Crise du logement : "Il faut ouvrir la possibilité aux maires d'interdire la location en courte durée" dans les communes, propose l'ONG Oxfam

Cécile Duflot, directrice générale d'Oxfam et ancienne ministre du logement explique qu'il y a aujourd'hui "une partie de la population des jeunes salariés qui ne peut plus se loger parce que les logements ne leur sont plus accessibles du tout."
Article rédigé par franceinfo
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Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam, lors d'une conférence de presse à l'Académie du climat le 14 juin 2023 à Paris. (- / AFP)

"Il faut ouvrir la possibilité aux maires d'interdire la location en courte durée des logements" dans leur commune, a proposé lundi 4 décembre sur franceinfo Cécile Duflot directrice générale d’Oxfam. Dans son rapport "Logement : inégalités à tous les étages", l'ONG Oxfam dresse un tableau pessimiste de l'offre de logements. Les Français les moins aisés ont de plus en plus de mal à se loger. Oxfam propose de supprimer la réduction d'impôt pour les propriétaires de meublés touristiques, la fameuse niche "Airbnb". En trois ans, le nombre d'Airbnb à Dieppe a été multiplié entre trois et quatre : "Il y a une partie de la population des jeunes salariés qui ne peut plus se loger", déplore-t-elle. Par ailleurs, plus globalement le patrimoine immobilier est confisqué par une "très faible part de la population" qui "détient une grande partie du patrimoine". Selon elle, "la moitié des logements locatifs, c'est-à-dire ceux auxquels n'importe qui peut accéder en location, est détenu par 3,5 % de la population". Cécile Duflot a rappelé qu'"aucun humain ne peut vivre sans un toit sur la tête. Un abri, c'est un besoin fondamental".

franceinfo. Se loger quand on a de faibles revenus, cela devient quasiment impossible ?

Cécile Duflot. Sur les inégalités de patrimoines, on est sur une trajectoire qui augmente énormément les inégalités. Aujourd'hui, une très faible part de la population détient une grande partie du patrimoine. Mais si on regarde par exemple les logements locatifs, c'est encore plus important. Ça aboutit à une situation simple, c'est que les plus précaires ont de plus en plus de mal à se loger. Une grande partie de la classe moyenne paye beaucoup plus en proportion de ses revenus pour se loger qu'il y a vingt ans.

Les jeunes payent donc de plus en plus cher pour se loger ?

Ce qui est certain, c'est que les plus jeunes, à la fois les étudiants, mais aussi les jeunes salariés qui cherchent à se loger ou à acquérir leur logement, sont dans une situation de tension bien plus grande. Les étudiants consacrent en moyenne de 40 à 60 % de leur revenu pour se loger. 
 
Il y a vingt ans, pour s'acheter un appartement de 40 m2 dans la capitale, il fallait 3 500 euros brut par mois. Aujourd'hui, il faut en moyenne 8 125 € par mois en s'endettant plus longtemps. Qui peut se payer de tels logements à Paris ?

En général pour acheter, notamment dans la capitale, mais à plein d'endroits également, il faut pouvoir bénéficier d'un apport important qui est constitué en général par le patrimoine familial. Ceux qui pourront acheter seront ceux qui en fait vont hériter. La moitié des logements locatifs, c'est-à-dire ceux auxquels n'importe qui peut accéder en location, est détenu par 3,5 % de la population. C'est pour ça qu'on propose de taxer ce qu'on appelle les super patrimoines au-delà de 13 millions d'euros. Donc on est très, très large. On voit bien qu'est en train de s'opérer une forme de concentration de ce qu'on appelle la rente du logement. Alors que le logement touche tout le monde. Aucun humain ne peut vivre sans un toit sur la tête. Un abri, c'est un besoin fondamental.

Des députés vont s'attaquer aux avantages des plateformes Airbnb : plus de contrôles, moins d'avantages fiscaux... Ça va dans le bon sens ?

Ça va dans le bon sens. Effectivement, il y a un avantage fiscal à louer son logement sur Airbnb en location de courte durée. C'est absurde par rapport au besoin en logements. Ce sont des logements pour vivre tout simplement. Ça a été très compliqué. Les dispositions qui ont pourtant été parfois votées par les parlementaires n'ont pas été reprises puisque le budget a été adopté par le 49.3. Il y a un très fort lobbying, notamment de la part d'Airbnb, pour résister. Surtout, on veut que les élus, c’est une de nos propositions, puissent avoir la possibilité, pas seulement de donner leur avis pour un changement d'usage, mais de dire dans ma commune, ce n'est plus possible. À Dieppe, le maire et le député m'ont alerté sur le fait qu'en trois ans, le nombre d'Airbnb sur une commune comme la leur a été multiplié par entre trois et quatre. Il y a une partie de la population des jeunes salariés qui ne peut plus se loger parce que les logements ne leur sont plus accessibles du tout. Ce n'est même plus une question de prix. Ils sont uniquement loués en location de courte durée. Il faut ouvrir la possibilité aux maires d'interdire la location en courte durée des logements sur une partie de leur commune, en tout cas de laisser des logements à louer pour des gens qui ont besoin d'habiter. 

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