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Quatre façons de passer à côté de la Légion d'honneur

L'auteur de BD Jacques Tardi a refusé la décoration. Mais d'autres se sont vu dans l'interdiction de l'obtenir. 

Article rédigé par franceinfo
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Les médailles de l'ordre de la Légion d'honneur, photographiées le 15 mai 2012 à l'Elysée, à l'occasion de l'investiture de François Hollande à la présidence de la République.  (AFP)

Il s'agit de la plus haute distinction de l'Etat français : chaque année, environ 3 200 personnes sont décorées de la Légion d'honneur, selon les chiffres de la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur. Or, pour certain, le titre n'a rien de flatteur.  Ainsi, l'auteur de BD Jacques Tardi a refusé mercredi 2 janvier "avec la plus grande fermeté" de se voir attribuer cette prestigieuse distinction. Il avait été nommé pour figurer dans la traditionnelle promotion civile du 1er janvier, laquelle comptait cette année 681 personnes.

La plupart du temps acceptée avec fierté, la Légion d'honneur, peut en effet se décliner, mais aussi se perdre ou s'inventer. Francetv info revient sur les aléas d'un titre. 

1La refuser 

Avant Jacques Tardi, de nombreux artistes avaient déjà décliné les honneurs de l'EtatAlbert Camus, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Louis Aragon, Georges Brassens (qui en fit une chanson), Catherine Deneuve ou encore Claude Monet... Les motifs divergent d'une personnalité à l'autre. 

Pour "rester libre". C'est l'argument avancé par Jacques Tardi. Ce grand nom du 9e art a indiqué à l'AFP refuser d'"être pris en otage par quelque pouvoir que ce soit". "Etant farouchement attaché à ma liberté de pensée et de création, je ne veux rien recevoir, ni du pouvoir actuel, ni d'aucun autre pouvoir politique quel qu'il soit, a poursuivi le papa d'Adèle Blanc-Sec. "Je n'ai cessé de brocarder les institutions. Le jour où l'on reconnaîtra les prisonniers de guerre, les fusillés pour l'exemple, ce sera peut-être autre chose", ajoute l'artiste.

Pour protester. En août 2012, la chercheuse Annie Thébaud-Mony avait elle aussi refusé cette décoration. Pour cette spécialiste des cancers professionnels, ce refus visait à dénoncer l'"indifférence" qui touche la santé au travail et l'impunité des "crimes industriels", avait-elle écrit à la ministre du Logement, Cécile Duflot, qui lui avait décerné la distinction. 

D'autres refus s'inscrivent davantage dans la logique de l'opposition politique. Une anesthésiste de Pau (Pyrénées-Atlantiques), Anne-Marie Gouvet, a refusé la Légion d’honneur en août 2010, avait rapporté Rue 89  "pour protester contre la vague répressive et les expulsions de Roms". Un mois plus tôt, le philosophe Jacques Bouveresse, professeur au Collège de France, avait motivé son refus dans une lettre ouverte à Valérie Pécresse, alors ministre de l'Enseignement supérieur : "Il ne peut être question en aucun cas pour moi d’accepter la distinction qui m’est proposée, écrivait-il (...) certainement encore moins d’un gouvernement comme celui auquel vous appartenez, dont tout me sépare radicalement (...)."

Pour motif professionnel. Promues en 2009, Françoise Fressoz, alors chef du service politique du journal Le Monde, et Marie-Eve Malouines, chef du service politique de France Info, ont elles aussi refusé la Légion d'honneur, indiquait alors le blog "Derrière les plus de l'actualité", pour Le Nouvel Obs.com. "Rien, dans mon parcours professionnel, ne justifie pareille distinction. Je pense en outre que, pour exercer librement sa fonction, un journaliste politique doit rester à l'écart des honneurs", avait fait savoir Françoise Fressoz, alors que d'autres journalistes l'ont par ailleurs déjà acceptée. 

2Avoir des ennuis avec la justice

Au 1er janvier, 87 médaillés français aux Jeux de Londres ont été promus à l'ordre national de la Légion d'honneur, ou du mérite, mardi. Le perchiste Renaud Lavillenie et "l'expert" du hand Nikola Karabatic ont été purement et simplement rayés de la liste. 

"En 2007 j'ai eu un accident de moto sur Bordeaux, où j'étais responsable, c'est la seule chose qui pourrait être à l'origine de cette non-nomination", a expliqué Renaud Lavillenie à l'AFP mardi après-midi, reconnaissant avoir "eu une condamnation avec sursis sur le volet numéro 1 de son casier judiciaire". Car "nul ne peut être décoré s'il a une condamnation à son casier judiciaire où s'il se trouve cité dans une procédure en cours", a indiqué la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur. 

Ainsi, Nikola Karabatic, le handballeur de Montpellier, a été écarté  en raison de sa mise en examen dans l'affaire des paris suspects autour d'une rencontre de son club de Montpellier, en mai 2012. 

Légion d'honneur refusée aux champions Lavillenie et Karabatic (Francetv info / Christophe Duchiron et Alain Locascio / France 2)

Par ailleurs, une personne titulaire de la Légion d'honneur peut se la faire retirer à la suite d'une condamnation postérieure à sa décoration. C'est le cas du couturier britannique John Galliano. Par un décret publié en août, François Hollande lui a ôté la prestigieuse distinction en raison des propos antisémites qu'il avait prononcés en février 2011 dans un café parisien. Galliano avait été condamné à verser 6 000 euros d'amende pour ses propos, qui lui avaient coûté son poste de directeur artistique de la maison Dior.

3La réclamer 

Vous êtes convaincus de mériter les honneurs de la République ? Inutile d'écrire au président. Contrairement aux idées reçues, la Légion d'honneur ne se réclame pas mais vous est attribuée. Quand son nom apparaît dans le Journal officiel, il faut se faire décorer pour "prendre rang". Ce sont les ministres qui adressent les dossiers à la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur. Les dossiers sont ensuite instruits par le Conseil de l'ordre de la Légion d'honneur et ses décisions soumises au président de la République.

4Se l'inventer 

Encore une fausse bonne idée. Il est formellement interdit de se vanter, à tort, d'avoir été décoré, arborant un pin's de pacotille sur le veston. C'est même puni par la loi. "En son article 433-14, le Code pénal punit notamment d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait, par toute personne, publiquement et sans droit, de porter (...) une décoration réglementée par l'autorité publique", c'est-à-dire créée et décernée par la République française ou en son nom, indique, entre autres, le site de la Grande Chancellerie.

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