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Prêts à sacrifier leurs congés ou décidés à se serrer la ceinture, les Français s'adaptent aux temps de crise

De tous les Européens, les Français sont ceux qui ont le plus grand nombre de jours de vacances mais, cette année, ce sont ceux qui, derrière les Britanniques annoncent réduire le plus leur budget, selon une enquête Ipsos/Europ Assistance auprès d'un échantillon de 3500 Européens au printemps.
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8 min
La plage de Trouville (Calvados) (France 2)

De tous les Européens, les Français sont ceux qui ont le plus grand nombre de jours de vacances mais, cette année, ce sont ceux qui, derrière les Britanniques annoncent réduire le plus leur budget, selon une enquête Ipsos/Europ Assistance auprès d'un échantillon de 3500 Européens au printemps.

Attendre le dernier moment pour moins dépenser

En un an, le budget estival est passé de 2 000 euros en moyenne par famille à 1 717 euros pour des congés d'une ou deux semaines.
Les couples avec deux enfants se serreront encore plus la ceinture, ne prévoyant de dépenser que 1 643 euros en moyenne et privilégiant le repos aux activités de loisir payantes.

D'après le baromètre Ipsos/Europ Assistance, en mars dernier, 66 % des Français avaient déclaré vouloir partir, contre 74 % l'an passé, mais en mai la proportion des candidats français au voyage est tombée à 56 % .
« Cela traduit un attentisme des gens, explique Jean-Marc Rozé, secrétaire général du Syndicat national des agences de voyage (Snav). Ils attendent le dernier moment par peur d'un imprévu. »

L'inquiétude des vacanciers se remarque, entre autres, à l'accélération d'un phénomène apparu déjà depuis plusieurs années : «On retarde les réservations de dix jours minimum par an, mais, cette année, 37% des Français réservent à moins d'un mois. Un casse-tête absolu pour les voyagistes», déclare Didier Arino, directeur associé du cabinet d'études Protourisme.

Et pour trouver les meilleures offres, les bons plans, les consommateurs ne vont plus hésiter à chercher et comparer sur Internet : «80% des sondés ont indiqué qu'ils chercheront des informations sur le web», relève Protourisme. 65% seront également incités à acheter en fonction des promotions et des bonnes affaires.

Eric, employé au tour-opérateur Fram, juge lui que "les vacances font les frais de la crise" et ajoute "les Français espèrent faire un achat opportuniste. On est pour l'instant en retard de 17 % dans nos réservations par rapport à l'an dernier".

Peur de l'avenir, prévisions météo, volonté de rester libre de changer au cas où..., on s'y prend le plus tard possible.

L'invention du "droit au soleil"

Chez les tour-opérateurs, l'incertitude donne des idées. Dans les rangs de Pierre et Vacances, par exemple, on invoque "le droit au soleil" du vacancier. Si la météo s'annonce pluvieuse ou même maussade, le voyagiste s'engage à reporter le séjour réservé ou à changer la destination.

Du côté du concurrent Nouvelles Frontières, on confirme "l'impact de la crise sur le mode de consommation des Français". Avec trois faits marquants : le développement grâce à internet des ventes de dernière minute, avec des offres souvent promotionnelles. Autre élément : la sensibilité plus grande aux prix des vacances. Du coup, Nouvelles Frontières admet multiplier les opérations de promotion depuis l'hiver et s'apprête à lancer dès le 24 juin des "soldes" d'été.

Néanmoins, "c'est la guerre des nerfs", reconnaît René-Marc Chikli, président de l'Association des tour-opérateurs français (Ceto), "il n'y a aucune visibilité".

Sous peine de chute de leur chiffre d'affaires, les promoteurs de voyages doivent plus que jamais se montrer réactifs. Renégocier constamment les tarifs hôteliers et aériens est devenu la règle pour beaucoup d'entre eux.
Sur Internet, les clients sont à l'affût et naviguent sur six ou sept sites. Pour optimiser leurs chances, beaucoup utilisent également des sites comparateurs. Fini la fidélité à une marque. Dans la plupart des cas, ils ne se souviennent même pas à qui ils ont commandé.

De toutes façons, quels que soient ses revenus, il est devenu indécent de dépenser trop. L'époque n'est plus du tout au bling-bling mais au juste prix.

Direction le camping

Autre façon de dépenser moins : partir plus près et moins longtemps. «Les Français restent en France et les Anglais en Angleterre», résume Jaume Tàpies, président international de Relais &Châteaux.

On délaisse l'avion, particulièrement les longs-courriers, en baisse de 10 à 25 %, et on prend la voiture pour découvrir la France et l'Europe limitrophe. En France, les grands bénéficiaires sont les campings - de plus en plus séduisants, avec des mobile homes, des yourtes, des cabanes dans les arbres et des piscines ludiques -, mais aussi dans les villages de vacances.

Les réservations en camping dépassent les locations et l'hôtel. Sous la tente, en camping-car, en mobil-home ou en chalet, les vacances en plein air ont le vent en poupe. Cet été, avec 19 % des réservations prévues, l'hôtellerie de plein air devrait passer pour la première fois devant les locations (17 %) et les hôtels (10 %), selon une étude réalisée en mai par le cabinet Protourisme. Les réservations de mobil-homes et de chalets en camping ainsi que les gîtes sont en progression. En 2008, l'hôtellerie de plein air a généré un chiffre d'affaires de plus de 2 milliards d'euros en France.

