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"Pour ne pas crever en silence", les éleveurs bretons passent en mode commando

Les actions nocturnes "coup de poing" se multiplient en Bretagne, à l'initiative d'agriculteurs au bord de la faillite. Nouvel exemple, dans la nuit de jeudi à vendredi, contre un supermarché de Lanvallay (Côtes-d'Armor). 

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des éleveurs de porcs incendient des chariots sur le parking d'une grande surface, dans la nuit du jeudi 11 au vendredi 12 juin 2015, à Lanvallay (Côtes-d'Armor). (F. MAGNENOU / FRANCE TV INFO)

"Vas-y, allume." Une petite dizaine d'hommes masqués déboulent sur le parking du Super U de Lanvallay (Côtes-d'Armor), dans la nuit du jeudi 11 au vendredi 12 juin. Des abris à chariots sont incendiés, avec de la paille, tandis que flotte une forte odeur d'essence. Un membre du commando tague une inscription à la bombe rouge sur la façade du bâtiment : "Les hyper tuent les paysans." Après avoir allumé un troisième feu, le groupe détale par un chemin de traverse. Les phares s'allument, les pneus dérapent. Le petit groupe est déjà parti vers une nouvelle cible, moins de dix minutes après son arrivée.

Eviter la géolocalisation, repérer les itinéraires... Rien n'est laissé au hasard. "Tu sais, je suis sur écoute, donc je fais attention", assure l'un d'eux. Ce genre d'action est préparée en amont, dans le plus grand secret, lors de réunions. Un peu plus tôt dans la journée, certains éleveurs ont finalement reculé. Par texto, ils ont indiqué que le mode d'action ne leur convenait plus, qu'il ne fallait pas servir du sensationnalisme à la presse. "Certains ont les pétoches, oui, et ça a cogité dans les têtes, hier soir", explique un participant. 

Les actions "coups de poing" se multiplient au fil des mois

Voilà plusieurs mois que ces opérations "coup de poing" rythment le quotidien des éleveurs, notamment dans le Finistère et les Côtes-d'Armor. La nuit précédente, déjà, une trentaine de supermarchés d'Ille-et-Vilaine ont été la cible d'actions pendant la nuit, avec de la paille, des gravats et parfois du lisier. La pression s'est encore accentuée avec l'assemblée générale de la Fédération nationale porcine, prévue vendredi à Ploërmel (Morbihan), en présence du ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll.

Avec la chute des cours du porc, certains éleveurs font face à des dettes supérieures à 100 000 euros. Concurrence étrangère, grande distribution et spéculation : voici la trilogie maudite contre laquelle ils se battent. Depuis plusieurs semaines, des camions stationnés sur les aires de repos ont été contrôlés, pour brûler la viande importée d'Espagne ou de plus loin. "J'ai dû le faire, personne ne voulait s'y coller", explique un autre exploitant contacté par francetv info, qui confirme les craintes des participants. Des éleveurs ont aussi bloqué l'issue de la centrale d'achat de Leclerc, à Landerneau (Finistère). Certains ont même déjà ciblé le marché au cadran de Plérin (Côtes-d'Armor), comme le rapportait France 3 Bretagne au mois de mars. "Les syndicats agricoles continuent de négocier avec le ministre, ça discute, mais rien ne se passe", explique un participant de l'action de Lanvallay. Les veillées d'armes continuent ici et là. Certains sont prêts à poursuivre les actions radicales, "pour ne pas crever en silence."

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