Huit des dix victimes françaises de la grippe A sont ultramarines, principalement originaires de Nouvelle-Calédonie
L"épidémie de grippe A bat son plein dans l"hémisphère Sud. Au cœur de l"hiver austral, les départements de Nouvelle-Calédonie, Polynésie et de la Réunion voient leur nombre de contaminations s"envoler. Pire, depuis quelques jours la maladie devient mortelle. En Nouvelle Calédonie, elle a déjà causé cinq décès.
Le Sud avant le Nord ?
Actuellement en plein hiver austral, une saison propice au développement des virus grippaux, les pays du Sud sont touchés de plein fouet par la prolifération de la grippe A. Selon Marc Gastellu Etchegorry, responsable du département international et tropical à l"Institut de Veille Sanitaire, ces différents phénomènes « préfigurent certains aspects de ce qui arrivera » en métropole pendant l"automne.
Parmi les régions d"Outre-mer affectées, c"est en Nouvelle-Calédonie que la situation est la plus préoccupante. Les autorités locales ont comptabilisé pas moins de 35 000 infections (soit 15% de la population locale) depuis le début de l"épidémie, dont cinq cas mortels. Alors que les trois premiers cas avaient atteint des patients souffrants de maladies déjà existantes, les deux derniers décès des 21 et 22 août concernent un homme de 27 ans et une femme de 58 ans qui ne présentaient « aucun facteur de signe connu », selon la DDASS.
Devant ces nouveaux cas atypiques, Philippe Dunoyer, membre du gouvernement local en charge de la Santé se veut rassurant. "Il n"y a pas de nouvelle phase de l"épidémie" a-t-il souligné sur les ondes de Radio Nouvelle-Calédonie. "La grippe A est la même, elle n"a pas changé de gravité, elle n"est pas plus morbide qu"avant", a-t-il insisté. Ces décès sont tout sauf la traduction d"une absence de maîtrise en Nouvelle-Calédonie", a-t-il affirmé.
Peu de mesures contre la maladie
Afin de ne pas vouloir créer de paranoïa parmi la population locale, la grippe A est traitée de la même façon que sa « cousine » saisonnière. Tous les commerces, les entreprises et les écoles sont restés ouverts. De la même façon, les rues de Nouméa ne succombent pas à une épidémie de masque à coque, les porteurs de la maladie étant invités à rester chez eux. Rien ne change…ou presque. A Nouméa, devant l"hôpital Gaston Bourret, deux grandes tentes ont été installées. Leur but est de filtrer les visiteurs afin d"éviter d"éventuelles contaminations au contact de patients de l"hôpital.
Seul problème, depuis le 21 août les cas de décès liés au virus se multiplient. Certains experts estiment que les mesures entreprises, compte tenu de la gravité de la situation, sont trop faibles. En métropole, alors même que l"épidémie ne frappe pas encore de plein fouet, les écoles et les universités ont déjà préparé des programmes pour gérer les élèves malades. La règle est de fermer un établissement si trois cas y sont détectés en moins d"une semaine. En plus de cela, des spots gouvernementaux sont diffusés depuis le 25 août et jusqu"au 25 septembre. Ils rappellent les modes de transmission mais aussi les « gestes barrières » à adopter en cas d"éternuement ou de toux.
Alors, bien que Philippe Dunoyer démente avoir demandé l"aide du gouvernement français, les autorités sanitaires néo-calédoniennes vont recevoir vendredi deux épidémiologistes de l"Institut de Veille sanitaire, à Nouméa. Ils auront pour mission d"analyser le dispositif mis en place et, éventuellement, d"en tirer des enseignements pour la métropole. Ils analyseront également les dossiers des cinq patients décédés et ceux des malades hospitalisés pour approfondir les connaissances concernant les conséquences de la grippe H1N1 sur les malades présentant des facteurs de risque. En ce moment, trente-cinq personnes sont hospitalisées pour la grippe A, dont quinze enfants et huit adultes en réanimation ou en soins intensifs.
Même « traitement » pour la Polynésie et la Réunion
Bien que la diffusion du virus soit moindre dans ces deux départements d"Outre-mer, la Polynésie et la Réunion connaissent une trajectoire similaire à celle de la Nouvelle-Calédonie. En Polynésie française, le virus est déjà à l"origine de trois décès, deux femmes et un nourrisson, et plus de 10.000 personnes sont actuellement contaminées, selon les autorités sanitaires de l"archipel. Suite à la demande des autorités locales d"un renfort sanitaire, une équipe de neuf professionnels de santé a quitté Paris, lundi, pour venir en aide aux équipes hospitalières polynésiennes. Parmi eux, trois médecins urgentistes, un médecin généraliste, trois infirmiers anesthésistes et deux infirmiers. Un épidémiologiste de l"Institut national de Veille Sanitaire partira également dans les tout prochains jours.
