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Inondations : trois semaines après, les sinistrés ont besoin de soleil "pour sécher les murs et redonner le moral"

A Nemours et à Bagneux-sur-Loing, l'heure est encore au nettoyage chez les habitants et les commerçants touchés par la crue. Il faudra de longs mois avant que la situation ne revienne à la normale.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard - Envoyée spéciale en Seine-et-Marne,
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
Chantal Hautain constate les dégâts causés par les inondations dans sa maison de Nemours (Seine-et-Marne), le 20 juin 2016. (MARIE-VIOLETTE BERNARD / FRANCETV INFO)

"Vous avez vu ? Il pleut encore !

– Oui... Il ne faudrait pas que l'eau monte à nouveau !" 

En écoutant les clients du pressing de la rue de Paris, en plein centre-ville de Nemours (Seine-et-Marne), le traumatisme laissé par les inondations est évident. Il n'y a pourtant plus aucun risque, aujourd'hui, de voir le Loing sortir à nouveau de son lit.

Le 2 juin, la rivière a envahi les rues et les maisons en quelques heures. Près de 3 000 habitants, sur les 13 000 que compte la ville, ont dû être évacués. L'eau a charié de la boue, mais aussi des hydrocarbures, échappés de cuves qui se sont renversées. Pour la députée-maire de Nemours, Valérie Lacroute, les dégâts sur les bâtiments et la voirie devraient coûter "un ou deux millions d'euros". Auxquels il faut ajouter la facture de dépollution, évaluée entre "100 000 et 300 000 euros".

"Trois ans de travail emportés en quatre heures"

Meubles cassés, matelas moisis, planches de bois gondolées, papiers à l'encre effacée, machines à laver pleines de boue... Les séquelles de la crue, reconnue "catastrophe naturelle" par l'Etat, sont encore bien visibles dans les rues. Ici et là, des tas de déchets et de gravats sont entreposés sur les trottoirs.

Nous avons déjà ramassé 1 200 tonnes de détritus en deux semaines. Mais il en reste presque autant à récupérer : de nombreux habitants attendaient le passage des experts des assurances pour commencer à jeter les meubles.

Valérie Lacroute, députée-maire de Nemours

à francetv info

L'un des plus gros amoncèlement de la rue de Paris cache presque la devanture du restaurant japonais Magic Sushi. A l'intérieur, Fan Zheng, un peu désabusé, regarde deux ouvriers casser les murs pour évaluer l'ampleur des dégats. "J'ai ouvert ce restaurant avec ma femme, raconte le propriétaire, sous le choc. Ce sont trois années de travail qui ont été emportées par les eaux en tout juste quatre heures."

Les murs du restaurant Magic Sushi sont mis à nus pour évaluer l'ampleur des dégâts causés par les inondations à Nemours (Seine-et-Marne), le 20 juin 2016. (MARIE-VIOLETTE BERNARD / FRANCETV INFO)

Fan Zheng a bien tenté de sauver les meubles lorsque l'eau a commencé à éclabousser sa vitrine. Peine perdue. "Très vite, on a eu un mètre d'eau, se souvient-il en montrant une trace encore visible sur le mur. Les frigos, les fourneaux... Plus aucun appareil électroménager ne fonctionne."

Le restaurateur estime le coût des dégâts à au moins 250 000 euros. Mais il ignore encore "quel sera le montant des indemnisations". Contre-viste de l'assurance, asséchage, travaux d'assainissement, remise aux normes d'hygiène... Il faudra au moins trois mois au Magic Sushi pour rouvrir ses portes.

Bureau de fortune

A deux pas de là, les employés de l'assurance Axa sont débordés. "Nous avons un surplus d'activité d'environ 50%, explique Régis Boulay, le patron de l'agence. Nous avons une importante clientèle à Nemours, dont beaucoup de commerçants, donc nous avons dû trouver une solution pour continuer à travailler."

La "solution" est posée juste devant la vitrine d'Axa. Chaque jour, deux employées reçoivent les sinistrés dans un préfabriqué avec chauffage et ordinateurs. A l'étage de l'agence dévastée, d'autres salariés continuent de travailler malgré le bruit des déshumidificateurs au rez-de-chaussée. "L'agence devrait être opérationnelle pour la rentrée au plus tard", espère Régis Boulay, entre deux coups de fils passés dans la rue.

"Il faut refaire les murs, l'électricité, la plomberie..."

Pour les particuliers les plus sinistrés, le retour à la normale risque d'être bien plus long. Chantal et Rémy Hautain ont fait construire leur maison à 500 mètres du Loing, il y a vingt ans. Ces quinquagénaires pensaient avoir tout prévu. "La maison est construite sur un vide sanitaire, elle est au-dessus du niveau de la crue de 1910", explique Rémy Hautain, encore en plein nettoyage trois semaines après les inondations.

Cette précaution n'a pas suffi. Le 2 juin, Chantal Hautain a vu l'eau entrer dans sa maison, avant d'être évacuée en barque par des collègues de son mari. Les 65 centimètres d'eau brune qui ont inondé le pavillon ont fait des dégâts considérables. "Il faut refaire tous les murs, l'électricité, la plomberie..." se lamente-t-elle, la tête entre les mains.

Le seul meuble qui nous reste est notre lit en fer forgé.

Chantal Hautain, sinistrée

à francetv info

Dans le jardin, l'eau a atteint 1,65 m. Le potager est désormais un champ de boue. Des outils rouillés traînent entre deux flaques d'eau dans l'atelier de ferronerie dévasté de Rémy Hautain, installé derrière la maison. "On va devoir venir chaque soir après le travail, pour tout nettoyer", explique-t-il en observant le désastre.

