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"Quand les bombes tombaient, maman nous disait de faire notre prière" : deux Normandes racontent le Débarquement

Edith et Thérèse font partie des 150 000 civils normands qui ont dû fuir les combats pendant, et après le D-Day.

Article rédigé par franceinfo - Farida Nouar
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des femmes et des enfants réfugiés dans une maison le 7 juillet 1944 dans la région de Vire (Normandie). (HULTON ARCHIVE / GALERIE BILDERWELT VIA GETTY IMAGES)

Alors que les cérémonies du D-Day pour commémorer le 75e anniversaire du Débarquement ont lieu jeudi 6 juin, les civils ont aussi payé un lourd tribut. L'opération a coûté la vie à de nombreux civils normands : 20 000 sont morts et 150 000 autres ont été contraints à l'exode. C'est le cas de deux soeurs qui vivent toujours près de Caen, dans le Calvados. 

Édith, 85 ans, et Thérèse, 86 ans, n'ont rien oublié, ou presque, du D-Day. À l'époque, elles ont 10 et 12 ans. Alors qu'elles sont endormies avec leurs frères et soeurs dans leur maison d'Hérouville-Saint-Clair, près de Caen, leur mère les réveille : il faut se réfugier dans une tranchée pour échapper aux bombes. Les deux petites filles y restent cachées toute la nuit. "Au matin, les bombes sont tombées à deux mètres de notre tranchée, raconte Thérèse. C'est là qu'on s'est échappé vers Blainville-sur-Orne."

On enjambait les morts.

Édith

à franceinfo

La commune est à plus de 5 kilomètres de là. Leur mère est enceinte et la petite dernière de la fratrie n'a qu'une dizaine de mois. Le trajet est éprouvant. "Il y avait un cadavre qui était calciné sur sa moto, se souvient Édith. Et un autre qui était allongé, les jambes écartées." "Et puis, il y avait les mines antichars, ajoute Thérèse. Il fallait passer à côté sans monter dessus. Une fois arrivés, nous avons vu une grange et on s'est tous mis dedans. On a tous couché là avec les tantes, les cousins et les cousines."

Commencent de longues journées et nuits dans la paille, au milieu des crapauds qui terrorisent les enfants et avec la faim au ventre. "Mon père allait décharger tous les bateaux anglais à Ouistreham, explique Thérèse. Il nous ramenait des boîtes de gâteaux."

Mon père devait faire la route caché dans le fossé parce que les Allemands bombardaient.

Édith

à franceinfo

Thérèse et Édith restent huit jours dans cette grange de Blainville-sur-Orne avant de rejoindre Anneville-en-Saire, non loin de Cherbourg. Et là encore, le quotidien est rythmé par les bombardements allemands. "Quand les bombes tombaient, maman nous disait toujours de faire notre prière, confie Édith. J'ai appris ma prière dans la tranchée."

Les deux soeurs ont aujourd'hui 85 et 86 ans. (FARIDA NOUAR / RADIO FRANCE)

Retour à la maison

Après plus d'un mois, fin juillet 1944, la famille rentre à Hérouville-Saint-Clair. "Quand on retourne à la maison, il n'y avait plus rien, assure Édith. Il y avait au moins cinquante trous de bombes dans le champ d'à côté. C'était d'immenses trous, et on y retrouvait des morts !" "Mon frère a vu une chaussure et a voulu la prendre, abonde Thérèse. Il y avait encore un pied dedans..." La maison des deux femmes ne sera reconstruite qu'en 1948.

Aujourd'hui, les sœurs n'assisteront pas aux cérémonies du 75e anniversaire du Débarquement. "On a vu la guerre, on n'a pas besoin de revoir ça, expliquent-elles. Mais vous savez, on n'oublie rien du tout."

Le reportage de Farida Nouar

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