Cet article date de plus de douze ans.

Qui sont les nouveaux prêtres ?

La saison des ordinations se termine. En 2012, l’Eglise catholique aura, en France, 150 nouveaux prêtres. Qui sont-ils ?

Article rédigé par Floriane Louison
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Cent cinquante nouveaux prêtres ont été ordonnés fin juin et début juillet 2012 en France. (GODONG / ROBERT HARDING WORLD IMAGERY)

La saison des ordinations se termine : la France aura 150 nouveaux prêtres en 2012, selon la Conférence des évêques de France. Ça peut paraître peu, mais c'est plutôt dans la fourchette haute de ces dernières années. Qui sont ces hommes qui choisissent de consacrer leur vie à l'Eglise ?

• Un choix mûri pendant parfois toute une vie

En ce début d'été, Jean-Paul Rolland s'attelle au dossier d'inscription universitaire de sa fille. Devant la case "profession du père", il ne sait pas quoi cocher. A 52 ans, veuf et père de quatre enfants, il vient d'être ordonné prêtre. Un profil atypique mais qui correspond à une certaine évolution dans le recrutement. Charles Bonnet, qui vient de fêter ses 50 ans d'ordination, souligne : "Je suis entré au petit séminaire à 11 ans. Aujourd'hui, ça n'arrive plus. Le choix de devenir prêtre vient plus tard."

Ces prêtres qui ont testé la vie étudiante, professionnelle et parfois amoureuse sont de moins en moins rares. Marginal, peu valorisé, "le choix d'être prêtre est plus dur dans la société actuelle", estime Théophane Hun, 25 ans, en formation à Lille (Nord). Il y a plus d'hésitations, plus de questionnements à prendre un engagement si fort, à vie." Charles Bonnet avance une autre explication : "Les milieux ruraux, populaires ne fournissent quasiment plus aucun prêtre. Au séminaire, c'est le 2e arrondissement, pas la banlieue parisienne : des personnes socialement privilégiées qui ont d'abord été poussées à faire des études."

Dans sa première vie, Jean-Paul Rolland, lui, s'est marié, a travaillé, eu des enfants… "J'avais la vocation du mariage et de la famille, explique-t-il. Dans ma jeunesse, je n'ai pas pensé une seule seconde à devenir prêtre. L'heure n'était pas venue… C'est comme avec l'amour : il y en a qui ont le coup de foudre, et pour d'autres, c'est davantage dans la longueur. Moi, il m'a fallu du temps." Il ne parle pas d'une vocation révélée sur le tard, surtout pas d'un déclic venu à la cinquantaine, mais d'"un long mûrissement". Un appel présent depuis toujours mais de plus en plus "brûlant". "Surtout après le décès de ma femme en 2006, la question a commencé à se poser très fortement."

Jean-Paul Rolland a été ordonné à Saint-Flour (Cantal), le 17 juin, jour de la fête des pères, devant ses quatre enfants. Père et prêtre, il pense que c'est possible. "Il s'agit d'un équilibre." Par exemple, choisir de rester dans la maison familiale plutôt que s'installer au presbytère. Demande atypique, mais dans son diocèse, en attente d'un nouveau prêtre depuis douze ans, on n'a pas fait de chichi. "Demain, il y aura peut-être une interrogation, une rediscussion sur l'ordination d'hommes mariés, pense-t-il. Etre mari, père, prêtre : c'est envisageable. Il faut changer l'image du prêtre, garçon célibataire, disponible 24h sur 24. Moi je n'aurai pas cette disponibilité-là mais je pense que mes différents rôles sont conciliables."

• Des hommes avec une vocation solide

Dans un autre département, Hippolyte Simon, l’archevêque de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), se désole : le séminariste qu’il devait ordonner cette année a abandonné en cours de route. Le parcours d’un futur prêtre s’étale généralement sur une petite dizaine d’années, comprenant les études proprement dites et les stages. Le temps de se poser mille questions.

Jusqu'à la fin, les séminaristes peuvent quitter la formation, s'orienter vers une vie religieuse, vers une vie professionnelle ou de couple… "On peut toujours dire stop : en ce qui me concerne, je suis en suspension mais mon dossier, avec dix matières validées, reste dans un tiroir", explique un ancien séminariste. Certains s'arrêtent pour revenir vingt ans après, s'amuse-t-il.

Environ un séminariste sur deux abandonne en chemin. "Ceux qui vont jusqu'au bout ont une vocation très solide, précise Théophane Hun. Surtout, ils s'épanouissent dans leur choix, y trouvent beaucoup de joie même si cette vie peut paraître aride à bien des égards."

• Plus attachés aux signes traditionnels que leurs aînés

Particularité récente : ce sont les congrégations les plus conservatrices qui ont le plus de nouveaux arrivants. Celle des Frères de Saint-Jean ou encore la communauté Saint-Martin ont ordonné, chacune, une dizaine de prêtres en 2012. 

"Les jeunes prêtres sont de plus en plus identitaires, explique Charles Bonnet. C'est une réaction à un monde où le christianisme perd du terrain, une société de plus en plus indifférente à la foi. Ils ont besoin de multiplier leurs signes." Il évoque par exemple les nouvelles façons de s'habiller. "Nous, on pensait qu'il fallait se fondre dans la masse. Les jeunes séminaristes pensent qu'il faut porter le col romain et la soutane !"

Selon lui, cette tendance dérange les catholiques plus âgés "qui ont connu autre chose, qui ont lutté pour se fondre dans la masse : ils se sentent remis en cause et pensent que l'on retourne en arrière. Alors que pour les jeunes, c'est une progression, la seule réponse possible au monde d'aujourd'hui."

• Des prêtres étrangers appelés en renfort

Reste que 150 ordinations, ce n'est pas suffisant. Alors pour soutenir le clergé vieillissant, les évêques français font appel aux prêtres étrangers. Selon le quotidien La Croix, ils représentent un peu plus de 10% des prêtres français, la majorité venue d'Afrique, mais aussi de Pologne et d'Asie. Des pays évangélisés par les missionnaires européens. 

Charles Bonnet, qui a travaillé treize ans au Bénin, explique : "Les pays d'Afrique, très religieux, ont de la peine à absorber tous ces nouveaux prêtres ordonnés chaque année. Dans les années 1960, les prêtres africains se comptaient presque sur les doigts de la main. Alors l'Afrique rend à l'Europe les prêtres qu'elle lui a prêtés."

Selon un étude de La Croix menée en 2004, il y a actuellement 14 000 prêtres en France, dont l’âge médian s’élève à 75 ans. Malgré ces nouvelles vocations, l’effectif devrait fondre au moins d’un tiers, voire de la moitié à l’horizon 2030.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.