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Que reste-t-il du régime Dukan ?

Le régime hyperprotéiné (et hyper-polémique) rencontre toujours autant de succès. Même après la radiation de l'ordre des médecins du nutritionniste.

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Le nutritionniste Pierre Dukan a été radié de l’Ordre des Médecins, lundi 27 janvier. ((ROGERS PAUL/THE TIMES/ SIPA))

Sa méthode a fait fondre des stars, des duchesses, des présidents et madame Tout-le-Monde. Pierre Dukan, monsieur "vous reprendrez bien cinq tranches de jambon de dinde", ne répond plus au titre de docteur. Le nutritionniste a été radié par l’Ordre des Médecins, confirme lundi 27 janvier l’Agence de Presse Médicale (APM). En 11 ans, son régime hyper protéiné, d'abord dévoilé dans son ouvrage Je ne sais pas maigrir (2003), s'est imposé parmi les méthodes les plus populaires en France, avant de s'attaquer aux graisses asiatiques et sud-américaines.

Pas assez bon pour la santé ? Trop bon pour le business ? Décrié sur le fond comme sur la forme, le régime continue tantôt de séduire, tantôt de scandaliser. A l'occasion de cette radiation attendue, francetv info s'est demandé ce qu'il restait, en 2014, du régime Dukan. 

Pour les adeptes : un engagement à vie

Nous sommes le 26 décembre 2013. Sur Doctissimo, Jolekath angoisse : "Je me regarde dans une glace et rien ne va plus. Mes vêtements me serrent, mon corps est boudiné, comprimé, mon visage rond comme jamais, et tous les lundis, je me dis, aujourd'hui je recommence Dukan !"  Derrière ce pseudo, l'intéressée se présente comme une femme de 45 ans, 81 kg pour 1 m 70 avec "entre 16 et 17 kg à perdre" pour, dit-elle, "retrouver [ses] 63 kg". Après les fêtes, elle reprendra "dudu". Quitte à passer sa vie à suivre un régime, autant lui donner un petit nom.

Chez les fans de la méthode, les témoignages se font écho. Après une perte de poids conséquente, la stabilisation demande un effort permanent. Elle demande 1/ de rester raisonnable, 2/ de faire un peu d'exercice et surtout 3/ de ne pas manger après minuit maintenir une journée de "phase protéinée" par semaine. Sans quoi, le yoyo guette, même après 5 ans de fidélité à "dudu".

Il y a trois ans, Laure, 35 ans, a perdu 10 kg en trois mois. Et sans douleur, assure la journaliste, alors jeune maman : "On m'avait dit que j'allais souffrir, me sentir crevée, etc. Mais j'étais dans une forme olympique. Je n'avais jamais faim puisque je pouvais manger en grande quantité les aliments du régime", explique-t-elle. "Progressivement, j'ai pu réintroduire des choses, comme les pâtes ou le pain complet. A terme, le régime m'a appris à mieux manger, à cuisiner plus de légumes, etc. Pendant deux ans, j'ai tenu en aménageant une journée protéinée par-ci, par là, sans regrossir". Mais en vacances, elle s'accorde quelques écarts et reprend deux kilos. Puis des soucis personnels prennent le relais : retour à la case départ. En septembre, Laure a repris le régime Dukan, convaincue de son efficacité, mais pas dupe : "Il n'y a pas de miracle. Après un régime, il faut faire attention, Dukan ou pas ! Celui-ci me convient, alors je ne vais pas le diaboliser alors que je me suis laissée aller à manger à l'arrache le midi ou à m'enfiler un paquet de sucreries dans mon canapé."

Pour les nutritionnistes : une éternelle polémique

En 2011, une étude des sites Santé-médecine et Journal des femmes, conduite auprès de 5 000 personnes ayant suivi la fameuse méthode, révèle qu’environ 80% ont repris leur poids initial quatre ans après le régime et que la plupart n’ont pas réussi à le mener jusqu’au bout. Au même moment, un autre sondage réalisé par Ipsos sur des adeptes inscrits sur le site du nutritionniste affiche les résultats inverses.