A gauche, Rémy Hautain tente d'accéder à son atelier à Nemours (Seine-Maritime) pendant les inondations, le 2 juin 2016. A droite, le jardin après la décrue, le 20 juin 2016. (MATHILDE HAUTAIN / MARIE-VIOLETTE BERNARD / FRANCETV INFO)

Les murs de la maison doivent être mis à nu, pour évaluer les dégâts et accélérer le séchage. Le couple ignore encore combien l'assurance leur versera, mais espère débuter les travaux en juillet, "si les artisans ne sont pas débordés ou en vacances".

De toute façon, il ne faut pas rêver, on ne reviendra pas ici avant janvier prochain...

Chantal Hautain, sinistrée

à francetv info

L'assurance prend heureusement en charge la location d'un appartement le temps des travaux, ce qui a permis à cette assistante maternelle de recommencer à travailler.

Certains sinistrés refusent encore d'être relogés

Comme eux, de nombreux habitants de Nemours et des communes voisines ont été relogés. En charge du parc HLM de plusieurs des villes touchées, Val du Loing Habitat a été mis à contribution. "Nous avons relogé 15 foyers", explique Annie Leberche, la directrice générale de l'organisme. Sur les 2 500 logements du bailleur social, une cinquantaine a été touchée par les inondations.

"Dès le lundi qui a suivi les inondations, nous avons signé les premières conventions pour les appartements et obtenu des kits de meubles prêtés par le conseil général", détaille Elodie Chalopin, en charge du relogement. Les sinistrés ne paient pas de loyer : les frais sont avancés par les centres communaux d'action sociale (CCAS), qui doivent s'adresser au Fonds d'aide au relogement d'urgence pour être indemnisés.

Certains sinistrés ne veulent toutefois pas quitter leur logement. James et Lyliane Grubert habitent un pavillon HLM à Bagneaux-sur-Loing, près de Nemours, depuis 1975. Les deux chambres du rez-de-chaussée, le garage et la cave ont été inondés. "Il y a déjà de la moisissure sur les murs et nous avons peur de brancher quoi que ce soit vu que les prises ont pris l'eau", raconte le retraité, qui ignore quand l'office des logements sociaux sera en mesure de commencer les travaux.

Pas question pour autant de partir. "L'étage n'a pas été touché, poursuit James Grubert. C'est sûr que ça fait mal au cœur de voir les dégâts en bas, mais on peut continuer à vivre ici."

Certains ont tout perdu ou ont des enfants : ce sont eux qui doivent être relogés, pas nous. Et puis d'ici quelques temps, on aura de nouveaux meubles et on se sentira comme de jeunes mariés. 

Lyliane Grubert, sinistrée

à francetv info

D'autres habitants de Bagneaux-sur-Loing ont tout perdu pendant les inondations. Selon le maire de cette commune de 1 700 habitants, "82% de la population est sinistrée". Le parc HLM, situé dans la zone où le niveau de l'eau a frôlé les 2 mètres, est particulièrement touché. Alors la solidarité continue de s'organiser.

Tous les jours, la municipalité tient une permanence dans une ancienne église désacralisée. L'endroit ressemble à un marché aux puces. A droite, des tee-shirts et des vêtements pour adultes. A gauche, des produits d'hygiène et d'entretien stockés dans des cartons, non loin de jouets pour enfants. Des soutiens-gorge de toutes les couleurs trônent sur une table en bois, derrière laquelle des dizaines de paires de chaussures sont entreposées en rang d'oignons.

Les sinistrés peuvent venir récupérer des chaussures et d'autres dons dans une salle municipale de Bagneaux-sur-Loing (Seine-et-Marne). (MARIE-VIOLETTE BERNARD / FRANCETV INFO)

"Et il nous en arrive encore tous les jours", s'exclame Claude Jamet, le maire de Bagneaux-sur-Loing, en déchargeant des bouteilles d'eau d'un nouveau camion d'aide.

Nous avons arrêté les distributions de nourriture, mais nous voulons commencer à donner de l'électroménager et des meubles, pour aider ceux qui sont désormais relogés.

Claude Jamet, maire de Bagneaux-sur-Loing

à francetv info

"Comment cela a-t-il pu se produire ?"

La municipalité, qui estime avoir au moins un million d'euros de dégâts selon un bilan provisoire, a également dû bouleverser ses projets. Tous les chantiers prévus cette année sont repoussés à 2017. D'ici là, une question épineuse attend les maires de Nemours et de Bagneaux-sur-Loing. "Comment une telle catastrophe a-t-elle pu se produire ? Il faut comprendre !" martèle Valérie Lacroute.

La députée avance déjà plusieurs pistes. Les bassins situés en amont de Nemours étaient "pleins au moment de la crue" et n'ont pas pu absorber le trop plein d'eau. Valérie Lacroute dénonce également un "manque d'entretien" sur certains barrages et écluses.

Si nous sommes inondés une seconde fois, c'est fini, je déménage ! C'est impensable de revivre ça !

Chantal Hautain, sinistrée

à francetv info

Dans son pavillon de Nemours, Chantal Hautain, comme tous les autres sinistrés de Seine-et-Marne, veut pour l'instant se concentrer sur un espoir : que la pluie et la grisaille disparaissent durablement, pour laisser place à l'été. "Du soleil, pour sécher les murs et redonner le moral. C'est vraiment ça dont Nemours a besoin."

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