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On vous explique pourquoi le risque qu'un tsunami ait lieu en Méditerranée d'ici à trente ans est "proche de 100%"

L'Unesco a tiré la sonnette d'alarme, mardi, sur ces vagues meurtrières qui pourraient notamment déferler sur les côtes méditerranéennes françaises, où la densité de population est forte, dans les prochaines années.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7 min
Dans une rue d'Antibes (Alpes-Maritimes) après le tsunami du 16 octobre 1979. (MAXPPP)

La probabilité est maximale. Le risque qu'un tsunami survienne en Méditerranée au cours des trente prochaines années "est proche de 100 %" a averti, mercredi 22 juin, l'Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Elle a assuré qu'elle comptait étendre son programme de protection face à la menace d’un tsunami à 100% des populations côtières, d’ici à la fin de la décennie. Quelles zones seraient touchées ? Y a-t-il eu beaucoup de tsunamis en Méditerranée par le passé ? Franceinfo revient sur cette menace mal connue.

Y a-t-il déjà eu des tsunamis en Méditerranée ?

Près des trois quarts des tsunamis ont lieu dans l'océan Pacifique. La Méditerranée est le théâtre d'environ 10% des tsunamis survenus dans le monde, expose auprès de franceinfo le sismologue Pascal Roudil, responsable du Centre d'alerte aux tsunamis (Cenalt), hébergé au Commissariat à l'énergie atomique (CEA).

Les exemples ne manquent pas. Le plus récent date du 30 octobre 2020. Un puissant séisme d'au moins 6,6 sur l'échelle de Richter au large de la Turquie a provoqué un tsunami sur les côtes de l'île grecque de Samos et à Izmir. L'un des exemples les plus anciens remonte au XVIe siècle avant Jésus-Christ. A la suite de l'éruption du volcan Santorin, un tsunami a touché la Crète, où vivait la civilisation minoenne. Le scénario s'est confirmé et précisé en octobre 2021 : après analyses de sédiments, le CNRS a affirmé que les côtes septentrionales de la Crête avaient été frappées par "une inondation de plus de 500 mètres à l'intérieur des terres".

Quelles sont les zones françaises menacées ?

"Toute la côte méditerranéenne française est concernée, tranche Pascal Roudil. Tout dépend de l'endroit où le séisme survient." Autrement dit, des Pyrénées-Orientales aux Alpes-Maritimes, sans oublier la Corse, la vigilance est la même. Il remarque toutefois que le fond marin vers Perpignan remonte en pente douce, ce qui pourrait amplifier les hauteurs de vagues. En revanche, au large de Nice et de Cannes, l'aplomb est à pic, ce qui a tendance à réduire la violence et la hauteur d'un éventuel tsunami.

En regardant dans le passé, des tsunamis ont déjà eu lieu sur les côtes méditerranéennes françaises. Le 23 février 1887, lors du séisme au large d'Imperia, en Italie, la France (et sa voisine) avaient été touchées par des vagues hautes de 1 à 2 mètres par endroit.

Le 16 octobre 1979, un tsunami avait causé la mort de 11 personnes et provoqué d'importants dégâts, notamment à Antibes (Alpes-Maritimes), comme le montrent ces images d'archives.

Pointer les zones déjà frappées s'avère important car "le principe général est que là où il y a eu un tsunami, il y aura un tsunami", a déclaré Bernardo Aliaga, spécialiste des tsunamis à l'Unesco. Sans oublier que plus le temps passe, plus cette probabilité augmente.

Quels seraient les dégâts entraînés par ces tsunamis ?

Il est impossible de prévoir avec exactitude la puissance du séisme qui provoquera un (grand) tsunami en Méditerranée. Une chose est certaine : il sera moins puissant que ceux qui ont lieu dans l'océan Pacifique car "les failles de subduction en Méditerranée sont moins grandes que celles du Pacifique", assure Pascal Roudil. "On estime que la magnitude maximum en Méditerranée occidentale, entre la Sicile et Gibraltar, serait atteinte au nord de l'Algérie (...). Elle serait de 7,5", relate-t-il. A titre de comparaison, le séisme à l'origine du dévastateur et meurtrier tsunami survenu en 2004 en Asie du Sud était de magnitude 9,3.

