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Canicule : incidents, violences, malaises... Les fortes chaleurs aggravent les conditions de vie en prison, racontent des surveillants

Des températures allant jusqu'à 50°C ont été relevées au centre pénitentiaire d'Aix-Luynes, fin juin. Au point de causer des malaises de détenus et d'intervenants extérieurs.
Article rédigé par Florence Morel
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Une cellule de la maison d'arrêt de Limoges (Haute-Vienne), le 18 avril 2022. (NATHALIE COL / FRANCE BLEU LIMOUSIN)

"Il fait très, très, chaud en prison en ce moment. Que ce soit pour nous les surveillants, ou les détenus", constate Antoine Henry, délégué régional du syndicat pénitentiaire des surveillants de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Au centre pénitentiaire d'Aix-Luynes (Bouches-du-Rhône), le maton, chaussé de ses rangers, d'un treillis, d'un polo épais et d'un gilet pare-lames, a les yeux rivés sur le thermomètre. "Nous sommes en grosse vigilance tous les jours", relève-t-il, inquiet des fortes températures annoncées pour les jours à venir : les Bouches-du-Rhône ont été placées en vigilance orange canicule par Météo-France à compter du mercredi 19 juillet.

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"Nous avons relevé des températures allant jusqu'à 50°C", assure Antoine Henry. Ces chaleurs extrêmes ont été atteintes fin juin dans le nouveau bâtiment du centre pénitentiaire, "vitré, avec des petits box", décrit-il. "La chaleur y entre vite et il est très difficile de la faire sortir." Son syndicat a alerté, dans une lettre ouverte publiée vendredi 7 juillet (PDF), sur des "incidents" liés "directement aux fortes chaleurs". Ainsi, "deux détenus ont été pris de vomissements" et "une avocate a été prise de malaise et contrainte de sortir d'urgence de son box". Depuis, des rafraîchisseurs d'air ont été commandés, selon le délégué syndical.

Des ventilateurs à acheter en cantine

Le surveillant craint pour sa sécurité et celle de ses collègues. "Jeudi 13 juillet, dans la matinée, un détenu a oublié sa carte de circulation, qui est obligatoire pour aller en promenade. Enervé, il s'en est pris à trois surveillants, causant un traumatisme crânien et deux côtes cassées. Deux d'entre eux sont en arrêt maladie", déplore Antoine Henry. 

"C'est un tout. Même si on sait qu'il y a beaucoup de règlements de comptes liés à l'extérieur, les détenus s'en prennent rarement aux surveillants dans notre établissement. Quand ils le font, les conditions climatiques et de vie y sont pour beaucoup."

Antoine Henry, délégué régional du syndicat pénitentiaire des surveillants de Provence-Alpes-Côte d'Azur

à franceinfo

Pour lutter contre des températures accablantes, les détenus bricolent. En posant des glaçons derrière des ventilateurs qu'ils peuvent cantiner, selon l'administration pénitentiaire, ils tentent de rafraîchir l'air des cellules. L'administration assure aussi qu'ils peuvent acheter "notamment des casquettes, des crèmes solaires haute protection et crèmes apaisantes après-soleil"Dans cet établissement récent, ils peuvent surtout prendre des douches dans leur cellule, ce qui n'est pas le cas partout.

Ainsi, à la maison d'arrêt de Limoges (Haute-Vienne), les détenus ont droit à trois douches par semaine. Même si, lors d'épisodes de fortes chaleurs, ce nombre peut être dépassé, précise l'administration pénitentiaire.

Des bâtiments parfois vétustes

La Contrôleure générale des lieux de privation de libertés (CGLPL), Dominique Simonnot, dénonce régulièrement les conditions de détention de cette maison d'arrêt. Dans un rapport daté de janvier 2022 (PDF), elle alertait sur l'état des locaux et plus particulièrement le quartier hommes, qui relève de "l'indignité". Elle y dénonçait l'exiguïté des lieux et la surpopulation : des cellules de sept mètres carrés pour trois détenus, répartis sur un lit superposé et un matelas au sol.

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Surveillant dans l'établissement limougeaud et représentant syndical Ufap-Unsa justice, Vincent Duroudier sait que la chaleur est une pénibilité de plus à gérer pour les détenus et les surveillants. Même si les températures ne sont pas aussi extrêmes que dans les Bouches-du-Rhône, au sein de la maison d'arrêt de Limoges, le thermomètre peut afficher plus de 30°C en journée et redescend difficilement sous les 26°C la nuit. En cause : un bâtiment vétuste, mis en service en 1853, "aux murs épais qui conservent la chaleur pendant plusieurs jours".

Des cellules étroites et surpeuplées 

Dans l'enceinte de la prison, les cours de promenade sont en outre très minérales et dépourvues de végétation. Pour ces espaces où la chaleur s'accumule et stagne, le plan canicule de l'administration pénitentiaire prévoit "l'arrosage des sols et murs", le "décalage des horaires de promenades et séances de sport vers les extrémités des plages horaires du matin et de l'après-midi" et "l'allongement de la durée des promenades si les cours de promenade permettent un rafraîchissement".

Mais dans les cellules, il est impossible de suivre les recommandations de base pour se protéger des grosses chaleurs, comme créer des courants d'air, prendre des douches régulières ou privilégier un lieu frais. "Les cellules sont équipées d'une petite fenêtre située à deux mètres de hauteur, avec des battants ouvrables mesurant 55 par 75 cm", décrit Vincent Duroudier. Impossible aussi de fermer les volets.

A Aix-Luynes, des détenus étendent des draps mouillés aux fenêtres, bouchant la vue des surveillants. Ceux-ci ferment parfois les yeux, glisse Antoine Henry. "Pour qu'on puisse demander à des détenus de respecter leurs devoirs, il faudrait déjà qu'on puisse les héberger dans des conditions dignes", lâche Vincent Duroudier.

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