Multiplication des canicules et des épisodes de sécheresse, nuits "tropicales"… Ce qu'il faut retenir des projections de Météo France jusqu'à 2100
La hausse moyenne des températures pourrait dépasser les 4 °C en France d'ici à la fin du siècle, voire 6 °C dans certaines régions, si rien n'est fait pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.
L'alerte est signée Météo France. Si rien n'est fait rapidement pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, la France est menacée d'un réchauffement climatique de près de 4 °C en moyenne d'ici à la fin du siècle, selon des projections publiées lundi 1er février par l'institut français de météorologie. Ce chiffre dépasse nettement les objectifs de l'accord de Paris, qui prévoit de limiter le réchauffement "nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels", si possible sous 1,5 °C.
Multiplication des canicules, nuits "tropicales", épisodes de sécheresse en hausse, fin des vagues de froid… Voici ce qu'il faut retenir de ces simulations réalisées par Météo France, l'Institut Pierre Simon Laplace et le Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique, à partir de trois scénarios modélisés par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec).
Dans le pire scénario, une hausse qui pourrait dépasser les 4 °C
Au niveau national, le réchauffement est contenu à une hausse d'environ 1 °C jusqu'en 2040, dans les trois scénarios étudiés (qui varient selon la maîtrise ou non des gaz à effet de serre). Les trajectoires divergent ensuite fortement. Si la hausse est stabilisée autour de +1 °C dans un scénario d'émissions maîtrisées, l'augmentation atteint +2,2 °C en moyenne dans le scénario intermédiaire et s'envole à +3,9 °C en moyenne (et +4,5 °C au pire) dans le scénario de fortes émissions. Le réchauffement sera "plus marqué en montagne : Alpes et Pyrénées notamment", écrit Météo France. Il sera également plus sensible dans le sud-est de la France, mais en revanche moins fort dans le Nord-Ouest.
De plus en plus de vagues de chaleur
"Le nombre de vagues de chaleur estivales, annonce Météo France, augmente régulièrement au cours du siècle, en moyenne jusqu'à 10 à 20 jours supplémentaires près des côtes de l'Atlantique et de la Manche et de 20 à 35 jours, soit une augmentation d'un facteur 3 à plus de 10 [dans l'ensemble de la France]. Le quart sud-est de la France est la zone la plus exposée à l'augmentation de cet aléa."
Selon le pire des scénarios, le nombre de jours de vagues de chaleur (plus de cinq jours consécutifs à plus de 5 °C au-dessus de la moyenne) pourrait donc être multiplié par 10. Et même dans l'hypothèse d'émissions maîtrisées, ce nombre pourrait doubler.
Les records absolus enregistrés lors de la canicule de l'été 2019 seraient ainsi souvent dépassés, avec une augmentation des températures estivales moyennes de 6 °C. "Il a été montré que les vagues de chaleur de l'été 2019 qui ont provoqué des températures inédites de 46 °C dans le sud de la France et voisines de 43 °C sur la région parisienne étaient une conséquence directe du changement climatique", rappelle Virginie Schwarz, la PDG de Météo France, dans sa présentation du rapport.
Des "nuits tropicales" sauf en montagne et sur le littoral de la Manche
Cap sur les Alpes ou vers la mer du Nord ? Parmi les autres conséquences du réchauffement, l'augmentation du nombre de nuits qualifiées de "tropicales", c'est-à-dire le "nombre de nuits avec des températures minimales quotidiennes supérieures à 20 °C". "L'augmentation du nombre de jours de nuits tropicales sera déjà importante dès l'horizon proche sur le sud de la France (littoral méditerranéen, vallée du Rhône et Midi toulousain)", détaillent les experts dans le pire scénario.
"En milieu de siècle, les zones urbaines telles que Paris, Lyon et la vallée de la Garonne sont touchées. En fin de siècle, seules les zones de montagne et le littoral de la Manche restent quasi épargnés tandis que l'augmentation atteint 90 jours (trois mois) sur les zones les plus exposées", prévoient les chercheurs, toujours dans ce scénario extrême. Ils rappellent aussi que ces "nuits tropicales" mettent à mal la récupération du corps humain.
Des épisodes de sécheresse en nette hausse
De leur côté, les épisodes de sécheresse augmentent de 30 à 50% dans les scénarios moyen et haut. Selon l'un des scénarios, on va observer "un allongement des périodes de sécheresse météorologique estivales concernant principalement les régions méditerranéennes et la façade ouest à l'horizon 'fin de siècle' d'une intensité notable de 5 à 10 jours supplémentaires de manière générale". Météo France rappelle que dans le climat récent (1976-2005), "le nombre maximum de jours secs consécutifs en été est assez variable selon les régions, allant de 10 à 15 jours sur un grand tiers nord-est et les abords des Pyrénées jusqu'à 25 à 30 jours sur le pourtour méditerranéen".
Dans les décennies à venir, le sud de la France pourrait donc connaître des périodes de sécheresse de plus d'un mois, avec un fort "impact sur l'agriculture, le risque de feux de forêt et la biodiversité en général". Et ce, même si l'évolution du régime de précipitations est plus difficile à prévoir. Il est attendu en légère hausse en hiver, mais en nette baisse en été (plus de 20% dans le pire scénario).
La neige, un souvenir ?
A contrario, la neige et le gel pourraient passer au rang de souvenirs (sans parler des sports d'hiver). Les projections régionalisées montrent en effet une hausse de la température annuelle moyenne jusqu'à 6 °C sur certaines zones des Alpes et des Pyrénées. "En fin de siècle, on constate que la diminution des jours de vagues de froid se retrouve dans les trois scénarios", écrivent les chercheurs. Dans le pire scénario, "la survenue d'un événement de type vague de froid devient proche en moyenne de 1 jour par an, voire moins".
Idem pour les journées de gel, qui pourront "devenir des évènements rares". Dans le pire scénario, "le nombre de jours de gelée diminue sensiblement (...). En fin de siècle, la diminution atteint en moyenne une vingtaine de journées dans le Sud-Ouest et de l'ordre de 40 jours dans l'Est et 60 jours en montagne".
Pour rappel, sur la période 1976-2005, "les gelées étaient fréquentes sur la plupart du territoire, excepté le littoral méditerranéen et océanique, de l'ordre de 20 à 40 jours en plaine, jusqu'à 60 jours dans le Grand-Est, voire 100 jours en montagne". Il ne resterait donc plus que 40 jours de gel en altitude en 2100, avec l'accélération de la fonte des glaciers, dont bon nombre devraient disparaître à cet horizon.
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