Invité : Guillaume Néry, plongeur en apnée
Elles ont été vues plus de 18 millions de fois sur Internet. D'abord, où sommes-nous.
G. Néry : On est aux Bahamas, dans le trou le plus profond du monde. Il fait 200 mètres de profondeur. Je suis un peu lesté, je pars avec pas tout mon air dans les poumons, ce qui me permet de couler plus facilement. Rapidement, on arrive dans l'obscurité totale.
L. Delahousse : Il y a quoi de marquer sur votre carte d'identité.
G. Néry : Aventurier des temps modernes, j'ai envie de dire.
L. Delahousse : Quelques éléments de portrait.
Comme en apesanteur, à plus de 100m de profondeur. Avec Guillaume Néry, l'apnée devient un art. Descendre toujours plus bas sans respirer. Dix-sept ans de pratique et de sensations extrêmes.
On est concentré sur toutes les réactions du corps. La pression qui augmente et qui écrase les poumons, par exemple. Je suis centré uniquement là-dessus.
Ce matin-là à l'entraînement, dernière respiration avant la plongée. Caméra a la main, sa compagne enregistre la séance. Des images qui subliment la performance et contribuent à la notoriété de ce Niçois de 31 ans. Mais sa réussite, Guillaume Néry la doit avant tout au travail, aux exercices de musculation sur la terrasse de son immeuble, là aussi sans respirer.
Il n'y a pas beaucoup de bonnes sensations dans ce type d'entraînement, mais c'est un passage obligé.
L'an dernier, cette rigueur lui permet d'établir le record de France d'apnée en poids constant. Ce jour-là, en Grèce, Guillaume Néry descend à 125 mètres de profondeur. Un Graal pour tout apnéiste, une angoisse pour le commun des mortels. Dans son univers, Guillaume Néry continue de repousser ses limites. Plus qu'un sport, une philosophie de vie.
L. Delahousse : La première fois que vous découvrez l'apnée, vous avez 14 ans.
G. Néry : Oui, j'ai fait un pari dans un bus avec un copain. Ce jour-là, j'ai perdu, et j'ai donc voulu m'améliorer pour faire mieux. Là, j'ai découvert que le corps humain était capable de s'adapter a l'infini.
L. Delahousse : En face de chez vous, il y a la mer mais aussi le Centre mondial de l'apnée.
G. Néry : Oui, quand j'ai commencé, l'apnée était très peu développée et le seul centre était à Nice. Le destin était avec moi. C'est une quête de l'inconnu. On a envie d'aller voir ce qui se passe dans les fonds marins. Mais c'est aussi une quête de l'adaptation du corps humain.
L. Delahousse : Vous absorbez combien de litres d'air dans vos poumons.
G. Néry : Sur une inspiration maximale avant de plonger, c'est entre 8 et 10 litres. Si je bloque ma respiration sans bouger, je peux tenir entre 7 et 8 minutes. C'est l'apnée statique. Par contre, sur une plongée profonde, je suis en mouvement, donc je consomme de l'énergie.
L. Delahousse : Il y a encore des limites.
G. Néry : C'est ce qui est fascinant. Près de 20 après avoir commencé, je suis encore fasciné par ce sport. Chaque année, on a l'impression d'ouvrir une nouvelle porte, de repousser une nouvelle limite.
L. Delahousse : Cela se joue à combien de mètres, finalement.
G. Néry : Je pense qu'on est capable de s'adapter a l'infini. Au-delà de 30 mètres, les poumons sont écrasés par la pression. C'est l'air qu'on a dans les poumons qui nous fait flotter. Au-delà de 30 mètres, on n'a pas besoin de palmer a , on tombe. C'est la chute libre.
L. Delahousse : Comment ça se passe en bas.
G. Néry : Cela devient de plus en plus sombre, de plus en plus froid. On entre dans un milieu hostile, mais paradoxalement, c'est un endroit où on est bien.
L. Delahousse : C'est aussi un exploit physique et un voyage intérieur.
G. Néry : J'ai toujours considéré l'apnée comme une forme de méditation. On a le regard tourné vers l'intérieur, sur ses propres sensations. C'est une quête de la connaissance de son corps.
L. Delahousse : Le danger existe.
G. Néry : Oui, c'est pour cela qu'on ne plonge jamais seul. Il faut toujours aller vers des structures.
L. Delahousse : Cela existe, l'ivresse des profondeurs.
G. Néry : Oui, c'est la narcose, le sujet du dernier film qu'on a réalisé. On raconte en images toutes les visions et les hallucinations que je peux avoir pendant une plongée.
L. Delahousse : A un moment donné, l'azote se concentre dans le sang.
G. Néry : Oui et avec la pression, cela perturbe les connexions nerveuses. On voit l'image d'une scène de mariage par exemple. C'est basé sur une vision que j'ai pu avoir une fois, en remontant d'une plongée très profonde. Finalement, c'est comme si j'étais au cinéma, je regarde mon subconscient qui prend le contrôle.
L. Delahousse : Cela ne vous a jamais donné envie de rester en bas.
G. Néry : Surtout pas! C'est l'image du "Grand Bleu" mais c'est très romancé.
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