A 70 km de Daech, la jeunesse dorée d'Erbil vit comme si de rien n'était
Musique techno, portrait d'Amy Winehouse à moitié nue sur les murs. Nous sommes en Irak, à 70 kilomètres à l'est de Mossoul, dans le quartier chrétien d'Erbil. La soirée est bien entamée au Bar 52, l'un des dix clubs de la ville. Il est situé au dernier étage d'un hôtel et juste en face d'un camp de réfugiés.
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Rokan a 25 ans. Elle est kurde, très maquillée et fait des aller-retours sur la piste de danse avec ses trois copines. Elles enchaînent les verres de vodka. "Tous les jeudis, je suis là et je m'amuse, raconte-t-elle. Je danse, je bois. Les djihadistes sont tout près. Peut-être qu'ils vont venir ici, peut-être qu'ils vont détruire ce pays. Ca m'inquiète mais je ne peux rien faire et je veux juste faire la fête et danser."
"Ce que je fais c'est simplement encourager tout ce qui est contre Daech" - Jay, patron de bar à Erbil
Le prix des consommations est inabordable. Dix euros minimum, le verre. Et pourtant, le bar fait le plein tous les week-ends. L'établissement a ouvert il y a six mois. Jay est le propriétaire. Il est assyrien, l'une des minorités persécutées par l'organisation Etat islamique. "On a environ 200 clients tous les jeudis soir et c'est bien, se réjouit-il. Les gens ici ont besoin de se changer les idées, d'oublier ce qu'il se passe dans le pays, dans la région. Parfois, ils sont vraiment déprimés de ce qu'il se passe autour d'eux et ils ont besoin d'un endroit pour s'échapper, pour danser, pour prendre un verre."
Le lendemain, nous avons rendez-vous avec un étudiant de 23 ans dans un bar à narguilé. Mivan vient d'apprendre qu'il a redoublé l'équivalent de sa troisième année de licence pour la 3ème fois. Et on comprend pourquoi lorsqu'il nous raconte ses journées. "Je sors de chez moi, je bois une boisson énergisante et je danse toute la nuit jusqu'à 3-4h du matin, explique-t-il très simplement. Puis je rentre chez moi et je dors. Et je répète ça tous les jours."
"On est tellement habitué à la guerre. Les Kurdes sont désormais anesthésiés par la guerre" - Mivan, jeune kurde de 23 ans
Mais Mivan le sait, il est un privilégié. "Je me considère comme quelqu'un de très chanceux. Il y a des gens ici qui vivent avec 400 euros par mois. Moi je dépense plus de 1.500 euros par mois minimum." Et pour faire la fête ? "1.000 euros pour faire la fête!" . Mivan est le fils d'un ancien ministre kurde et propose de nous montrer là où il vit. A Dream city, l'un des lotissements ultra sécurisé d'Erbil. Le loyer y est plus cher qu'à Paris et dans sa chambre, un AKA7 "si l'Etat islamique attaque" . Le jeune homme dit qu'il sait s'en servir : "Je suis très bon pour me servir d'une arme" .
D'ailleurs Mivan ne craint pas vraiment la guerre :"On est habitués à la guerre. Si ce n'était pas Daech, ce serait l'armée irakienne. Si ce n'était pas l'armée irakienne, ce serait l'armée turque. Si ce n'était pas l'armée turque, ce serait la Syrie ou l'Iran. On est tellement habitués que les Kurdes sont désormais anesthésiés par la guerre ". Alors à Erbil, Daech ou pas Daech, la vie continue.
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