Témoignage "Ça m'a vraiment rapprochée de ma communauté" : sur Twitch, une influenceuse gagne sa vie en se filmant en train de vivre et de dormir

La tendance des créateurs de contenus qui se filment en train de dormir a été encouragée par les marathons réalisés afin de gagner des abonnés et de l'argent.
Article rédigé par Camille Laurent
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Sherine, Espagnole francophone de 25 ans, dort et vit sur Twitch. Pendant son "Subathon", ses abonnés créditent son compteur (en bas à droite) au fur et à mesure. (CAPTURE D'ECRAN / TWITCH SHERINEBERRY)

Samedi 24 février, voilà 53 jours que Sherine, créatrice de contenus de 25 ans, est en direct 24 heures sur 24 sur la plateforme Twitch. Fin décembre, l'Espagnole francophone aux 61 000 followers s'est lancée dans un "Subathon", l'équivalent d'un marathon en direct vidéo sur Twitch, qui peut durer de quelques heures à plusieurs semaines.

Depuis fin décembre, Sherine vit ainsi jour et nuit devant sa caméra, presque sans interruption. Et elle ne s'attendait pas à ce que ça dure aussi longtemps. Car c'est le principe du "Subathon" : la durée est au départ définie par le propriétaire de la chaîne, mais elle peut s'étendre à mesure que les utilisateurs s'abonnent, chaque abonnement ajoutant trois minutes au chronomètre et rapportant de l'argent au vidéaste. Sherine était partie pour rester en direct pendant cinq heures, cela fait bientôt deux mois qu'elle passe ses journées, et ses nuits, devant sa caméra.

"C'est un peu étrange de dormir devant la caméra", concède Sherine. Pour être le plus à l'aise possible, la vidéaste se met dans certaines conditions avant de s'endormir : "Je laisse quelques lumières tamisées pour qu'on puisse me distinguer, je fais aussi attention au pyjama que je porte". La streameuse ajoute également un filtre flou sur sa caméra afin de préserver une once d'intimité, met un peu de musique et coupe le son de son micro, "je ne voudrais pas me mettre à ronfler en plein direct !" plaisante-t-elle. Mais pour Sherine qui a "besoin de beaucoup de silence pour dormir", la musique, le bruit de l'ordinateur et les lumières qui restent allumées la réveillent facilement. Pour autant, la jeune femme assure n'être "pas très gênée devant la caméra", même avant d'aller dormir.

"I'm only sleeping"

Les vidéos de streameurs en train de dormir devant leur caméra sont rassemblées dans la catégorie "I'm only sleeping" dans le langage très anglicisé de Twitch, "je suis seulement en train de dormir" en français. La catégorie s'est développée ces dernières années de concert avec les "Subathons", ces directs longue durée. D'après les statistiques du site Twitchtracker, en février 2024, près de 7 000 spectateurs ont visionné des chaînes de la catégorie "I'm only sleeping".

Les nuits ensommeillées de Sherine attirent en moyenne entre 50 et 70 spectateurs, contre 300 en simultané en journée. "C'est particulier, avance Sherine, car la nuit quand je dors il n'y a pas d'interactivité entre eux et moi." Mais ses spectateurs échangent entre eux sur le tchat, "des gens qui font des insomnies par exemple", dit la créatrice de contenus. Pour elle, "c'est bien de partager le stream de nuit", car elle se sent "plus proche de [sa] communauté".

"En temps normal, quand on crée du contenu sur Twitch, c'est travaillé, là c'est beaucoup plus intime."

Sherine, créatrice de contenus sur la plateforme Twitch

à franceinfo

D'ordinaire, la vidéaste n'est en direct qu'entre 16h et 20h, pendant son "Subathon", elle est en ligne 24 heures sur 24, ce qui la fait découvrir sous un nouveau jour les habitudes de ses spectateurs. "Les couche-tard et les lève-tôt, les spectateurs qui ne disent rien ou les bavards, décrit Sherine. "On s'appelle par nos prénoms, enfin par nos pseudos", s'enthousiasme-t-elle. "Ça m'a vraiment rapprochée de ma communauté", souligne la jeune femme.

Et Sherine ne fait pas que partager son sommeil devant ses spectateurs, mais toute sa vie en direct. "Je les emmène avec moi quand je vais à la salle de sport, décrit-elle, quand je fais les courses, quand je suis avec ma mère et même quand je fais le ménage". "Il faut juste assumer de se balader avec un trépied et son téléphone partout où on va", indique la jeune femme. Après trois ans de présence sur Twitch, elle parvient à se dégager "un salaire très correct, bien que variable, l'équivalent d'un Smic". Sherine a encore au moins 100 heures, soit plus de quatre jours, à honorer auprès de ses abonnés, d'après son compteur. La jeune femme s'apprête à passer de nouvelles nuits devant sa caméra, car son "Subathon" n'est pas encore terminé.

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