Expérience de Facebook sur les émotions : la polémique en cinq actes
Sheryl Sandberg, directrice des opérations du réseau social, a admis mercredi une erreur de "communication" à propos d'une étude réalisée début 2012 sur près de 700 000 utilisateurs.
Facebook a-t-il fait de ses utilisateurs des rats de laboratoire ? Le réseau social est vivement critiqué par de nombreux internautes après la publication, à la mi-juin 2014, d'une étude menée à leur insu sur près de 700 000 inscrits sélectionnés au hasard.
Sheryl Sandberg, directrice des opérations du site, a finalement effectué un timide mea culpa mercredi, reconnaissant que le réseau social a "vraiment mal communiqué" sur le sujet. Retour sur la polémique en cinq actes.
Acte 1 : Une étude réalisée en catimini
Du 11 au 18 janvier 2012, Facebook et ses scientifiques des universités Cornell et de Californie (Etats-Unis) ont mené une expérience sur la transmission des émotions, qualifiée de "massive", sur 689 003 utilisateurs anglophones choisis au hasard et sans les prévenir.
Pour les besoins de leur étude, ils ont modifié les fils d'actualité. Pour certains utilisateurs, ils ont réduit l'apparition de statuts négatifs. Les autres cobayes ont vu, eux, apparaître moins de statuts positifs.
Les résultats ont finalement été publiés le 17 juin 2014 dans la revue de l'Académie nationale des sciences aux Etats-Unis (Pnas). Conclusion, l'empathie fonctionne sur Facebook : si vos amis partagent des statuts déprimants, il y a des chances que votre prochain statut ne soit guère plus réjouissant.
Acte 2 : Les médias s'emparent du sujet
D'abord passée inaperçue, l'étude est finalement repérée samedi 28 juin par plusieurs grands médias américains, dont le site Slate (en anglais). Le fait que des cobayes soient exposés à des éléments agissant sur leur état émotionnel, sans être prévenus, dérange certains internautes, qui expriment "leur trouble profond" ou qualifient la méthode utilisée "d'alarmante" ou de "démoniaque".
Susan Tuske, professeure de psychologie à l'université de Princeton (Etats-Unis), a contribué à la rédaction de l'article et reconnaît "avoir été préoccupée". "Les gens sont supposés, en toute circonstance, être mis au courant du fait qu'ils vont participer à une recherche, puis donner leur accord et avoir la possibilité de ne pas le donner sans risquer de sanction", précise-t-elle.
Mais cette règle ne concerne que les recherches bénéficiant de financements publics, explique Slate.fr, alors que Facebook est une société privée. Et le réseau précise dans sa politique d'utilisation des données que les informations des utilisateurs peuvent servir à des "tests" et à la "recherche".
Acte 3 : Un des chercheurs s'explique
Pour répondre aux critiques, Adam Kramer a choisi... son compte Facebook. Co-auteur de l'étude, il s'en explique dans un message publié dimanche sur le réseau social. "Le but de toutes nos recherches, chez Facebook, est d'apprendre comment proposer un meilleur service, écrit-il. Notre but n'a jamais été de contrarier qui que ce soit."
Adam Kramer affirme comprendre les "inquiétudes" suscitées par l'expérience et il s'en excuse : "Mes co-auteurs et moi-mêmes sommes vraiment désolés de la façon dont notre article a décrit la recherche et de l'anxiété qu'il a pu provoquer."
Acte 4 : Une enquête ouverte au Royaume-Uni
L'autorité britannique de protection des données annonce mercredi 2 juillet l'ouverture d'une enquête pour déterminer si le réseau social a violé la loi en manipulant en secret les émotions des utilisateurs.
"Nous allons évoquer la question avec Facebook et nous coordonner avec nos homologues irlandais pour en savoir plus sur les circonstances" de cette étude, a indiqué un porte-parole de l'Information Commissioner's Office (ICO) à l'AFP. L'organisme peut infliger des amendes allant jusqu'à 500 000 livres, soit plus de 600 000 euros.
Acte 5 : Facebook s'excuse timidement
Face à la colère des internautes, la directrice des opérations du réseau social, Sheryl Sandberg, effectue un timide mea culpa. Facebook a "vraiment mal communiqué" à propos de cette étude, a-t-elle confié à des journalistes, en marge d'une présentation de son livre.
"Nous prenons très au sérieux la question de la vie privée au sein de Facebook", a-t-elle ajouté, se refusant à tout autre commentaire. Suffisant pour calmer les esprits des internautes ?
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