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"Si on ne réussit pas à partir cette semaine, il sera trop tard" : une Française raconte le chaos après la prise de Kaboul par les talibans

Victoria Fontan est vice-présidente des affaires académiques à l'université américaine d'Afghanistan. Elle a fui la capitale à l'arrivée des talibans et espère pouvoir quitter le pays rapidement.

Article rédigé par franceinfo
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Victoria Fontan, accompagnée de gardes népalais, pose avec les bagages qu'elle devra laisser sur place, le week-end du 15 août 2021. (VICTORIA FONTAN)

Au lendemain de la prise de Kaboul par les talibans, l'évacuation des Français vivant en Afghanistan s'organise dans l'urgence, lundi 16 août. De nombreux pays européens, dont la France, ont transféré des membres de leur personnel diplomatique à l'aéroport avant une évacuation. Paris a également déployé des renforts militaires aux Emirats arabes unis pour faciliter le départ de ses ressortissants.

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Selon la ministre des Armées, Florence Parly, "plusieurs dizaines" de Français restent à évacuer, ainsi que des "personnes qui sont sous [la] protection [de la France]". Victoria Fontan, vice-présidente des affaires académiques à l'université américaine d'Afghanistan, fait partie des citoyens français encore sur place. Franceinfo a recueilli son témoignage.

Franceinfo : Où vous trouvez-vous actuellement ?

Victoria Fontan : Je suis dans un camp de sécurité privé à dix kilomètres de l'aéroport de Kaboul, j'y suis arrivée vendredi soir. Je pensais pouvoir rester à l'université avec mes étudiants et ensuite quitter le pays par un vol commercial, mais ce n'était pas possible. J'ai demandé l'asile à l'ambassade de France pour nous tous, mais ils m'ont dit que je serai la seule à l'obtenir car j'étais la seule Française.

"La fermeture de l'ambassade de France était notre ligne rouge. Dès qu'on l'a apprise, on a pris la décision de partir de Kaboul en même pas une heure."

Victoria Fontan

à franceinfo

Je suis partie vers ce camp de sécurité avec des étudiants et des collègues, on ne voulait laisser personne sur place. Je suis actuellement avec un Philippin, un Anglais et quatre étudiants afghans. On a essayé de prendre tout ce qu'on pouvait, on a même pris nos chiens, mais on n'a pas réussi à trouver le chat, malheureusement. J'avais 100 kg de bagages sur moi, mais je vais finalement devoir tout laisser et ne garder qu'un petit sac.

Victoria Fontan, accompagnée de gardes de sécurité privés chargés de son transfert depuis Kaboul, le week-end du 15 août 2021. (VICTORIA FONTAN)

Hier, je devais prendre un vol commercial Emirates, mais l'avion a rebroussé chemin parce que les Américains ont fermé l'espace aérien. Ils l'ont bloqué pour faire passer des navettes spéciales pour leurs ressortissants.

Quelle est la situation dans le camp ?

Dans ce camp se trouve un contingent de 450 Géorgiens et des Népalais qui s'occupaient de la sécurité des ambassades. Je ne sais pas quand je vais pouvoir partir, comment ça va se passer... Je n'ai aucun moyen pour arriver à l'aéroport. J'avais un autre avion pour le Qatar cet après-midi à 14 heures mais je l'ai raté. J'essaye de négocier, avec mon interprète, avec le nouveau gouverneur taliban de Kaboul pour qu'il nous laisse au moins aller à l'aéroport.

"Demain, les gardes de la sécurité vont partir. On sera seuls et on ne sait pas comment ça va se passer. Les talibans sont aux portes du camp."

Victoria Fontan

à franceinfo

En attendant, on est en train de brûler tout ce qu'on peut. On a brûlé les serveurs de l'université, tous les documents qu'on a pu prendre avant de partir, comme les listes de professeurs, d'étudiants... On ne veut surtout pas laisser d'informations sur les personnes qui ont pu nous aider. On a déconnecté tous nos comptes sur les réseaux sociaux, notre plateforme de cours en ligne.

L'université a été pillée. Ce genre de situation extrême fait ressortir beaucoup de choses chez les gens : du ressentiment, du désespoir... Ils se disent peut-être qu'ils vont pouvoir revendre le matériel si plus rien n'arrive de l'étranger avec les talibans au pouvoir. Quoi qu'il arrive, notre mission à l'université va continuer, on va continuer à enseigner en ligne et à aider nos étudiants.

Comment voyez-vous les jours à venir ?

La situation me brise le cœur. Hier soir, je suis allée rejoindre mes étudiants à Kaboul pour la soirée. J'étais accompagnée d'un garde de sécurité géorgien qui me protégeait. On courait de bâtiment en bâtiment pour se cacher des talibans, c'étaient vraiment des scènes de guerre. Les étudiants ont très peur qu'on les abandonne, à chaque fois qu'ils voient quelqu'un partir avec des valises, ils demandent : "Est-ce qu'il y aura de la place pour tout le monde ? Est-ce que vous allez nous laisser ?" Et quand je vois la situation à l'aéroport, c'est une violence inimaginable. C'est absolument abject de laisser les habitants alors que les talibans sont là. 

Victoria Fontan avec des Géorgiens qui lui ont donné un sac à dos afin qu'elle puisse être transférée plus facilement, à Kaboul, le week-end du 15 août 2021. (VICTORIA FONTAN)

Tous ces Afghans qui cherchent à quitter leur pays, ce sont nos collègues, ceux qui ont travaillé pour nous, nous ont aidés... Ils nous ont ouvert leurs portes pendant vingt ans, ont cru en nos promesses, et on les laisse tomber.

"Si on ne réussit pas à partir cette semaine, la semaine prochaine, il sera trop tard. Les représailles contre le peuple afghan vont commencer et là, ça sera le Rwanda."

Victoria Fontan

à franceinfo

La minorité hazara [minorité chiite] a toujours été la cible des talibans et ils vont être les premiers à subir des persécutions. Pour moi, on est à l'aube d'un génocide. Autour de moi, les gens sont plutôt sereins. Les Géorgiens sont assez fatalistes, ils ont déjà vécu plusieurs guerres. Là, ils se disent que c'est peut-être la fin, sans jamais s'avouer vaincus.

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