes crient et dansent au son des concerts organisés un peu partout dans le pays, jusque tard le soir, une habitude qu'ils avaient perdue avec la guerre civile», ajoute l’AFP.
Pour autant, la joie populaire a été «en partie gâchée par un désenchantement général sur la situation du pays», constate la journaliste du Monde Isabelle Mandraud. «Les difficultés économiques et sociales pour la population, la désillusion des jeunes, l’absence de perspective politique… tout cela pèse sur le moral des Algériens», poursuit-elle.
«Enfermement totalitaire»
Un désenchantement que traduit, avec une grande sévérité et une grande liberté de ton, la presse algérienne privée.
«Les festivités (…) sont diversement appréciées à travers le pays», constate le site algerie360.com. Mais «une chose est sûre : le pouvoir en profite pour se vautrer dans une autosatisfaction indécente, inscrit à son compte la moindre parcelle de progrès (…), feuillette l’Histoire à sa façon, pour n’en laisser paraître que les pages sans taches… Le peuple assiste au spectacle».
«Libérée, l’Algérie n’a même pas eu le temps de savourer sa victoire que des clans se sont déchaînés pour la prise du pouvoir et le choix de la voie socialiste a vite mené à une impasse qu’a alourdie le parti unique qui s’est vite substitué à l’État», commente de son côté le journal La Liberté. «Cet enfermement totalitaire a créé des réflexes qui font notre spécificité, et du peuple fier, une accoutumance à l’assistanat», ajoute-t-il.
« Réalité amère, voire sordide »
«En juillet 1962, tous les espoirs quant à une vie digne étaient permis, aujourd’hui c’est la réalité dans toute sa plénitude ; une réalité amère, voire sordide», estime Le Soir d’Algérie.
L’une des plus sévères critiques émane du Matin qui évoque «le grand silence sur les préparatifs des festivités». Pour le journal, le président Bouteflika «la honte du cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie car tout son règne (…) n’a fait que la salir, la jeter au caniveau».
Pour tenter de donner un écho international à cette célébration, les autorités ont lancé une opération marketing dans la presse internationale. Ils ont ainsi fait diffuser un publi-reportage de 16 pages par le quotidien français Le Monde, avec… une fausse interview du président Bouteflika. Une publication qui aurait coûté 160 millions de dinars (1,5 million d’euros) au contribuable algérien.
Algérie; 50 ans d'indépendance entre célébrations et amertume
Euronews, 20-4-2012
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