En Afrique, le Venezuela compte ses amis sur les doigts des mains
Les récents votes à l’ONU sur le Venezuela ont montré que le régime de Nicolas Maduro ne comptait que peu d’amis en Afrique. En l’occurrence l’Afrique du Sud et la Guinée équatoriale. Des liens qui reposent à la fois sur des motivations idéologiques et économiques.
Une résolution russe visant à dénoncer "les menaces de recourir à la force" contre Caracas n'a recueilli le 28 février 2018 que le soutien de la Russie, de la Chine et de deux pays africains : l’Afrique du Sud et la Guinée équatoriale.
Pretoria a aussi voté contre un projet américain qui appelait à des élections présidentielles "libres, justes et crédibles" et à des "livraisons d'aide humanitaire sans entraves" au Venezuela. "L'objectif (de ce texte), c'est (un) changement de régime", a dénoncé l'ambassadeur russe à l'ONU. A noter que trois Etats se sont abstenus lors du vote : l'Indonésie, la Guinée équatoriale et la Côte d'Ivoire. La position d’Abidjan n’a apparemment pas été rendue publique.
"Résolument aux côtés de Maduro"
Pretoria "se tient résolument aux côtés de Maduro" et "reste ainsi l’un des rares amis du leader vénézuélien en difficulté", constate le site d’information sud-africain dailymaverick. Et de citer la position du gouvernement de Pretoria : "L’Afrique du Sud n’a pas pu soutenir la résolution américaine dans la mesure où celle-ci reflétait une partialité et un préjugé allant à l’encontre de la Constitution et de la politique étrangère de l’Afrique du Sud, ainsi qu’à l'encontre de la lettre et de l’esprit de la charte des Nations Unies".
Pretoria se dit cependant inquiet au vu de la situation humanitaire au Venezuela. Mais estime que l’aide internationale devrait être distribuée par l’ONU et être ainsi dépolitisée.
"Inclusif" ou exclusif ?
"Nous pensons qu'une solution permanente ne peut être trouvée que par un dialogue politique interne et inclusif impliquant toutes les parties concernées dans ce pays", ont déclaré les autorités sud-africaines citées par l’agence chinoise Xinhua. Dans la même déclaration, elles disent s’appuyer sur leur "propre expérience", en clair celle de l’apartheid. Histoire de préciser la parenté idéologique liant les deux Etats.
Le mot "inclusif" semble avoir une certaine importance (au moins au niveau des déclarations) dans ces relations. A la suite d’une rencontre le 17 janvier 2019 à New York entre le ministre des Affaires étrangères de Nicolas Maduro, Jorge Arreaza, et l’ambassadeur sud-africain à l’ONU, Jerry Matthews Matjila, un communiqué officiel vénézuélien explique ainsi que la rencontre "était destinée à renforcer la coopération Sud-Sud, un mécanisme basé sur le développement de pays qui ont des problèmes communs, par les échanges commerciaux, les expériences et l’inclusion". Sans plus de précisions. Les deux souhaitent mettre en place de "nouveaux projets". Là encore sans plus de précisions.
Le Venezuela entend créer avec la première puissance économique d’Afrique "une zone économique libre, capable de s’opposer à l’hégémonie politique et commerciale de l’Occident", expliquait le site sud-africain IOL à l’occasion d’une visite de Jorge Arreaza à Pretoria en juillet 2018. Lequel a rappelé que "plus de 50% des Vénézuéliens ont une peau sombre et, d'une manière ou d'une autre, un lien avec l'Afrique".
Au-delà des mots et des considérations idéologiques, "il y une grande complémentarité entre les deux économies : l’Afrique du Sud a besoin de pétrole", tandis que le Venezuela s’intéresse à "l’or et aux diamants" de son partenaire, a précisé de son côté le vice-ministre vénézuélien pour l’Afrique.
Les hydrocarbures d'abord
L’énergie est aussi l’une des bases des relations entre le Venezuela et la Guinée équatoriale, tous deux producteurs de pétrole qui n’entretiennent des relations diplomatiques que depuis 1981. Malabo envisage ainsi de construire un complexe de raffinage, d’un montant de deux milliards de dollars, qui serait exploité par l’entreprise d’Etat vénézuélienne PDVSA.
Comme l’économie vénézuélienne, celle de la Guinée est largement dépendante du pétrole (86% de son PIB et 99% des exportations). Résultat, les deux pays connaissent une situation similaire en raison des prix bas des hydrocarbures : crise économique et "diminution significative des réserves de change". Dans ce contexte, ces deux membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole se sont concertés pour mettre en place les mesures décidées par l’Opep et tenter ainsi d’enrayer la chute des cours du brut.
Guinea Ecuatorial advierte del impacto de la crisis venezolana en el mercado de crudo.@GabrielObiang @EnergyYear @2019Ge @miningegronda @nahscoeqguinea @egmmh @EITI_EG#EGaronda2019 #equatorialguinea #Venezuela https://t.co/d815kLkUbt pic.twitter.com/gxD78bdPF4
— GUINEAMarket (@GuineaMarket) 1 mars 2019
(Traduction : la Guinée équatoriale met en garde contre l'impact de la crise vénézuélienne sur le marché du brut")
Dans le même temps, les autorités guinéennes sont très attentives à l'évolution de la situation, comme le montre le tweet ci-dessus. "Nous voulons évidemment un dialogue, nous ne voulons pas de violence (...), car cela nuirait au développement du pays (le Venezuela, NDLR) pendant de nombreuses années. Mais honnêtement, cela aura un impact sérieux sur l'avenir à long terme", a déclaré le ministre des Mines et des Hydrocarbures, Gabriel Mbaga Obiang Limia, cité par le site guineainfomarket.com, en réponse à la question de savoir si l'instabilité politique au Venezuela aura une influence sur le marché pétrolier.
Les relations ont aussi une coloration idéologique. Le site du "ministère du Pouvoir populaire (vénézuélien) pour les relations extérieures" rappelait ainsi, le 12 octobre 2018, qu’il "accompagnait la célébration du 50e anniversaire de l’indépendance de la Guinée équatoriale". Une indépendance qui "a fait partie du processus de décolonisation en Afrique", note cette source.
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