Dès 2010, un rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) met l'accent sur les défauts de ce régime : il est accusé de causer carences et déséquilibres, voire d'entrainer des risques physio-pathologiques (pour les reins, notamment). Trop de calcium, trop de sel, trop de protéines, trop de fer, etc. Les conclusions du docteur Irène Margaritis, chef de l’unité d’évaluation de risques liés à la nutrition de l’Anses, sont d'autant plus partagées par la communauté scientifique que la méthode Dukan rencontre son public. "Ce régime déclenche des cancers", prévient même le Dr Philippe David, nutritionniste à la clinique Lémanic à Lausanne, interrogé par Le Matin.ch en 2012. Presque deux ans plus tard, une nouvelle étude réalisée par des scientifiques de l’Université de Grenade, en Espagne, met en garde contre "la diète hyperprotéique". Cette dernière "augmente les possibilités de souffrir de calculs, entre autres maladies rénales".

En dépit des critiques, Pierre Dukan persiste et signe. Invité de RTL lundi, il brandit son bilan, lui, l'homme "qui a changé quelque chose en France". "Les années où mon régime était au sommet, il y a eu un coup d'arrêt dans la progression du surpoids", assure-t-il, citant l'étude ObEpi-Roche portant sur la période 2009-2012. Or, "la prévalence de l’obésité était de 14,5% en 2009, elle est de 15 % en 2012, précise le rapport, nuancé. Cette différence n’est pas statistiquement significative, elle correspond à une augmentation relative de 3,4% du nombre de personnes obèses au cours des trois  dernières années. Elle est significativement inférieure aux années précédentes". "Ces années-là, 65% des personnes qui suivaient un régime suivaient le mien", se félicite Pierre Dukan.

Pour Pierre Dukan : un business très en forme

La radiation de l'Ordre des médecins sanctionne "une faute professionnelle très grave, pas technique : une insuffisance à la déontologie, un défaut d’information ou tous les comportements déviants comme viols ou abus", écrit le quotidien du médecin. "Le médecin ne peut plus exercer en France, la radiation étant communiquée à tous les conseils départementaux." La décision, réclamée dès 2012 par Pierre Dukan lui-même, sera sans conséquence sur ses affaires : son entreprise revendique entre 35 et 38 millions d'euros de chiffre d'affaires. L'empire repose sur 90 employés, répartis à travers l'Europe, 10 autres aux Etats-Unis et enfin, 10 au Brésil. Le groupe, qui assure avoir écoulé 11 millions de livres, est également présent en Chine. 

En ligne, les prétendants à la minceur peuvent s'approvisionner en produits estampillés Dukan : plats préparés, compléments alimentaires, ingrédients ou accessoires pour mener à bien le combat contre la graisse. Le "coaching" fait évidemment partie des offres, même si, comme le nutritionniste le rappelle à RTL, "on n'est pas obligé d'acheter mes produits". "Pourquoi toujours me renvoyer cette histoire de fric dans les jambes ?", interroge alors Pierre Dukan. Laure confirme : "J'ai acheté le bouquin et c'est tout. L'absence de contrainte, c'est justement ce qui m'a plu : je ne me voyais pas gagner des points ou peser mes aliments comme dans les régimes Weight Watchers."

Enfin, le groupe a organisé deux croisières thématiques. "Délestez-vous de quelques kilos et profitez de l'air marin", nous dit Dukan à bord du paquebot MSCPreziosa. (Toute ressemblance avec un nom de pizza est fortuite.)

Pour tout le monde : les shirataki de konjac

Cultivé en Indonésie ou au Japon, le konjac pousse naturellement dans des zones montagneuses d'Asie. Le régime Dukan a contribué à importer cette plante dans les rayons des supermarchés français. Consommé sous forme de vermicelles, elle prend le doux nom de shirataki et se cuisine grosso modo comme des spaghettis, dans des soupes ou sautés au wok.

Fort de son effet coupe-faim, de sa faible teneur en calories (3 calories pour 100 g) et de sa richesse en fibres, le konjac absorbe les sucres et les graisses et contribue à faire baisser le taux de cholestérol et la glycémie, expliquait-on en mai. 

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