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"On va servir à quoi ?" : les professeurs des lycées professionnels inquiets à la veille de la rentrée

Les professeurs en lycées professionnels font leur rentrée dans un contexte incertain. Emmanuel Macron a promis une réforme, mais les enseignants craignent un démantèlement de leurs formations. Reportage dans un lycée professionnel des Yvelines.

Article rédigé par franceinfo - Thomas Giraudeau
Radio France
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Temps de lecture : 2 min
Sylvie Hopkins, professeur de lettres-histoires en Bac Pro et élue au Sgen-CFDT au lycée Viollet-le-Duc à Villiers-Saint-Frédéric (Yvelines), le 31 août 2022.  (THOMAS GIRAUDEAU / RADIO FRANCE)

Dans le gymnase du lycée professionnel Viollet-le-Duc de Villiers-Saint-Frédéric, dans les Yvelines, la proviseure salue toutes ses équipes d'encadrants et d'enseignants lors de la réunion de pré-rentrée. Chacun son tour, les 150 enseignants réunis ont droit aux applaudissements nourris de leurs collègues qui résonnent dans la grande salle. 

Des applaudissements sous forme d'encouragements pour cette rentrée qui se déroule dans le flou pour l'avenir des bacs professionnels. Le président Emmanuel Macron a déclaré la semaine dernière qu'il faudrait "fermer des filières qui ne fonctionnent pas", celles qui n'insèrent pas assez bien leurs élèves sur le marché du travail. 

Inquiétude sur les stages en entreprise

Le lycée Viollet-le-Duc est spécialisé dans les métiers du bâtiment, un secteur qui recrute. "On a de la chance ici, je peux dire à mes élèves : vous aurez du travail", lance Sylvie Hopkins, professeure de français-histoire et élue au Sgen-CFDT. Ce qui l'inquiète, ce sont plutôt les stages en entreprises. Le gouvernement veut que les jeunes en bac professionnel en fassent beaucoup plus qu'actuellement, jusqu'à sept à huit semaines dans l'année.

Les 150 professeurs du lycée Viollet-le-Duc de Villiers-Saint-Frédéric (Yvelines), réunis dans le gymnase de l'établissement pour la réunion de pré-rentrée, le 31 août 2022. 
 (THOMAS GIRAUDEAU / RADIO FRANCE)

Mais pour quoi faire ? "J'ai des petits doutes parce que nous, on a des élèves qui nous disent qu'ils ont déblayé le chantier, nettoyé, passé les outils. Mais ce n'est pas ça leur formation !", raconte avec dépit Sylvie Hopkins. "Ce qu'ils voient en atelier, c'est comment souder, comment intervenir. Mes menuisiers travaillent sur des machines numériques", poursuit-elle.

Il n'y a donc pas d'intérêt à faire des stages d'observation à ce niveau. Et quand, à l'inverse, les lycéens ont l'occasion de s'investir, de bien travailler, les patrons veulent parfois les embaucher avant même qu'ils ne terminent leur formation. 

"Si on écoute le président, c'est le patronat qui va prendre des décisions, faire son petit marché"

Valérie, professeure de biotechnologie

à franceinfo

Valérie, professeure de biotechnologie, craint de son côté la disparition à terme des lycées professionnels. "On ne nous considère déjà pas beaucoup, mais alors là, on va encore moins nous considérer. On va servir à quoi ?", se demande-t-elle. "Les élèves sont jeunes, ils ont besoin de temps pour grandir et que le lycée leur permette de faire cela tranquillement", avance l'enseignante. 

Une meilleure employabilité des élèves

Face à ces inquiétudes nombreuses, la proviseure du lycée Viollet-le-Duc, Isabelle Allary-Jean tente de rassurer ses équipes face à la réforme annoncée par le président. "L'idée de se rapprocher de l'entreprise, au sens de se rendre de compte de ce que sont les exigences d'un métier salarié, c'est crucial pour faire en sorte que nos élèves soient employables", insiste la proviseure. 

Isabelle Alary-Jean, proviseure du lycée Viollet-le-Duc à Villiers-Saint-Frédéric (Yvelines), lors de la pré-rentrée, le 31 août 2022. (THOMAS GIRAUDEAU / RADIO FRANCE)

Selon elle, ces stages doivent permettre d'agir sur "l'attitude à avoir" plus que sur "les compétences techniques", rappelant que ces lycéens "sont des ados". Des adolescents qui seront payés par l'Etat pendant leurs stages. C'est en tout cas une promesse faite par la ministre de l'Enseignement professionnel. Le montant reste encore à préciser.

Une pré-rentrée sous le signe de l'inquiétude dans les lycées professionnels - Le reportage de Thomas Giraudeau

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