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Prothèses mammaires : comment éviter les fraudes ?

L'affaire des implants PIP a mis au jour les lacunes du circuit de vérification des dispositifs médicaux fabriqués en France. FTVi relève quelques-uns des moyens à mettre en œuvre pour éviter un nouveau scandale.

Article rédigé par Nora Bouazzouni
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un médecin montre des implants mammaires en silicone. (JUAN CARLOS ULATE / REUTERS)

Le scandale des prothèses PIP a donné lieu à des centaines de plaintes, qui visent son fabricant, mais aussi l'Agence sanitaire française et les organismes de certification qui attestent de la qualité des implants mammaires. Le circuit de vérification comporte en effet de nombreuses lacunes, mais il n'est pas seul responsable. Comment, à l'avenir, empêcher les fraudes ?

• Ne pas se fier à la bonne foi des fabricants

Contrairement aux médicaments, les "dispositifs médicaux" ou DM (prothèses mammaires, articulaires, pacemakers, amalgames dentaires, lentilles de contact...) n'ont pas besoin de tests cliniques ni d'autorisation pour être mis sur le marché.

Le fabricant est le seul responsable de ce qu'il commercialise, après une certification CE du dossier, et non du produit, par l'un des 70 organismes de contrôle habilités par des agences gouvernementales européennes, puis notifiés par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Parmi ces organismes, la société allemande TÜV Rheinland, qui certifiait la qualité des prothèses PIP.

Le Figaro révèle ainsi le 5 janvier qu'en France, 20 % des DM n'auraient pas subi de tests cliniques. En effet, si ces organismes visitent au moins une fois par an les usines de fabrication des DM, les directives européennes ne leur imposent pas de contrôler les produits. Mais comme la documentation relative au DM doit être prête pour vérification, ils doivent prévenir le fabricant de leur venue. Ce qui laisse tout le temps à un éventuel fraudeur de dissimuler ses méfaits.

Ainsi, TÜV dit avoir été trompé lors de ses visites, car PIP lui montrait un gel conforme puis le remplaçait par le produit frelaté sitôt le contrôle terminé. Un ex-employé raconte à France Info que ses supérieurs lui demandaient de remettre en circulation "les prothèses jugées pourtant défectueuses par le contrôle qualité".

De leur côté, les fournisseurs de PIP disent ignorer ce que l'entreprise faisait de leur silicone industriel. "Nous n'avions aucun contact avec la société PIP", affirme Bluestar Silicones, comme le rapporte le magazine Lyonmag. "Dans une relation contractuelle de base, le fournisseur est censé savoir ce pour quoi son produit est utilisé", mais peut plaider la bonne foi si l'acheteur lui a menti, souligne Lina Williatte, avocate spécialisée en droit médical.

• Organiser la communication entre pays

L'Afssaps "intervient, a posteriori, pour surveiller le marché", en évaluant notamment les incidents qui lui sont signalés par les professionnels de santé comme les chirurgiens, qui ont l'obligation légale de le faire.

Or, cette agence, qui a retiré les prothèses défectueuses du marché au printemps 2010, avait déjà été alertée fin 2007 par plusieurs chirurgiens en France. Pire : PIP a fait, dès 2003, l'objet de plaintes émanant de patientes américaines, entre autres pour "marchandise défectueuse". Et dès 2000, la FDA, l'autorité sanitaire des Etats-Unis, qui a fait inspecter l'usine PIP, avait averti l'entreprise de leur caractère défectueux.

L'Afssaps n'aurait pas été mise au courant, mais comment pouvait-elle ignorer qu'une inspection sanitaire américaine avait eu lieu sur le territoire français ? Pourquoi les autorités outre-Atlantique n'ont-elles pas averti l'Afssaps des plaintes contre les implants PIP ?

Pour Laurent Gaudon, avocat d'une vingtaine de plaignantes, "comme dans l'affaire du Mediator, [l'Afssaps] s'est montrée très peu attentive à ce qui se passe au niveau international". Les Etats-Unis avaient en effet décidé de retirer le Mediator de leur marché en 1997, et l'Afssaps n'a pris cette décision qu'en novembre 2009. Peu attentive, peut-être, mais si les agences de santé ne communiquent pas entre elles, difficile de savoir qu'un fabricant est mis en cause à l'étranger.

• Multiplier les inspections pour contrôler les fabricants

"Nous devons nous demander comment organiser des contrôles inopinés chez les fabricants et chez les professionnels de la santé", propose une source du ministère de la Santé au Figaro.

Encore faut-il avoir assez d'inspecteurs. Dans l'indicateur d'activité 2010 (PDF) publié sur son site, l'Afssaps indique que 21 de ses salariés sont pharmaciens inspecteurs de la santé publique. Parmi eux, à peine une dizaine sont spécialisés dans les dispositifs médicaux, indique à FTVi une responsable à l'Ecole des hautes études en santé publique de Rennes, et ancienne inspectrice à l'Afssaps.

En face de cette dizaine d'inspecteurs, 533 fabricants de DM, selon le bilan 2010 de l'Afssaps. Sauf qu'une entreprise peut disposer de plusieurs usines. De plus, les missions de contrôle peuvent durer jusqu'à une semaine.

Les effectifs s'avèrent donc bien trop faibles pour qu'un contrôle systématique et régulier puisse avoir lieu. En 2010 déjà, le syndicat des pharmaciens inspecteurs de santé publique dénonçait l'insuffisance des effectifs.

• Une réforme de la législation ?

Xavier Bertrand, le ministre de la Santé, rappelait jeudi 5 janvier sur LCI que la loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament, votée après le scandale du Mediator, serait aussi appliquée aux dispositifs médicaux.

Pour le ministre et la Mutualité française, la certification CE ne suffit pas. Ils réclament une autorisation pour les DM, à l'instar des médicaments. La Mutualité française demande en outre que cette autorisation soit "accordée par une autorité sanitaire indépendante sur la base de trois critères : qualité, efficacité, sécurité", rapporte Europe 1.

La législation européenne devrait également être durcie dans les prochains mois, a indiqué jeudi un porte-parole de la Commission européenne. Il s'agit notamment de renforcer l'échange d'informations entre Etats à propos des dispositifs médicaux, ainsi que la traçabilité des prothèses. Bruxelles travaille depuis plusieurs mois déjà à la révision de l'actuelle directive, qui date de 2007, et doit présenter ses propositions dans le courant de ce semestre.

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