"Selon l'orientation de la faille, si elle est tournée horizontalement vers la France, c'est-à-dire avec un maximum d'énergie vers nos côtes, les simulations montrent que l'on aurait des vagues de 3 mètres de haut, grand maximum."

Pascal Roudil, responsable du Centre d'alerte aux tsunamis

à franceinfo

Une telle hauteur serait dévastatrice. "La probabilité d'une vague d'un mètre, donc catastrophique, dans les trente prochaines années y est très élevée [en Méditerranée]", a prévenu Vladimir Ryabinine, secrétaire exécutif de la Commission océanographique intergouvernementale de l'Unesco. "Un tsunami de 50 centimètres de haut peut faire énormément de dégâts. C'est un mur d’eau capable de soulever une voiture et de la déposer plusieurs dizaines de mètres plus loin", a mis en garde, dans les colonnes de Libération, Bernardo Aliaga, spécialiste des tsunamis à l'Unesco. 

Or les côtes méditerranéennes sont très peuplées. L'Unesco soulignait, dans une vidéo de 2013, que "la densité de population des zones littorales européennes est très importante et ne cesse d'augmenter" et que "les littoraux d'Europe et d'Afrique du Nord sont des zones d'activité intense avec de nombreux foyers industriels et quelques-uns des plus grands ports du monde". Elle relevait également que le pourtour méditerranéen est le "premier foyer touristique du monde". Un cocktail redoutable car "les effets d'un tsunami sont généralement plus importants dans les ports, sur les plages et dans les embouchures des fleuves".

Est-il possible de s'en protéger ?

"Avec un système d'alerte, on peut évacuer les bords de plages et il n'y aurait pas de victime, ou très peu", remarque Pascal Roudil. C'est la raison d'être du Cenalt, créé en 2012. Pour la France, les analyses ont montré que, pour une alerte maximale, la population était à l'abri d'un éventuel tsunami en se reculant à 200 mètres à l'intérieur des terres ou en se plaçant à 5 mètres au-dessus du niveau de la mer, détaille-t-il.

Le déroulement des événements est déjà prévu. En prenant le scénario d'un violent séisme au nord-est de l'Algérie, les différentes stations de sismologie détectent la secousse "en moins de trois minutes", explique Pascal Roudil. "Le séisme est alors caractérisé. On détermine s'il peut engendrer un tsunami en fonction de sa localisation et de sa magnitude, et un message d'alerte est alors généré à destination de la sécurité civile en moins de 15 minutes", poursuit-il.

Compte tenu de la distance des côtes algériennes et de la vitesse de propagation des vagues, les autorités françaises disposent d'environ une heure pour évacuer les zones menacées. "C'est raisonnable mais il ne faut pas perdre de temps", insiste-t-il.

En cas d'évacuation nécessaire, le temps presse, "c'est pourquoi il est important de faire des exercices et de sensibiliser la population, qu'elle soit informée des risques, qu'elle ne prenne pas cela à la légère", commente Pascal Roudil. La ville de Cannes fait figure de pionnière dans le domaine. Une borne numérique d'information y a été installée en février.

La ville mondialement connue pour son festival de cinéma assure également la formation de son personnel de mairie, du personnel de secours et de professionnels du front de mer. Une signalétique spéciale est en cours de déploiement, avec notamment de la céramique qui sera fixée dans le sol pour indiquer les chemins d'évacuation. 

La ville d'Antibes n'est pas en reste et organise déjà des exercices d'évacuation. Le dernier a eu lieu le 20 juin, comme l'a rapporté une adjointe déléguée à la sécurité civile. La signalisation spécifique a commencé à fleurir dans les rues.

De son côté, la préfecture du Var a publié sur son site, en novembre 2021, un dossier intitulé "Tsunami sur l’arc méditerranéen, se préparer", qui détaille les différents niveaux d'alerte et les comportements à adopter. Cette sensibilisation est l'une des clés pour éviter une catastrophe meurtrière. L'Unesco souhaite "s'assurer que 100% des populations côtières à risque soient prêtes à réagir" face à un tsunami. Vladimir Ryabinine affirme que "plus de 40 communautés dans 21pays sont déjà plus en sécurité après avoir mis en œuvre notre programme Tsunami Ready".

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