De manière générale, en plus des économies sur l'hébergement, les touristes français devraient aussi rogner sur les dépenses annexes : 64% économiseront sur les souvenirs, 50% sur la consommation dans les bars et restaurants, selon le cabinet Protourisme.

A la recherche du plan économique

Avec un portefeuille vacances réduit, chacun est amené à envisager les solutions les moins chères possibles. Pour beaucoup, la réponse se trouve dans la famille. Passer quelques jours de congé auprès des siens permet de faire l'indispensable break pour presque rien. Etre invité chez des amis, moyennant une participation aux frais, peut aussi être la clé de vacances réussies sans trop bourse délier. Reste à avoir les amis en question.
Autre possibilité, assez tendance depuis quelques années, l'échange de maisons.

Si vous avez un logement (propriétaire ou locataire) vous pouvez l'échanger contre un autre logement situé n"importe où (en France comme à l'étranger).
Cet échange est possible si vous trouvez une personne ou une famille qui souhaite venir dans votre région.

Si tel est le cas, vous pouvez convenir d"un échange de logement sans contrepartie financière, seul le trajet et la nourriture sur place sont à votre charge.
C'est vous et la personne avec qui vous échangez le logement qui déterminez les modalités de l'opération.

Pour les anxieux qui auraient un peu peur de laisser leur maison à des inconnus, sachez que les plaintes, suite à ces échanges, sont très rares. En général, ceux qui ont fait l'expérience deviennent accros. Un bon moyen de faire voyager la famille dans des conditions très raisonnables.

Pour 1/3 des Français, la crise gâche les vacances

Près d'un tiers des Français (31%) estiment que la crise économique va leur "gâcher les vacances" et 12% d'entre eux renonceront à partir cet été, selon un sondage Harris Interactive publié le 26 juin.

Même s'ils se déclarent plus enclins que leurs voisins européens à se priver de congés, 51% d'entre eux affirment que les vacances vont leur "permettre d'oublier les problèmes liés à la crise", alors que seulement 38% des Italiens sont de cet avis.

Les deux tiers des Français estiment que les dirigeants politiques devraient modifier leurs projets de vacances cet été en raison de la crise et "partir moins longtemps" (37%) ou "renoncer à partir" (28%).

9% des Français vont partir moins longtemps cet été. Leurs vacances d'été vont durer en moyenne 9,5 jours, contre 11,5 jours l'an dernier. Ce sont les Espagnols qui partiront le plus longtemps (14 jours), mais moins qu'en 2008 (17,3 jours).

26% des Français partent plus de deux semaines cet été, contre 38% en 2008. Comparé aux Européens, les Américains sont nettement moins bien lotis, avec seuls 6% qui s'accordent plus de deux semaines, contre 10% en 2008.

L'enquête a été réalisée en ligne par Harris Interactive auprès d'un échantillon de 6.304 personnes, âgées de 16 à 64 ans en France, Allemagne, Espagne, Grande-Bretagne et aux Etats-Unis et âgées de 18 à 64 ans en Italie, du 27 mai au 1er juin.

Le "slow tourisme", potion magique anti-crise

Faire un maximum de choses en un minimum de temps pendant ses vacances, voilà une tendance qui est peut-être en train de passer. La crise aidant, les voyageurs redécouvrent progressivement des rythmes plus lents et donc plus humains.

Des chercheurs spécialisés dans le tourisme ont commencé à se pencher sur la question : "le tourisme lent vise à combiner respect de l'environnement, préservation des spécificités locales et plaisir de voyager", explique Ghislain Dubois, maître de conférences à l'université de Versailles.

Vive le silence
"Le tourisme dans le désert, ce n'est plus la recherche d'aventure en 4X4, maintenant on opte pour la randonnée et on apprécie le silence", dit-il. Pour lui, "les jets privés n'ont plus le vent en poupe", c'est le train qui est devenu le moyen de transport par excellence du tourisme lent.

Surfant sur cette nouvelle vague, l'éditeur Lonely Planet a actualisé son guide sur le Transsibérien, train mythique qui parcourt 14.000 km à travers trois pays (Russie, Mongolie et Chine). Une expérience déconseillée aux voyageurs qui restent pressés, car le train roule à une vitesse moyenne de 60 km/h.

Autre moyen de transport emblématique du tourisme lent, le bateau : le voyagiste Vision du Monde propose ainsi de prendre le ferry à Sète et traverser la Méditerranée pendant 36 heures avant de gagner le port de Tanger au Maroc, un trajet qui dure 12 fois plus longtemps qu'en avion.
"Le voyageur arrive au Maroc en douceur, il voit les paysages défiler. Le déplacement n'est plus tellement un moyen, mais un but en soi", commente Jeanne Divry, conseillère de Vision du Monde.

Près de chez soi
D'autres disciples du slow travel explorent leur propre région, à vélo, à pied, en voiture à cheval ... ou se contentent de passer leurs vacances chez eux : outre-Manche, crise oblige, on assiste au phénomène des "staycations", dérivé de "stay" (rester) et "vacations" (vacances), pour s'occuper du jardin ou de la maison.

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