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Changement climatique : Barack Obama souffle le chaud et le froid

Le président des Etats-Unis boucle, mercredi, un voyage en Alaska destiné à sensibiliser les Américains au réchauffement climatique. Mais ses dernières décisions politiques vont à l'encontre de son discours.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le président américain Barack Obama observe le Bear Glacier depuis un bateau, dans le parc national de Keina Fjords, en Alaska (Etats-Unis), le 1er septembre 2015. (MANDEL NGAN / AFP)

Le séjour de Barack Obama en Alaska est minutieusement chorégraphié. Au milieu des fjords de l'Arctique, le président des Etats-Unis s'extasie devant des glaciers "spectaculaires". "Nous voulons nous assurer que nos petits enfants pourront en profiter aussi !", proclame-t-il. Barack Obama boucle, mercredi 2 septembre, un voyage de trois jours dans la région, destiné à alerter la population américaine sur la nécessité de lutter contre le réchauffement climatique. Le choix de l'Alaska tombe à pic : le climat de cet Etat drogué au pétrole se réchauffe deux fois plus vite que sur le reste du globe.

"Nous n'agissons pas assez vite", a déclaré le président américain la veille, lors d'une conférence internationale sur l'Arctique. Il a également reconnu que le changement climatique représentait une "menace urgente et grandissante". Mais experts et activistes environnementaux dénoncent "l'hypocrisie climatique" de Barack Obama, et des actes en nette contradiction avec ses engagements.

Un permis de forage accordé à Shell…

Lundi, il a été accueilli par des centaines de manifestants, à Anchorage. Ils réclamaient l'annulation d'un permis accordé à Shell pour mener des forages pétroliers dans la mer des Tchouktches, au nord de l'Alaska. La compagnie pétrolière avait obtenu des concessions en 2009, sous l'administration Bush. Mais divers incidents avaient émaillé les premiers forages, en 2012, poussant Washington à retirer son autorisation à Shell. En 2015, la compagnie a obtenu un nouveau feu vert, progressif, jusqu'au 17 août, quand Barack Obama a donné son accord définitif.

Pour le New York Times (en anglais), "si l’Arctique est une toile de fond qui sied à l’appel du président à agir, c’est aussi un endroit où les éléments contradictoires de sa politique environnementale s’entrechoquent". Alors que les activistes écologistes dénoncent la contradiction entre les promesses de Barack Obama et la reprise des forages dans l'Arctique, jugés dangereux car peu accessibles en cas de marée noire, le gouvernement rétorque que l’approvisionnement interne en pétrole est plus sûr que les importations.

... deux semaines après un plan "Clean Power" timide

Car les Etats-Unis demeurent très dépendants des énergies fossiles et Barack Obama n'est pas prêt à demander aux Américains de se passer du pétrole. Dans une conversation privée, rapportée par le New York Times, le président estime qu'ils "ne veulent pas avoir l'impression de faire quelque chose de mal en allant chercher leurs enfants en 4x4 à l'école". Alors, il progresse à petits pas, au risque de paraître frileux.

Annoncé début août, son "Clean Power Plan", présenté comme "la plus grande initiative jamais prise pour lutter contre le changement climatique", n'a ni l'ambition ni les moyens de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. La loi exige que les Etats américains commencent à changer leur façon de produire de l’électricité à partir de 2022 (au lieu de 2020, dans le projet initial).

Comme l'explique le météorologue Eric Holthaus, sur Slate, "ceux-ci pourront librement choisir par quels moyens ils réduiront leurs émissions de gaz à effet de serre. Ils pourront même s’accorder avec d’autres Etats sur un 'droit à polluer'"  :un système où un Etat pollueur peut racheter des "parts" de pollution à un autre Etat qui pollue moins. Le site américain Vox estime que le plan "Clean Power" ne permettra de baisser les émissions que de 6% d’ici à 2030, alors que l'ambition de Washington est d'atteindre une baisse de 26 à 28% d'ici à 2025.

Un leader frappé d'"immobilisme"

Au-delà des risques écologiques liés à l'exploitation du pétrole de l'Arctique, les militants de la cause environnementale s'inquiètent du message envoyé aux Américains et au reste du monde. Alors que les feux de forêts ont atteint des niveaux records cet été en Alaska et que des milliers de morses se sont échoués sur une plage à cause de la fonte de la banquise, la lutte "radicale" prônée par la Maison Blanche "ressemble beaucoup à de l'immobilisme", résume Slate. Les Etats-Unis restent, en effet, le deuxième plus gros émetteur de gaz à effet de serre (16% du total mondial), après la Chine (26%). 

A trois mois de la COP21, la conférence internationale sur le climat, qui se tiendra à Paris à partir de la fin novembre, Barack Obama peine à s'imposer en leader de la lutte contre le réchauffement climatique. En manquant de joindre les actes à la parole, il risque également d'échouer à donner aux Etats-Unis un élan assez important pour perdurer après son départ du bureau ovale. 

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