Le département de la Réunion est également sévèrement touché par le nouveau virus. Selon un dernier bilan de la Cire (Cellule interrégionale épidémiologique Réunion-Mayotte), 22 500 Réunionnais ont été contaminés par cette grippe entre le 5 juillet et le 23 août sur une population de 800.000 habitants. Mercredi, la préfecture de la Réunion annonçait deux décès « possiblement liés à la grippe A ». « Les deux personnes décédées, âgés de 90 ans et 60 ans, souffraient de lourdes pathologies chroniques associées à un syndrome grippal. » Ces deux personnes n"ont pas été hospitalisées et sont mortes à leur domicile. L"une d"entre elles était victime d"insuffisance respiratoire, l"autre de problèmes cardiaques, a indiqué Laurent Filleul, coordonnateur de la Cire. Selon lui, « il est trop tôt pour savoir quand le pic de l"épidémie sera atteint. »
Pour l"heure la maladie n"a pas eu beaucoup d"incidences sur le quotidien de la Réunion. La rentrée des classes s"est effectuée quasi-normalement, avec simplement 7 900 absences sur plus de 220 000 élèves. Aucune école n"était fermée, les élèves malades étant priés de rester chez eux.
La grippe A touche donc aussi bien l"océan Pacifique que l"océan Indien. Alors, afin de mettre en place au mieux un dispositif de lutte contre le virus la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot se rendra à la Réunion vendredi et samedi prochains. Sa visite s"inscrit "dans une logique d"anticipation et de préparation à la gestion de l"épidémie", souligne le ministère de la Santé. Elle sera accompagnée de la secrétaire d"Etat à l"Outre-mer Marie-Luce Penchard.
Pourquoi tant de contamination et quels risques ?Facilement transmissible, la grippe A (H1N1) se propage à tout le monde, sans distinction d"âge. Dans les faits, elle se répand plus vite que la grippe saisonnière. C"est le premier constat que tirent les experts de l"épidémiologie, tandis que la maladie s"épanouit dans l"hémisphère Sud. Plus rapide, et également plus virulente. Elle semble aussi l"avoir emporté sur la grippe saisonnière puisqu"elle a été reconnue dans 90% des cas de grippe diagnostiquées en laboratoire. Légèrement plus violente qu"une grippe classique, son taux de mortalité est lui aussi reconnu plus élevé.
C"est ce qu"affirme dans un entretien avec Le monde le professeur épidémiologiste Antoine Flahault, directeur de l"Ecole des hautes études en santé publique. Selon lui, il faut distinguer trois causes de la mort par grippe. « La première est en disparition dans les pays développés, c"est la surinfection bactériologique. La deuxième, est une pneumopathie virale qui entraine un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) et la mort dans 50 à 60% des cas. La troisième, la plus fréquente est l"aggravation de sévères maladies déjà existantes. »
La grippe A (H1N1) causerait davantage de décès dus à des problèmes respiratoires aigus d"origine virale, y compris en l"absence de facteur de risques, que la grippe saisonnière, d"après Antoine Flahault qui a publié de premières données sur la virulence du virus. Pour l"heure, elle a fait 17 999 victimes dans le monde. Le nombre d"infections estimées en France métropolitaine est de 4 500.
Lire : Le blog de Jean-Daniel Flaysakier, rédacteur en chef adjoint, spécialiste des questions de santé à la rédaction de France 2.
Les facteurs de risque aggravé
Une étude américaine montre que les femmes enceintes ou les patients souffrant de grande obésité sont des sujets à risques. Aux Etats-Unis, les femmes enceintes représentent 13% des décès. Une statistique effrayante que commente Jean-François Delfraissy, directeur de l"Institut de microbiologie maladies infectieuses, qui coordonne les recherches sur le H1N1 en France : « A partir de maintenant, chez une femme enceinte, toute fièvre associée au moindre symptôme respiratoire devrait être considéré comme une urgence médicale ». Cependant, il faut relativiser, la vulnérabilité des femmes enceintes à la grippe, ne serait-ce que saisonnière, ou autres virus pandémiques, est connue. Les risques seraient plus importants à partir du 3ème trimestre, d"après un rapport de l"OMS.
Comment lutter ?
Pour enrayer la propagation de la grippe A, les modèles mathématiques encouragent une vaccination de masse. Une décision qui ne sera sans doute pas appliquée, car, même si la vaccination du tiers de la population mondiale permettrait d"endiguer la pandémie, elle présenterait aussi des risques, notamment au niveau des effets secondaires. Alors, plutôt que d"imiter les vagues de vaccination qu"avaient connus le Japon et les Etats-Unis dans les années 70 et 80, la meilleure solution reste la prévention et la protection des personnes à risques.
Le Tamiflu, très prisé en ce moment, représente un remède efficace, puisqu"il possède aussi des vertus préventives. Arrivé sur le marché dès le début de la propagation du virus, il rencontre encore peu de résistance et se révèle très efficace. A noter cependant que sur les sujets les plus jeunes, son utilisation peut entrainer des nausées et cauchemars.
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