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Massacre de 16 civils afghans : le soldat américain encourt la peine de mort

Ce drame, qui s'est déroulé dimanche dans le sud du pays, complique un peu plus les efforts des Etats-Unis pour sortir du bourbier afghan.

Article rédigé par franceinfo
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Deux Afghans pleurent les civils tués le 11 mars 2012 par un soldat américain dans la province de Kandahar. (JANGIR / AFP)

Le sous-officier américain soupçonné d'avoir tué dimanche 11 mars 16 civils afghans encourt la peine de mort en cas de condamnation par la justice militaire américaine, a indiqué lundi le secrétaire à la Défense américain Leon Panetta. Plus tôt dans la journée, le Parlement afghan avait demandé à le voir jugé publiquement "devant le peuple afghan". Ce drame provoque une nouvelle crise dans les difficiles relations entre Washington et Kaboul.

Que s'est-il passé dimanche ?

Dimanche 11 mars, avant l'aube, un militaire du contingent américain de la force internationale de l'Otan (Isaf) quitte sa base de Kandahar, province connue pour être un bastion taliban, dans le sud de l'Afghanistan. Lourdement armé, il abat les occupants de trois maisons de villages alentours, dont neuf enfants et trois femmes, avant de brûler leurs corps, selon des sources afghanes et occidentales. Après avoir commis le massacre, le soldat américain serait rentré à sa base, où il serait actuellement détenu. L'Isaf n'a pour l'instant donné aucune indication quant aux motivations du militaire meurtrier. 

Y a-t-il des précédents ?

Ce bain de sang intervient quelques semaines après l'incinération de Coran par des soldats américains à la base américaine de Bagram, dans le nord du pays. Un acte jugé blasphématoire qui a déclenché une vague de violentes manifestations anti-américaines dans le pays. Au moins 30 personnes ont péri dans les émeutes et six militaires américains ont été abattus dans la semaine qui a suivi.

Autre affaire similaire : en novembre dernier, un soldat américain accusé d'avoir tué des civils afghans pour se distraire a été reconnu coupable de meurtres et condamné par la justice militaire américaine à la prison à perpétuité. 

En dix ans de conflit, le sentiment anti-américain n'a jamais été aussi fort dans la population afghane. Il est alimenté par les bavures de l'Otan dont les frappes aériennes tuent fréquemment des civils mais surtout par la multiplication des scandales touchant l'armée américaine. En janvier 2011, une vidéo amateur diffusée sur internet, montrait quatre marines en train d'uriner sur trois cadavres ensanglantés présentés comme ceux d'insurgés talibans afghans. 

Comment ont réagi les talibans ?

Dans un communiqué transmis par courrier électronique mardi 13 mars, Zabihoullah Moudjahid, leur porte-parole, se montre particulièrement menaçant : "L'émirat islamique avertit une nouvelle fois les animaux américains que les moudjahidine vont se venger et, avec l'aide d'Allah, vont tuer et décapiter vos soldats meurtriers sadiques." 

Dans un autre message posté la veille sur un de leurs sites internet, les talibans annoncent qu'ils "se vengeront" de "chacun des morts" tués par "les sauvages malades mentaux américains"

Mais au-delà des menaces, leur position semble plus mesurée. Chassés du pouvoir à la fin 2001 par une coalition internationale menée par les Etats-Unis, les rebelles islamistes continuent de combattre le gouvernement de Kaboul, Washington et ses alliés de l'Otan tout en négociant la paix, comme le relate Le Monde. Des pourparlers que ce nouvel incident pourrait cependant rendre plus délicats.

Que dit le gouvernement afghan ?

Déplorant un acte "brutal et inhumain", la chambre basse du Parlement afghan a "fermement demandé" lundi au gouvernement américain de faire en sorte que les coupables soient jugés et punis "lors d'un procès public devant le peuple afghan". "La population perd patience devant l'ignorance des forces étrangères", a-t-elle ajouté.

Le président afghan avait auparavant dénoncé "un assassinat et une action impardonnable" et demandé "des explications" à Washington. Hamid Karzaï s'est entretenu par téléphone avec plusieurs témoins, dont Rafihullah, un garçon de 15 ans blessé à la jambe. "[Le soldat] a tué mon oncle, son fils et sa fille, ma grand-mère et un de nos serviteurs."

Quelles peuvent être les conséquences pour les Etats-Unis ?

Déplorant un drame "tragique et consternant", Barack Obama s'est engagé à "faire rendre des comptes à toute personne ayant une responsabilité" dans ce bain de sang.

Ce nouveau drame risque aussi de compliquer encore les difficiles négociations en cours entre Washington et Kaboul. Les deux pays tentent de s'accorder sur les conditions d'un partenariat stratégique de long terme. Cet accord doit notamment définir les modalités de la présence américaine en Afghanistan après 2014, date à laquelle l'Otan prévoit d'avoir retiré toutes ses troupes de combat. En jeu notamment, l'éventuel établissement de bases permanentes. Un sujet sensible dans un pays historiquement allergique à toute présence militaire étrangère prolongée.

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