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"Mon candidat a rendez-vous chez le juge, mais je vote pour lui"

Certains candidats aux législatives sont dans le viseur de la justice, mais abordent le scrutin avec confiance. Leurs électeurs ont en effet des arguments pour les défendre, malgré les casseroles. Florilège.

Article rédigé par Yann Thompson, Christophe Rauzy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Eric Woerth (UMP) dans l'Oise, Sylvie Andrieux (PS) à Marseille, Georges Tron (UMP) dans l'Essonne, Jean-Pierre Kucheida (PS) dans le Pas-de-Calais : quatre candidats aux législatives malgré leurs ennuis judiciaires. (AFP / MAXPPP / FTVI)

Des timbales, des poêles à frire, des chaudrons et des casseroles en tout genre, beaucoup d'hommes politiques en traînent derrière eux. Mais pour certains candidats aux législatives des 10 et 17 juin, elles font plus de bruits que d’habitude en cette période de campagne électorale.

Ainsi, Georges Tron, candidat UMP dans l’Essonne, est mis en examen pour viol et agression sexuelle ; François Pupponi, député PS du Val-d’Oise, est visé par une enquête préliminaire pour "association de malfaiteurs" ; Sylvie Andrieux, prétendante à Marseille, est poursuivie dans une affaire de détournement de fonds publics et s’est vu retirer son investiture par le PS ; même sanction pour Jean-Pierre Kucheida, ex-socialiste, candidat dans le Pas-de-Calais et visé par une enquête pour abus de bien sociaux ; Manuel Aeschlimann, député UMP des Hauts-de-Seine, a été condamné en 2011, comme le rappelle Le Parisien, à un an d’inéligibilité pour favoritisme, mais s’est pourvu en cassation. Enfin, le plus célèbre d’entre eux, Eric Woerth, candidat UMP dans l’Oise, est mis en examen pour trafic d’influence et recel dans l’affaire Bettencourt.

Tous sont dans le viseur de la justice, et pourtant, tous restent en piste dans la course à l’Assemblée nationale grâce à un électorat qui défend son candidat bec et ongles, souvent avec les mêmes arguments.

• "Il faut respecter la présomption d’innocence !"

Seul le lourd marteau de la justice peut faire changer d’avis certains soutiens indéfectibles. A Draveil, où Georges Tron est maire, Madeleine*, 84 ans, estime que "rien n’est établi" dans l’affaire de viol qui menace le candidat UMP. "Tant qu’il n’est pas déclaré coupable, il faut le croire quand il dit que c’est une histoire de fesses entre adultes consentants. Et puis, ça n’a rien à voir avec la politique." Même défense chez Martine, une électrice de Sylvie Andrieux à Marseille. Pour elle, tant que le jugement n'est pas prononcé, "ça ne change rien", arguant que "sinon, à quoi ça sert la justice ?" 

• "Moi, j’y crois pas !"

La théorie du complot n’est jamais loin lorsqu’un politique est inquiété. En tout cas, leurs électeurs la brandissent facilement, comme cette sexagénaire d’Asnières, qui apportera tout son soutien à Manuel Aeschlimann : "On va pas parler de complot, mais bizarrement, c’est ressorti un an avant les élections, alors que l’affaire remonte à 1998." A Liévin, Jean-Pierre Kucheida est "trop gentil pour avoir fait ça", assure Nathalie, une jeune femme de 28 ans : "Moi, j’y crois pas, tout ça c’est pour faire parler, pour lui inventer des casseroles et l’éliminer."

• "Tous pourris de toute façon…"

Pour certains électeurs, les politiques véreux sont légion. "Tout politicien a quelque chose à se reprocher, assure Henri, un chef d’entreprise partisan d’Eric Woerth à Chantilly. Ils sont toujours convoqués, mais jamais condamnés, tant mieux pour eux." Chantal, de Sarcelles, assure que, comme François Pupponi, "ils sont tous pourris de toute façon, de Mitterrand à Chirac en passant par Sarkozy". A Draveil, une octogénaire estime que "le pouvoir, ça corrompt, c’est obligé". Et puis, après tout, "ce n’est pas très grave, le favoritisme" [reproché à Manuel Aeschlimann] explique Christian, 56 ans, habitant d'Asnières. Ça existe à tous les niveaux, et qui ne le fait pas, hein ?"

• "C’est quand même mes idées, alors…"

"Je vais voter pour Eric Woerth parce que je suis plus proche de la droite". L’argument de cette retraitée de l’Education nationale de Chantilly est sans détour. Mieux vaut un suspect judiciaire qu’un ennemi politique. "Ici, on ne me parle que du FN, s’inquiète Charlène, à Marseille. Mme Andrieux est la seule à pouvoir lui barrer la route" assure-t-elle. "C’est vrai que ses ennuis judiciaires m’embêtent un peu, concède une mère de famille d’Asnières. Mais j’ai toujours voté pour l’UMP, alors ce sera Aeschlimann aux législatives."

• "On l’aime tellement ici"

Tous ces candidats inquiétés par la justice ont un point commun : ils sont tous des députés sortants. Alors évidemment, leurs futurs électeurs sont ravis de leur "bon bilan", de leur "présence" et de leur "travail". C’est le cas de Djamila à Sarcelles, où le maire, François Pupponi a, selon elle, rendu son quartier "calme, propre" et où "tous [ses] enfants ont trouvé du travail". Jean-Pierre Kucheida jouit aussi d’une popularité palpable à Liévin, où il est décrit comme "un très bon maire", "bien avec les personnes âgées" et "à l’écoute". La possible défaite de Georges Tron dans l’Essonne serait alors "injuste" pour Annabelle, 18 ans : "Et puis, je n’ai jamais connu que lui comme maire, alors je l’aime bien."

Si la carte "casier judiciaire vierge" est un atout important dans le jeu d'un candidat politique, rien ne semble ainsi pouvoir remplacer la carte "popularité" pour remporter une élection. Mais, attention, elle n'empêche pas pour autant de passer par la case "prison".

* Les prénoms ont été changés à la demande des personnes citées.

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